La quête de l’harmonie par l’impression est irrationnelle pour un occidental, mais elle a toujours été la voie naturelle en Extrême-Orient. Les pierres ne sont dressées que pour favoriser la vie intérieure de celui qui séjourne dans le jardin. Pour Tomoya Masuda, « l’essence de la structure de l’espace architectural au Japon » est à chercher dans cette volonté de se mettre au diapason des éléments, de s’accorder à cette force primordiale qu’est le Ke. « C’est seulement lorsque l’être – ici l’espace – est orienté par ce vecteur qu’il peut être orienté ». L’orientation est donc avant tout intérieure. L’« Oku-No-In », mausolée du moine Kobo Daishi, à Kosayan, symbolise bien la supériorité dont jouit le caché sur le visible dans l’esprit japonais. La sépulture sacrée est en effet l’élément le plus retiré de l’ermitage (l’idéogramme « Oku » signifie le fond), et en cela s’avère être une « Pierre de profondeur », celle qui donne la clef de compréhension de l’ensemble du site.
Lorsque Toyo Ito, l’un des plus connus d’entre eux, entreprit de construire le Musée municipal de Yatsushiro au début des années quatre-vingt-dix, il le fit non seulement avec un grand respect pour le jardin traditionnel et le pavillon de thé jouxtant l’emplacement retenu, mais plus encore conçut l’ensemble du projet de manière à permettre une nouvelle lecture du site. Situé sur une petite colline, le musée est ainsi imperceptiblement enfoncé dans le sol afin de mieux faire corps avec le lieu. Au rez-de-chaussée, l’espace courbe que décrit une grande baie vitrée donne l’impression aux visiteurs de déambuler parmi les arbres, et de rester ainsi reliés à leur passé depuis un point de vue éminemment moderne, sans aucun sentiment de rupture.
Toyo Ito : 1970-2001, GA Architect n°17, A.D.A. editions, 2002
L’art des jardins, Pierre Grimal, PUF, coll. Que-sais-je?, 1974
La nouvelle architecture japonaise, Naomi Pollock et Yuki Summer, Le Seuil éditions, 2010
L’art de dresser les pierres, Pierre et Suzanne Rambach, Editions Hazan, 2005
Le traité du jardin (1634), Yuanye, Editions de l’imprimeur, coll. Jardins et paysages, 1997