2 salariés sur 5 déclarent avoir reçu une prescription d’arrêt au cours des 12 derniers mois, les moins de 35 ans étant ceux ayant eu le plus recours à ces arrêts durant cette période (Etude Indeed / OpinionWay octobre 2024). Des arrêts motivés pour 20 % par une raison psychologique ou un besoin de repos. Rien d’étonnant puisque 50 % des salariés français constatent que leur santé mentale s’est dégradée au cours des dernières années. Plus que jamais la santé mentale au travail c’est capital. On fait le point.
Le 14e Baromètre Empreinte Humaine / OpionionWay publié en avril 2025 confirme d’ailleurs que la santé psychologique des salariés français se stabilise et reste fragilisée. 45 % des salariés se déclarent en effet en détresse psychologique (+3pts par rapport à juillet 2024). Une situation qui touche surtout les femmes (52 % +8pts), les 30/39 ans (54 % +24pts) et les employés (53 % +1pt). Le burn-out concerne quant à lui désormais 31 % de la population active (+1pt). Près de 7 salariés sur 10 en détresse psychologique attribuent leur état à leur environnement de travail, avec comme principal facteur d’aggravation, l’individualisme au travail. Un facteur qui n’a rien d’anecdotique : perçu par 60 % des salariés et 7 cadres sur 10, il augmente de 1.6 fois le risque de détresse psychologique. Mais contrairement à une idée largement répandue, seuls 14 % d’entre eux attribuent cette montée à la généralisation du télétravail.
Santé mentale au travail : quel rôle pour les RH ?
Et ce n’est pas sans conséquence sur la gestion des ressources humaines. 74 % des responsables RH déclarent en effet gérer régulièrement des situations personnelles difficiles chez leurs collaborateurs, problèmes familiaux ou sociaux par exemple. Par ailleurs, 70 % d’entre eux constatent une augmentation des cas d’épuisement et de burn-out dans leurs entreprises. Enfin, 9 RH sur 10 avouent être davantage dans une posture réactive que préventive face aux problématiques de santé mentale. « Seule la moitié des entreprises réalisent un diagnostic régulier des Risques Psychosociaux, et seulement 35 % des salarié.e.s estiment que leur entreprise met en œuvre un plan d’actions de prévention. Un manque de moyens et de soutien qui met en péril la capacité des RH et managers à endosser pleinement leur rôle de garants du bien-être au travail » constate le baromètre.
L’œil de l’experte
Noémie Guerrin, Préventrice, consultante en santé mentale au travail & risques psychosociaux et autrice de Prenez soin de votre santé mentale au travail… et de celle des autres (Vuibert 2024)
La détresse psychologique ressentie par les salariés relève-t-elle uniquement du travail ou d’une conjonction de facteurs ?
La situation sociétale actuelle nous fait baigner dans la peur et fait que nous arrivons dans nos environnements de travail avec une bande passante déjà altérée par le stress et l’anxiété. Parallèlement, l’accélération numérique et la surcharge informationnelle que nous traversons depuis 20 ans ont modifié notre rapport au temps, à l’attention et à notre identité. Ce ne sont pas de mauvais outils mais leur mésusage a un impact sur la santé mentale : disponibilité permanente, augmentation des comparaisons sociales, exposition accrue au cyber harcèlement même sans lien de subordination etc. La transformation de l’organisation du travail a aussi des conséquences : intensification du travail, individualisation accrue des tâches et objectifs, complexification des rôles et pertes des repères managériaux, notamment. Parallèlement, la fragmentation des solidarités entre collègues a accru le sentiment d’isolement des salariés, alors même que l’état de santé sociale ricoche de façon importante sur l’état de santé mentale.
La santé mentale au travail est encore taboue en France. Faut-il / comment en parler à son boss ?
Cela nécessite d’abord de s’assurer que l’organisation du travail est assez sécuritaire pour s’exprimer. On assimile souvent santé mentale et pathologie ou maladie grave. La souffrance psychologique est encore perçue comme un signe de faiblesse et d’instabilité qui pousse à garder le silence. L’entreprise doit dépasser ça dans sa culture pour être incarnée sur ces sujets. La formation est donc essentielle pour accueillir cette parole avec une base de connaissance et un langage communs, comme ce qui est fait pour les VSS par exemple.
Comment prévenir une situation de détresse psychologique ?
Il y a trois stades. D’abord, la prévention primaire qui permet d’éviter l’apparition des symptômes en agissant sur les causes. Encore peu développée en France, celle-ci consiste à réfléchir à un environnement de travail propice, dès l’origine, à la préservation de la santé mentale de tous. Ce qui revient à s’interroger sur : les risques psychosociaux liés à chaque métier, la formation à l’écoute active et à la gestion de conflit en amont, la promotion d’une culture de la charge de travail soutenable, le renforcement des rituels collectifs et surtout, la façon d’impliquer les salariés dans la création de ces outils pour qu’ils soient pérennes et pertinents. La prévention secondaire consiste quant à elle à agir dès les premiers signes de détresse et la prévention tertiaire, à en réduire l’impact lorsqu’il est déjà avéré.
Je détecte une situation de détresse psychologique chez un collège : je fais quoi ?
Il faut d’abord avoir l’humilité de se demander si on est la bonne personne pour en parler avec lui, si on va assez bien pour accompagner la souffrance de quelqu’un d’autre et si on a des biais sur le sujet. Ce qui est fondamental, c’est d’avoir de l’attention à l’autre, même si on pense ne pas pouvoir / savoir l’aider.
>>>> Pour aller plus loin sur le sujet de la santé mentale au travail – Maladie, divorce, galère perso : j’en parle à mon boss ?