La crise financière de 2007-2009 est l’une des plus importantes depuis la grande dépression par sa dimension systémique et ses répercussions sur l’économie réelle. Elle a débuté sur le marché des subprimes aux États-Unis, puis s’est étendue à l’ensemble du système financier mondial obligeant les banques centrales à intervenir massivement sur les marchés et les gouvernements à mettre en place des plans d’aide économique à grande échelle.
Le coût de la crise est gigantesque, les pertes avancées impressionnantes(1), et l’opinion publique demande instamment une analyse des causes du désastre qui la touche directement. La Finance, c’est-à-dire les pratiques professionnelles mais aussi la recherche scientifique, est directement impliquée. En effet, la « Finance moderne » et les modèles qui en sont issus ont été fondamentaux pour le développement de l’activité financière dans les domaines de la gestion de portefeuille, de l’évaluation des risques et du développement de produits financiers.
Identifier les causes de la crise, pour proposer des voies d’amélioration…
Les chercheurs en Finance se sont attachés rapidement à analyser les causes de la crise et de nombreux articles ont permis d’identifier les circonstances et les dysfonctionnements qui ont mené au début de la crise aux États-Unis, puis à sa propagation et aux difficultés de sa gestion par les autorités financières.
Sur le banc des « accusés » de la crise, on trouve notamment : un usage excessif de la titrisation, des produits financiers trop complexes ou trop peu transparents pour en permettre une évaluation adéquate, des agences de rating dotées de modèles aux hypothèses adaptées et en situation potentielle de conflits d’intérêt, des systèmes de rémunération des intermédiaires favorisant une négligence des risques, des méthodes d’évaluation des risques inadaptées au traitement des évènements rares ou trop simplificateurs et au final une régulation financière inefficace.
Les travaux de recherche ne s’arrêtent pas à l’identification des causes, ils proposent avant tout des voies d’amélioration. Dans le domaine de la gestion des risques en particulier, les avenues de recherche sont nombreuses sur les thèmes du risque systémique, du risque de modèle, des liens entre les différents types de risque… Mais au-delà d’éléments spécifiques à améliorer, le rôle de la recherche en Finance est aussi de fournir des solutions innovantes à l’échec fondamental révélé par la crise : celui des instruments de gestion des risques des actifs immobiliers non liquides. Dans cette optique, il ne fait pas de doute que la crise actuelle constituera un sujet d’étude durant de nombreuses années.
… mais aussi se remettre en cause
La Finance fait partie des sciences humaines et sociales et elle en partage donc une des caractéristiques principales : celle d’être directement liée à son objet d’étude. La recherche influence les comportements des professionnels et des marchés qui sont observés. Ceci a des implications claires en matière de modélisation et de validation des modèles. La Finance est en cela profondément différente des mathématiques et de la physique, bien qu’elle en utilise certains outils. La crise financière, et les critiques qui en ont résulté, ont poussé certains chercheurs à s’interroger sur le paradigme même qui guide la majorité des productions académiques actuelles vers une finance dite « scientifique ». Ces interrogations, comme les innovations radicales, naissent souvent d’un choc majeur. Elles sont indispensables au bon développement des connaissances ainsi qu’à l’évolution des pratiques.
(1) Le FMI estime les dépréciations financières dues à la crise à 2 200 milliards de dollars US dans le Rapport de stabilité financière publié en octobre 2010.
Sophie Anger, Ph.D, CFA, professeure de Finance à l’EM Normandie