Lutte contre les inégalités salariales, harcèlement de rue, violences faites aux femmes. Marlène Schiappa est sur tous les fronts ! La secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes revient sur les grands chantiers du quinquennat et nous livre quelques secrets de sa réussite.
Les inégalités salariales sont le terreau de bien d’autres inégalités. Comment les réduire ?
Nous avons lancé un plan en trois volets : prévention, action, répression. En termes de prévention, nous agissons sur les causes des inégalités entre les femmes et les hommes. C’est dans cette optique que nous établirons un congé maternité harmonisé pour toutes les femmes, quel que soit leur statut. En termes d’action, nous proposons aux grandes entreprises des formations à l’égalité et instaurons des opérations de Name & Shame pour distinguer les « mauvaises élèves » en la matière. Des actions seront également prévues en faveur des ETI et PME.
Et pour la répression ?
Il s’agit avant tout de rendre effectives les sanctions financières prévues par la loi. C’est un enjeu fort du quinquennat que de faire passer l’égalité par la loi à l’égalité dans les faits en construisant des dispositifs de contrôle qui, alors qu’ils ont une existence juridique, ne sont toujours pas mis en œuvre.
La réaction des entreprises ?
Elle diffère en fonction de leur niveau d’avancement en matière d’égalité femmes / hommes. Il y a celles qui vont déjà au-delà des obligations légales (dispositifs pour revaloriser les salaires des femmes au niveau de ceux des hommes, multiplication des salles d’allaitement…), celles qui sont dans l’inertie par manque d’informations ou de moyens, et les mauvaises élèves, qui n’ont pas envie d’avancer sur le sujet. Nous devons aider les entreprises à prendre conscience de ces inégalités et travaillons en ce sens avec le ministère du Travail.
Le rôle des jeunes générations dans la promotion de l’égalité femmes / hommes ?
Elles doivent faire valoir auprès des entreprises que c’est un sujet important pour elles. Sur des secteurs en tension comme la finance ou les nouvelles technologies, il faut que les jeunes talents montrent que l’égalité est un critère déterminant dans le choix de leur employeur. Les jeunes garçons sont d’ailleurs de plus en plus conscients de ces inégalités : ils veulent lutter contre les stéréotypes et la conciliation vie professionnelle / vie personnelle est un vrai sujet pour eux.
Autre obstacle à l’égalité : l’autocensure ?
C’en est une cause mais il ne faut pas occulter que c’est toute une construction sociale qui amène les femmes à se dévaloriser. A diplôme égal, les hommes demandent systématiquement un salaire plus élevé que les femmes, comme si elles avaient assimilé qu’elles valaient moins. Partout elles doivent travailler deux fois plus que les hommes, ne serait-ce que pour se prouver qu’elles méritent d’être à leur place. En politique par exemple, on est toujours soupçonnées d’être là pour satisfaire un quota féminin. Mais pendant des siècles les hommes étaient en politique parce qu’ils étaient des hommes et ça ne posait de problème à personne !
N’est-ce pas aussi une question de pénurie de rôles modèles ?
Un homme qui veut devenir astronaute a l’embarras du choix pour trouver un modèle. Pour une femme, les modèles se comptent sur les doigts d’une main. C’est important de les mettre en avant pour montrer aux femmes que rien ne leur est interdit, sans jamais oublier qu’il y a beaucoup de travail derrière.
Quels sont vos modèles ?
De nombreuses femmes m’ont inspirée mais j’ai été particulièrement marquée par Mercedes Erra, Présidente exécutive d’Havas Worldwide et fondatrice de BETC. Je l’ai découverte dans une émission de télévision quand j’étais au lycée. Grâce à elle, j’ai compris qu’on pouvait être une femme et réussir dans la pub.
Le sexisme en politique : mythe ou réalité ?
On a beaucoup parlé de sexisme en politique et à raison : il faut le dénoncer systématiquement. Mais pour ma part, je n’ai jamais été victime de sexisme de la part d’hommes politiques. On dit que c’est parce qu’ils savent que je suis féministe mais je crois surtout que c’est une question de respect et de considération de la part de mes homologues. On ne m’a jamais coupé la parole en conseil des ministres. Les remarques sexistes que j’ai pu subir venaient plutôt des médias ou d’autres femmes.
Etre féministe en 2017, qu’est-ce que ça veut dire ?
Je n’aime pas donner de « brevet de féminisme » mais je dirais que c’est œuvrer pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Un engagement qui peut prendre des milliers de formes. Et ce n’est pas incompatible avec le fait d’être un homme : Emmanuel Macron en est la preuve.
On dit de vous que vous avez du caractère. Qu’est-ce qui vous pousse à vous dépasser ?
Quand je suis entrée sur le marché du travail, j’étais tétanisée par mon premier entretien d’embauche et n’ai pas osé y aller. Avec la maturité, j’ai appris à m’auto-booster et aujourd’hui, je m’autorise à répondre aux propositions. Je ne dis jamais « ça n’est pas possible ». Deux mois après mes débuts dans une agence de pub, un poste à responsabilités s’est libéré. J’étais tellement persuadée qu’il était fait pour moi que j’ai mis tous les jours des post-it « Donner une promotion à Marlène » dans le sac de mon chef. Ce dépassement de soi est un travail de chaque instant. Quand En Marche m’a contactée pour trouver un profil de déléguée qui me ressemblait trait pour trait, j’ai passé 3 semaines à chercher quelqu’un d’autre avant de réaliser que la mission me correspondait parfaitement. Mon parcours auprès d’Emmanuel Macron s’est ensuite déroulé assez naturellement. Finalement, j’ai eu plus peur d’aller à mon premier entretien d’embauche que de dire oui à l’appel du Président.
Vous arrive-t-il de vous dire « si j’étais un homme, les choses se passeraient autrement » ?
Dans ma vie personnelle bien sûr. Par exemple, ça n’arrive jamais à un homme de se faire accoster de manière insistante dans la rue. D’un autre côté, la maternité m’a aussi beaucoup aidée. Devenir mère a renforcé ma confiance en moi : je me suis dit que si j’arrivais à donner naissance à un être vivant je pouvais tout faire ! Dans ma vie professionnelle, le fait d’être une femme n’a jamais vraiment été pénalisant. Mais c’est loin d’être le cas de toutes les femmes. C’est pour ça que je me fais un devoir d’aider les autres à construire leur chemin. Plus jeune, j’étais plutôt sur un mode garçon manqué, pizza et jeux vidéo avec les copains mais aujourd’hui je suis convaincue des vertus de la sororité et de la solidarité féminine. Tirer les autres femmes vers le haut c’est fondamental.
Lutte contre le harcèlement de rue : où en est-on ?
Nous avons installé avec le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Justice un groupe de travail de cinq parlementaires de groupes politiques différents. Leur mission : caractériser et définir dans la loi ce qu’est le harcèlement de rue, une zone grise entre séduction consentie et agression sexuelle. Leurs conclusions seront intégrées au travail sur la grande loi citoyenne qui sera discutée en 2018.