Mille et une manières de réussir

La réussite porte mille visages. Elle peut être humaine, sociale, créative, sportive, gastronomique, solidaire, collaborative, matérielle ou sentimentale. Elle est toujours un  accomplissement, une forme de bonheur de voir un rêve se réaliser, pour soi et pour les autres. 17 regards et expériences de la réussite.

 

Ora ïto © Ellen Von Unwerth
Ora ïto © Ellen Von Unwerth

« Je suis un éternel insatisfait car je recherche la perfection »

Ora ïto (de son vrai nom Ito Morabito) se lance dans la création en autodidacte. Il quitte son école (Créapole) avant d’être diplômé. Il se fait connaître en imaginant des objets virtuels qui n’existent pas, inspirés de grandes marques. Il passe au design objet, réel cette fois-ci sollicité par ces mêmes marques prestigieuses. Guerlain, Roche Bobois, Artemide, Christofle, Cappellini, Cassina, Sagem, les cinémas Pathé, le club le Cab, Alstom, font appel à sa créativité pour imaginer des meubles, des luminaires, des téléphones, des bouteilles ou des flacons voire revisiter leurs intérieurs.Dès ses premières créations, il se distingue et les récompenses pleuvent. Dernières récompenses en date : 6 Red Dot Design Awards et 3 IF Design Awards. En 2013, il ouvre le MaMo (Marseille Modulor), offrant à l’art contemporain un écrin exclusif. Le centre d’exposition est situé sur le toit-terrasse de la Cité Radieuse conçue par Le Corbusier. Il a déjà accueilli les œuvres de Daniel Buren, Xavier Veilhan ou encore Dan Graham. Rencontre avec un créateur hors norme.

Quels sont les secrets de la réussite dans le design ?
La création se nourrit de l’engagement et de l’ouverture, mais aussi d’une remise en question permanente, de la quête de ce qui se fait de nouveau dans les matériaux, les techniques artisanales et d’art. Il faut explorer toutes les possibilités que nous apportent les nouvelles techniques. Imaginer comment exploiter de nouvelles formes et matières. Le design est aussi un métier de compétition. Nous répondons à des appels d’offre, à des concours. Il faut se démarquer.

Comment se démarquer ?
L’enjeu est de trouver son identité artistique et créative. Je crois que ce sont les obsessions qui se transforment en identité. De l’homogénéité des débuts nait l’univers de chacun. Le défi est de faire évoluer son propre style et de le décliner en évitant de tomber dans le piège de l’identité qui consiste à se répéter à l’infini. De la même manière, se remettre en question comporte un piège : devenir un caméléon.

Créer votre propre centre d’art contemporain le MaMo, un rêve accompli ?
C’est un projet très personnel. Avec le MaMo, je déclare mon amour à ma ville, Marseille. La Cité Radieuse est un lieu passionnant à restaurer. Je suis heureux d’avoir pu l’ouvrir au public. Ce n’est pas ma vocation créative à laquelle je fais appel ici. Je suis plutôt dans le costume du directeur artistique, du commissaire d’exposition. Le MaMo c’est surtout une chance extraordinaire de rencontrer des monuments de l’art contemporain comme Daniel Buren avec qui je prépare un nouveau projet pour 2016, au cœur de Paris cette fois-ci.

Avez-vous besoin de nouer une complicité pour travailler en collaboration ?
Pour monter des projets importants, il faut en effet des atomes crochus. Avec Daniel Buren, j’ai ressenti comme une évidence. Nous nous comprenons sur un regard. Le design est un métier très collaboratif qui demande une grande écoute de son partenaire industriel. J’aime travailler pour des maisons italiennes de mobilier. Je me retrouve dans leur insatisfaction éternelle, leur besoin d’aller toujours plus loin pour approcher au maximum de la perfection, de la quintessence d’un objet. Créer un objet demande des années de développement, de recherche, d’innovation. Or, j’ai du mal avec la patience ! C’est pourquoi je me lance dans
plusieurs projets simultanément.

Que représente le design pour vous ?
Il est le medium qui m’a permis de regrouper mes passions pour l’art, la matière, la beauté, et d’en faire un métier. Notre travail est de créer des objets qui vont accompagner les nouveaux comportements. Il reste pourtant encore peu connu du grand public bien que nos créations soient omniprésentes dans le quotidien.
www.ora-ito.com

 

Loïc Richier © Jérémy Barande / École polytechnique
Loïc Richier © Jérémy Barande / École polytechnique

« Aller au bout de ses études, c’est bien, mais on peut faire un million de choses mieux dans sa VIE ! »

Loïc Richier, universitaire et major de promo à Polytechnique.La réussite, Loïc Richier en a une belle approche. Étudiant en licence de mathématiques à l’université de Nancy, sur les conseils de son responsable, il tente le concours d’admission à Polytechnique par voie universitaire en mai 2009. En 2012, il finit major de promo de sa 2e année.

Quelle est votre approche de la réussite ?
Réussir, c’est atteindre les objectifs que l’on s’est fixés soi-même. Autant sur le plan professionnel que personnel. Je pense que je suis encore loin d’avoir réussi. Aller au bout de ses études, c’est bien mais on peut faire un million de choses mieux dans sa vie ! Et moi, je n’ai pas encore fait grand-chose. Je suis une fourmi dans le monde de la science, mais si je peux apporter une toute petite contribution à ce monde, je serais très heureux.

Quel modèle représente selon vous la réussite et vous a aidé à y parvenir ?
Mon père est mon modèle. Il a arrêté ses études pour travailler et s’occuper de sa famille. Il les a reprises très tard, après ma naissance, et a obtenu son DUT après avoir passé son bac par correspondance. Il s’est fait tout seul et est de loin le plus méritant.

Quels conseils pourriez-vous donner à un étudiant pour lui aussi parvenir à la « réussite » ?
Arrêtez de vous autocensurer ! Dans le monde universitaire on se pense inférieur à un étudiant de classe préparatoire. On pense que les grandes écoles ne sont pas faites pour nous. Et c’est une erreur car les universitaires sont tout à fait capables, autant que les autres. Quand j’ai passé le concours d’admission à Polytechnique, mon professeur ne cessait de me répéter que je n’avais rien à perdre à part échouer. Il m’a fait comprendre que cela m’aiderait à réussir mon rêve de faire de la recherche. Il vaut mieux avoir des remords que des regrets. Il m’a énormément aidé à avoir le bon état d’esprit.

 

Alexandre Malsch © meltygroup
Alexandre Malsch © meltygroup

« Je n’ai jamais voulu créer une entreprise, je voulais monter un PROJET »

Alexandre Malsch (Epitech 2009) co-fondateur du portail média meltygroup.

Vous avez lancé votre 1er site d’actualité pour les 15-34 ans à 15 ans. Comment avez-vous construit votre trajectoire ?
Je n’ai jamais voulu créer une entreprise, je voulais monter un projet. Je cherchais du contenu en ligne intéressant pour les jeunes et je ne le trouvais pas. J’ai décidé de le créer. Pour cela j’ai monté une équipe. L’entreprise a été une conséquence. Chaque génération d’entrepreneur surfe sur une vague d’opportunités. La réussite de meltygroup tient en notre capacité à nous immerger dans des vagues comme l’avènement des sites personnels et blogs, la 4G, la vidéo live, les réseaux sociaux, les real time social series, etc. Nous avons mis au point un algorithme – Shape – qui permet de prévoir les sujets qui vont faire le plus d’audience chez notre cible en analysant leurs habitudes sur le Web. Notre stratégie est fondée sur l’agilité et la rapidité, notre capacité à être habile et astucieux. La chance que nous avons est qu’en ligne, en scrutant les datas issues des expériences de nos lecteurs, on sait si ils sont ou non satisfaits. Du coup notre seul travail est de créer du contenu qui va les intéresser ! C’est parce que nous avons un coup d’avance que nous existons depuis 2008. Nous venons de boucler un financement de 10,5 millions d’euros pour réaliser notre ambition : devenir un groupe média rentable à travers le monde en 2018 !

A quoi tient la réussite selon vous ?
Lorsque l’on entreprend, il y a des hauts et des bas très intenses qu’il faut gérer émotionnellement et même physiquement. Pour cela il est important d’être entouré. J’ai la grande chance d’avoir rencontré l’entrepreneur Pierre Chappaz qui est devenu mon mentor. La clé de toute entreprise est de réussir à faire travailler ensemble des personnes, d’assembler les compétences. Le deal doit être à double sens, sinon ça ne fonctionne pas et personne ne s’épanouit.

Quel est votre nouveau projet melty talent house ?
La réussite est collaborative. Après avoir œuvré au développement de l’écosystème des start-up en France au sein du Conseil national du numérique, je souhaite partager ce que nous construisons au sein de meltygroup. Notre label melty talent house opère tel un parrain partageant son réseau et son expertise ; une pépinière pour faire découvrir à nos lecteurs des jeunes talentueux.
www.meltygroup.com

 

François Cazalas
François Cazalas

L’apprentissage, une marche vers la réussite

François Cazalas, dirigeant-fondateur de NDLS Conseil a fait partie de la première promotion en apprentissage de l’ESSEC Business School en 1993.

Pourquoi tenter l’apprentissage alors que l’ESSEC lançait la filière ?
Après des études scientifiques et en gestion de l’environnement, je souhaitais rejoindre le monde des décideurs. Pour cela je devais compléter mon profil en école de management. J’étais membre de l’équipe de France de triathlon. J’avais donc une certaine maturité et je bénéficiais d’un ancrage de compétiteur. La filière apprentissage n’était pas considérée comme un accélérateur de carrière alors. Mais je pressentais qu’elle deviendrait quelque chose de gratifiant.

Quels en ont été les bénéfices ?
La double vie entre l’école et l’entreprise vous dote d’une grille de lecture proactive et ancrée dans la réalité de ce que vous apprenez en cours. Vous êtes aux côtés de professionnels et considéré vous aussi comme tel. Ça a été un passeport pour l’emploi puisque j’ai intégré le cabinet où j’avais réalisé mon alternance, Arthur Andersen.

En quoi est-il une clé de réussite ?
L’apprentissage est une marche vers la réussite. Il permet d’envisager ce que pourrait être notre futur parcours. Il est très qualifiant. En plus de la rigueur du raisonnement financier et comptable, être en prise
directe avec les directeurs financiers et patrons d’entreprises a été une formidable école. J’ai mûri au plan relationnel, j’ai appris les arcanes de la gestion d’entreprise, de la conduite du changement. J’ai travaillé sur des missions très diverses en termes de problématiques, secteurs ou pays. Tout cela s’est révélé formidablement important pour la suite de mon parcours. J’ai été l’homme de confiance de la famille Pastor durant 7 ans avant de diriger mes propres entreprises. Aujourd’hui je mets en relation des entreprises et des investisseurs.

 

Philippe Cafiero
Philippe Cafiero

« Réussir, c’est accomplir des Rêves »

Philippe Cafiero, DRH de la Croix Rouge pendant 6 ans jusqu’en novembre 2015.

Par quoi passe la réussite professionnelle ?
Par l’accomplissement de rêves. Il faut les exprimer, les faire savoir à sa hiérarchie, aux RH, à ses collègues ; sinon ils n’arrivent jamais !

Avez-vous accompli vos rêves ?
Je voulais être DRH et travailler à l’international. J’ai d’abord exercé chez Valeo en France et aux Etats-Unis, puis j’ai été DRH de Securitas et Randstad France, puis DGRH monde de Randstad à Amsterdam durant 7 ans. A un moment, ma famille est revenue en France, je la voyais peu. J’ai finalement choisi de la rejoindre. C’est aussi ça la réussite, trouver un équilibre.

Quelles autres clés de la réussite avez-vous identifiées en tant que DRH ?
Faire savoir ses ambitions et ses rêves est une chose. Il faut aussi être dans un esprit de mobilité et de disponibilité le jour où l’on pense à vous pour un poste. Travailler dans différents domaines de son métier donne une perspective généraliste et permet d’éviter le cloisonnement. Il faut aussi prendre des risques : c’est lorsque l’on est performant et à l’aise dans un poste qu’il faut penser au suivant.

DRH de la Croix Rouge, un poste à part ?
Oui et non ! Non, car quel que soit le secteur, le plus important est de bien faire son travail, de permettre aux salariés de s’accomplir et à l’entreprise de fonctionner. Et oui, car la Croix Rouge est une entreprise associative, de l’économie sociale et solidaire. Elle emploie 18 000 salariés et peut compter sur 54 000 bénévoles. La dimension sociale, médico-sociale, pédagogique et sanitaire impose d’accompagner au mieux les salariés dans la réalisation de leurs missions, dans leur développement alors qu’ils n’hésitent pas à s’investir pleinement pour gérer les situations complexes et humaines. Je me suis senti utile et fier. Comme le jour où nous avions au plan humanitaire, de notre propre chef, traversé la Méditerranée et acheminé des tonnes de vivres et de médicaments sur le port de Misrata, en Lybie, où nous attendait des membres de la Croix Rouge locale et ce, dans un contexte de guerre imminente.

 

Patrick Bourdet
Patrick Bourdet

« Ma réussite, ce n’est pas d’être devenu PDG. C’est de n’avoir jamais Renoncé. »

Patrick Bourdet, PDG d’AREVAmed
En publiant en 2014 « Rien n’est joué d’avance » (Fayard), le dirigeant souhaite témoigner plus que se raconter. Son histoire est une source d’inspiration et d’espoir. Patrick Bourdet parle d’un « parcours improbable ». Il a eu une enfance très compliquée, qu’il qualifie de  » tragique » . « J’ai connu l’indigence, la brutalité de parents malades, la désespérance sociale. » Placé par la DDASS, il a la « chance de rencontrer des gens sous le regard desquels je me sentais aimé et reconnu. »

Tout est possible
Patrick Bourdet veut faire savoir que tout est possible, qu’il faut rêver, que rien n’est jamais joué d’avance. Il commence à travailler très jeune et gravit les échelons un à un. Sa réussite, il la doit aussi à son intuition comme beaucoup de dirigeants. « J’ai eu l’intuition d’un projet innovant : certains métaux radioactifs de l’usine dans laquelleje travaillais pouvaient permettre de lutter contre le cancer. Cette idée, que personne n’avait eue avant moi, est peut-être sur le point de révolutionner la radio-immunothérapie, une thérapie ciblée très prometteuse pour combattre la maladie. »

Être libre pour réussir
Doté d’un CAP de mécanicien auto, pour se sortir de la précarité, il étudie tout en travaillant. « J’ai découvert que plus j’apprenais plus j’étais libre, je n’ai donc jamais arrêté ! » Patrick Bourdet fréquentera les bancs d’EM Normandie, d’HEC et d’Harvard.  La liberté est un élément important dans son parcours du dirigeant. « La plus belle réussite est le sentiment de liberté suscité par la rencontre de soi. Car on ne peut pas tracer sa route sans savoir qui on est vraiment. » La capacité à créer la relation et à la faire grandir est un autre de ses leviers de développement, pour lui-même et pour ses équipes.
« Ma réussite, ce n’est pas d’être devenu PDG. C’est de n’avoir jamais renoncé, d’avoir continué à apprendre et à me construire malgré l’adversité, puis d’avoir aidé les autres à s’accomplir. »

 

Gilles Pelisson © Ipag
Gilles Pelisson © Ipag

« Les dirigeants doivent aussi avoir pour ambition de contribuer à la réussite de leur PAYS »

Gilles Pelisson, ancien PDG d’Euro Disney SCA, de Bouygues Telecom et d’Accor. Il vient d’être nommé à la tête du groupe TF1.

La réussite se construit infiniment
Le dirigeant au CV impressionnant se garde bien d’en faire une fierté personnelle. Il se souvient du message d’un de ses professeurs à Harvard : « Vous avez pris la grosse tête je jour où vous commencez à croire à votre CV ». Autrement dit, la réussite n’est jamais arrivée. Elle se construit infiniment. En mai 2015 il évoquait devant les étudiants de l’IPAG le rôle et la responsabilité des dirigeants dans la construction de l’avenir de la France. Pour réfléchir à l’avenir du pays, ils sont selon lui dotés de deux qualités précieuses. D’abord le nombre et la variété de leurs expériences, les savoirs accumulés sur lesquels ils peuvent s’appuyer dans leurs analyses et pour trouver des solutions. « Nous avons les moyens, les talents, les savoir-faire et le potentiel pour résoudre les difficultés de notre pays ! Il faut nous organiser. »

L’impact des dirigeants dans leur pays est réel, il doit se doubler d’une ambition
Par ailleurs, via leurs actes de management, leurs décisions d’investissement et d’innovation, ils ont un impact direct sur l’équilibre social et le développement économique du pays. « Le choix de l’implantation d’un siège n’est pas anodin, c’est là que le dirigeant reçoit ses partenaires du monde entier. Il en va de même avec des usines, l’implantation traduit la reconnaissance des équipes et compétences locales. Les dirigeants peuvent aussi mettre à profit leur capacité d’influence au service de la société, du développement de projets utiles. »
Gilles Pelisson souligne enfin le rôle spécifique des patrons des grands groupes. « Ils doivent être des locomotives, entraîner les PME dans leur sillage, tirer vers le haut toute la chaîne économique. Ils ont les moyens de financer des développements et innovations, de faire émerger des talents, de nouer des collaborations. Ils doivent nourrir l’ambition de servir l’avenir de leur pays. »

 

David Sinapian et Anne-Sophie Pic © Stéphane de Bourgies
David Sinapian et Anne-Sophie Pic © Stéphane de Bourgies

 

Réussir à deux

David Sinapian (ISG 92) est président du Groupe PIC et président de l’association internationale de restaurateurs les Grandes tables du monde. Il nous parle d’une réussite à deux, celle du couple de conquérants et de talents qu’il forme avec Anne-Sophie Pic (ISG 92).

Vous êtes devenus entrepreneurs assez soudainement avec votre épouse. Comment cela s’est-il passé ?
Le restaurant gastronomique Pic est une affaire familiale. Elle est la seule au monde où chaque génération a gagné ses trois étoiles. Mon beau-père est décédé soudainement à l’été 1992. Anne-Sophie a souhaité revenir vivre à Valence. Très affectée par le décès de son père, elle ne voulait pas laisser un tel patrimoine se perdre. J’avais aussi le souhait d’entreprendre dans ma vie. Cela s’est juste produit plus rapidement que je ne l’avais imaginé !

Les débuts se sont révélés difficiles. Comment les avez-vous gérés ?
Après le décès du Chef, il fallait faire revenir les clients en faisant nos preuves. Notre insouciance et notre désir d’avancer nous ont servi. Je suis entré dans le milieu modestement, expliquant qu’on pouvait gérer l’entreprise différemment. De son côté Anne-Sophie devait se faire un prénom. Ça a été difficile d’être comparée à son père, de gagner sa crédibilité. Elle a appris sur le tas sans savoir que la cuisine deviendrait son métier.

Quelles évolutions avez-vous imaginées pour le restaurant Pic ?
En 1995, le restaurant perd sa 3e étoile. J’avais 25 ans, j’étais inexpérimenté, et je devais convaincre les banques de financer la construction d’un hôtel et d’un bistrot ;  de croire en notre projet et en notre avenir. Dans ce cas-là il faut apprendre tout seul et très vite. En 1998, pour la 2e fois nous avons été conduits à nous décider sans avoir le temps de la réflexion : mon beau-frère qui avait pris le relai de son père aux fourneaux, décidait de quitter l’affaire. L’entreprise était endettée, et nous nous sommes endettés personnellement pour lui racheter ses parts. Anne-Sophie se retrouvait seule en cuisine. Elle a fourni un travail acharné et en autodidacte. De mon côté, je remplissais mon rôle de directeur d’entreprise, passant de 35 à 70 collaborateurs avec l’ouverture de l’hôtel et du bistrot.

Quand avez-vous su que c’était gagné ?
Les choses se sont faites progressivement. Anne-Sophie grandissait et se créait une personnalité en cuisine tandis que je procédais à une remise à niveau en matière de gestion et d’organisation. Nous avons amorcé un nouvel épisode de l’histoire de l’entreprise, imposant notre vision. Nous avons rénové l’établissement pour en faire une Maison dans l’air du temps. En 2006, nous sommes passés à l’étape supérieure avec la création d’un groupe composé d’un hôtel, d’un restaurant, d’un bistrot, d’une structure de développement et d’une autre dédiée à la gestion de l’image d’Anne-Sophie et de la marque Pic. Nous avons pressenti que la 3e étoile pouvait revenir et avons tout mis en œuvre pour la conquérir. En 2007, Anne-Sophie était la 1ere femme depuis 50 ans à la décrocher ! Ça a été un bonheur et une fierté immense. Tout était en place pour saisir les opportunités de développement.

Quels sont ces développements ?
Le déploiement d’une offre culinaire afin de rendre accessible au plus grand nombre la cuisine d’Anne-Sophie. Elle va de la gastronomie au bistrot en passant par les plats à emporter ou pour avion de qualité. Nous avons lancé une école de cuisine et une épicerie fine à Valence, ainsi qu’un appareil réchauffeur grand public. Chaque année, nous investissons dans nos 9 restaurants en France et à l’étranger. L’entreprise emploie 200 personnes et nous en sommes propriétaires à 100 %.

Réussir à deux, l’aviez-vous rêvé ?
Nous n’avons pas eu le temps d’imaginer notre vie professionnelle ! Aujourd’hui notre réussite, c’est notre couple. Notre force est d’être complémentaires et chacun dans notre rôle. Nous sommes associés dans un projet commun depuis 23 ans. C’est grâce à nous-mêmes que nous avons réussi, en construisant et faisant évoluer notre projet, par notre travail, notre engagement, en prenant des risques.

 

Gérard Cagna © Ho Su
Gérard Cagna © Ho Su

« Réussir sa vie, c’est accomplir une part de son destin… comme une poussière d’éternité. »

Gérard Cagna, Cuisinier Reporter, a eu plusieurs vies durant lesquelles il a couru 150 000 km et passé 200 000 heures derrière les fourneaux. Il les mène avec la passion et l’engagement d’une personnalité viscéralement positive.

Le futur Chef commence sa vie professionnelle à 13 ans, « dans une forme d’hyperactivité constructive ! » Durant ses 3 ans d’apprentissage chez Maxim’s (3 étoiles) il cumule 9 000 heures de travail. Il décroche son CAP à 17 ans et débute comme chef de partie dans un 2 étoiles avec 4 personnes sous ses ordres. La cuisine est un métier exigeant qui pour le Chef, réclame de conjuguer en permanence les trois clés de la réussite : rigueur, engagement et régularité.

Gérard Cagna pratique l’athlétisme à haut niveau. Ce fils de dentiste caressait le rêve de devenir champion olympique. Il passe son brevet de parachutiste en 1965 et reçoit la médaille d’or des sports en 1966. Plus tard, il participe aux marathons de New-York et de la Paix à Jérusalem.

 

Ne pas laisser une seule de parcelle de talent en friche
A 22 ans, il monte son restaurant. Il décroche sa 1ère étoile en 1973, la 2e en 1985. Lorsqu’il quitte la restauration en 2005, c’est pour se consacrer à la transmission. Il a notamment monté une formation au filetage de poissons de retrait, « Paniers de la mer », dans des ateliers de réinsertion de villes côtières et est le parrain d’une formation d’agents de restauration pour l’association La mie de pain à Paris. « Grand technicien en cuisine je suis devenu instructeur du geste. La sécurité et l’efficacité en cuisine passent par les bons gestes, la bonne posture. Dire à un apprenant « tu travailles bien, ton geste est beau », c’est lui permettre de parvenir à une alchimie entre l’esprit, la main et la volonté. Par son geste, l’homme est capable de faire d’une matière inerte, une matière belle. Ces formations me procurent un grand bonheur : celui de voir l’évolution des apprenants, leur chemin vers l’emploi et la resocialisation. » Il partage sa passion dans d’autres cercles comme devant des personnes souffrant d’un handicap cognitif, ou lorsqu’il forme des cuisiniers en Ouzbékistan et promeut la culture et l’art de vivre à la française.

Se lever et dire non
Gérard Cagna est à l’origine du Manifeste des chefs Français pour le respect de l’intégrité physique et psychique des jeunes cuisinières et cuisiniers, « Touche pas à mon commis ». Il s’érige contre des faits de violence en cuisine. Les Chefs signataires s’engagent contre « les violences en cuisine afin de créer une dynamique basée sur l’épanouissement dans l’accomplissement d’un métier de passion et d’engagement ». « Il ne faut pas confondre engagement total et pression liés à l’excellence avec violence. Un homme ça s’interdit, ça s’oblige et ça s’arrache quand il faut être debout pour dire non ».

Réussir, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Réussir sa vie, c’est accomplir une part de son destin… comme une poussière d’éternité. Le destin est fondamentalement le contraire du hasard. Ainsi je conseille de réfléchir en stratège et d’agir en primitif. Le bon sens fondamental de l’homme de terrain, c’est d’aller à l’essentiel quand on a ouvert le spectre des possibles et des stratégies potentielles. J’ai pour principe de faire mon miel des belles rencontres que le destin place sur mon chemin. Si l’on ne peut imaginer avoir réussi, la réussite de mes quatre enfants et de mes apprenants est un formidable encouragement à continuer à transmettre.

Comment vous êtes-vous construit ?
En apprivoisant la solitude de la pension à l’adolescence grâce à mes fondamentaux du quotidien : entraînements physiques, lecture, écriture, radio et bruits du monde. J’ai construit ma vie d’homme en apprenant le métier de cuisinier. J’en ai conservé le goût pour le concept qui deviendra le guide de mon coaching de base fluidité : faire bouger son corps dans l’espace contraint de la cuisine. Je me construits en amoureux de la vie, de la transmission, de l’engagement. Je n’ai jamais cessé d’apprendre depuis mes 13 ans. Après la cuisine, j’ai étudié la philosophie et l’histoire des religions. Je mène la vie que j’aime : écrire, lire, rencontrer des gens, transmettre et m’émerveiller.

 

Stéphane Diagana © Déborah Ulrich
Stéphane Diagana © Déborah Ulrich

« Le succès est une conséquence de la recherche de l’excellence et du dépassement de SOI »

Stéphane Diagana, ancien athlète champion du monde et champion d’Europe du 400m haies, champion du monde du relai 4X400m. Il prépare l’ouverture d’un centre sportif et de recherche en santé pour 2018 à Mougins.

« L’émotion de la victoire est très fugace et très intense »
Lorsque Stéphane Diagana vous raconte ce qu’il a ressenti en passant la ligne d’arrivée en ce jour de 1997, vous êtes à ses côtés et comprenez ce que peut signifier être champion du monde. Pour remporter une course, il ne se concentre pas sur ses concurrents. « Vous êtes face à 7 adversaires, mais les plus dangereux, ce sont les 10 haies qui peuvent vous mettre à terre. » Pour réussir, il faut chercher l’excellence et être à 100 % de ce qu’on vaut le jour J. La victoire demande une concentration intense. « Lorsque j’ai eu l’objectif d’être champion du monde, je savais précisément par quoi cela passait au plan kilométrique. La réussite passait par la maîtrise totale de ce que je voulais faire avant et pendant la course. A ce moment, je suis dans l’exécution et non le résultat. » Lorsqu’il passe la ligne d’arrivée, il ne sait pas tout de suite qu’il est en tête. « J’avais 12 centimètres d’avance, c’est beaucoup visuellement. Je me jette sur la ligne, je ne réagis pas immédiatement, je me retourne et je lève les bras, heureux ! L’émotion de la victoire est très fugace et très intense. »

Le sport, un ancrage profond
Toujours détenteur de son record d’Europe, il reste une référence dans sa discipline. « Ce que j’entends lorsqu’on me dit que je suis champion, c’est un statut. Or, la réussite d’un sportif est un parcours, l’aboutissement d’un engagement durant des années. » Le temps a passé depuis les podiums et pourtant, son parcours reste un socle de sa vie. « J’ai acquis la confiance dans le travail, dans l’engagement dans la durée, dans le fait de faire des choix et de s’y tenir, dans l’importance des échanges et des rencontres. J’ai appris à gérer l’échec et le doute tout autant qu’à me dépasser et à rechercher l’excellence. »

Le dépassement de soi avant de dépasser les autres
Stéphane Diagana raconte qu’il ne nourrissait pas le rêve d’être champion à ses débuts, « je pratiquais par plaisir. C’est plus tard que c’est devenu un moteur. » Il découvre le plaisir d’entrer dans l’univers de la performance. « A ce moment, je suis dans le développement personnel, le dépassement de soi avant de dépasser les autres dans la compétition. » Le déclic se fait lorsque son entraîneur le convainc qu’il est en capacité de gagner. « Le succès est une conséquence de la recherche de l’excellence et du dépassement de soi. » Le sport de haut niveau permet de développer une large palette de compétences, de savoir-faire et de savoir-être utiles au moment de se reconvertir. L’après Stéphane Diagana l’a toujours eu en tête. Le sport est un choix de vie qui reste temporaire. Déjà titulaire d’un DUT de biochimie agroalimentaire, il intègre ESCP Europe en tant qu’athlète de haut niveau. « J’ai envie de réussir sur tous les fronts. Le sport, ma vie de père, ma vie de couple, ma vie professionnelle. C’est pourquoi préparer l‘après était indispensable.»

Se donner les moyens de se réinventer
Stéphane Diagana mène plusieurs activités liées à son parcours sportif. Il est consultant pour des médias et des marques de sport. Il intervient pour des entreprises durant des séminaires sur l’excellence et la performance. Son grand projet est un centre sportif et de recherche sur la santé à Mougins. « Les bienfaits de l’activité physique pour être en bonne santé, pour activer une convalescence, pour aider des patients souffrant de pathologies chroniques, sont reconnus. Avec ce centre, nous allons à la fois développer de la recherche sur ce thème, et proposer un lieu au grand public pour pratiquer le sport. »
www.stephane-diagana.fr

 

Maxime Thomas © M. DUSOL
Maxime Thomas © M. DUSOL

« Un sportif se construit en partant de rien et en ne sachant pas jusqu’où il peut aller à priori »

Maxime Thomas est double champion d’Europe de tennis de table en fauteuil en individuel (2011 et 2015). Il a également décroché la médaille d’argent en équipe en 2015 et remplit les critères pour être sélectionné pour les JO de Rio 2016. Il fait partie du top 5 mondial depuis 2007. Ayant perdu l’usage de ses jambes à l’âge de 15 ans, il s’est construit une nouvelle vie porté par un moral de battant, de compétiteur et une énergie hors norme. Il est juriste au sein du groupe Mare Nostrum.

Votre vie bascule lorsque vous avez 15 ans, comment surmontez-vous la maladie ?
J’ai été hospitalisé durant deux ans et me suis retrouvé en fauteuil. J’ai continué à étudier seul et je suis entré en terminale S sans avoir été en cours au lycée. J’ai personnellement convaincu le Principal de m’intégrer. J’avais un bon dossier, mais je lui ai surtout fait part de ma grande motivation. Je ne voulais pas perdre de temps à cause de la maladie. Je vivais une période difficile, je voulais la laisser derrière moi et passer à autre chose. J’ai eu mon Bac du premier coup et je suis entré en Fac de droit. J’ai obtenu une maîtrise de droit privé à l’université de Metz et un master en droit immobilier à Lyon 3.

Comment le sport de haut niveau est-il entré dans votre vie ?
C’est le sport qui m’a permis de reprendre le cours de ma vie. J’avais longtemps pratiqué le tennis avant ma maladie. J’ai commencé le tennis de table avec un certain acquis. Cela m’a permis de progresser rapidement. En terminale j’avais un emploi du temps adapté au sport de haut niveau, mais ma nouvelle vie a commencé à l’université lorsque j’ai intégré l’équipe de France Espoir. J’ai mis en place ma technique pour atteindre le haut niveau avec mon coach lorsque j’étudiais à Metz. J’aime planifier, anticiper, construire ma stratégie pour gagner. Participer aux JO est devenu mon objectif numéro un et je sais que je vais l’atteindre !

Comment avez-vous construit votre projet professionnel ?
Au départ je m’orientais vers une carrière scientifique. J’ai totalement bifurqué. J’ai beaucoup lu à l’hôpital, j’ai mûri et j’ai su que je voulais exercer un métier en prise avec l’humain, utile à la société. Le droit correspond à ma logique. Je suis pragmatique, organisé, rigoureux. J’aime savoir utiliser les règles. Il est indispensable que je travaille. D’abord parce que j’en ai besoin pour m’épanouir au plan intellectuel. Et aussi car le tennis de table est un sport amateur, je ne peux pas en vivre. C’est très enrichissant d’avoir deux locomotives dans la vie. Je ne me sens pas « entier » sans cet équilibre. Mon épouse comprend les contraintes du sport. Elle me donne de la force lorsque j’ai un coup de mou, elle me tempère lorsque j’en fais trop. Un sportif ne peut pas être performant s’il n’a pas un équilibre dans sa vie.

Dans votre travail aussi vous avez su saisir votre chance ?
J’étais sans expérience et le groupe Mare Nostrum m’a fait confiance en me confiant la responsabilité du service juridique. Mare Nostrum est un spécialiste des RH. Sa culture et ses valeurs visent le développement de chacun. Elle m’offre la souplesse nécessaire pour mes entraînements. Cela est possible car j’obtiens des résultats à la fois dans le travail et dans le sport. Ce que j’ai appris dans le sport m’est utile dans le travail. Lorsque j’ai créé le service juridique, j’ai pu m’appuyer sur mes qualités de planification, d’organisation, de détermination et d’objectif. Un sportif se construit en partant de rien et en ne sachant pas jusqu’où il peut aller à priori. Son objectif est de constamment s’améliorer pour aller vers la performance.

Quels sont vos leviers personnels de réussite ?
Mon esprit combattif, mon amour de la compétition et du dépassement de soi. J’ai donné le meilleur de moi-même pour obtenir des mentions dans mes études et des titres dans mon sport. Je n’ai jamais accepté la fatalité de mon accident de vie. J’ai réussi à me réapproprier mon corps et atteindre la performance. Je me suis battu pour que le fauteuil ne soit pas un handicap pour faire ce dont j’ai envie.

 

José Fonseca © Compagnons du Devoir
José Fonseca © Compagnons du Devoir

Les Compagnons du Devoir, une formation technique et humaine

José Fonseca, Compagnon du Devoir, menuisier, délégué à l’international et à l’Outre-Mer, responsable du service communication.

L’association des Compagnons du Devoir forme 10 000 apprentis par an dans 6 filières : Industrie & Métallurgie, Métiers du vivant, Métiers du goût, Aménagement & finition, Bâtiment et Matériaux souples. Les jeunes se développent tant au plan technique qu’humain. Ils intègrent des valeurs fondamentales : le goût de l’effort, l’amour du métier et l’envie de transmettre. « Notre souhait est que chaque jeune s’épanouisse par et à travers son métier, et aille au maximum de ses possibilités » explique José Fonseca. Le parcours d’un Compagnon dure entre 4 et 7 ans.

Une formation à 29 métiers manuels
Le cursus peut commencer dès 15 ans en CAP, en BEP ou après un Bac pro. « Ils veulent apprendre l’un des 29 métiers manuels auxquels nous formons et sont motivés par nos valeurs.» Après le CAP, les jeunes débutent leur Tour de France. Ils changent régulièrement de ville et sont logés au sein de Maisons des Compagnons. La formation professionnelle se réalise par l’apprentissage.« La formation est technique autant qu’humaine. Nous insistons sur le savoir être, le respect, l’échange. La tradition du voyage et de la vie en communauté exprime ambition de transmission et d’ouverture, de solidarité. Cet état d’esprit doit se retrouver dans la pratique du métier. »

« Les Compagnons donnent autant qu’ils reçoivent »
Le compagnonnage est un système porté par des valeurs. Les Compagnons sont reconnus par leurs pairs pour leur goût de l’effort, leur amour du métier et leur envie de transmettre. A l’issue de leur Tour de France ils reçoivent les attributs compagnonniques. « Ce n’est pas un statut dont ils font publiquement état. Le Compagnon est humble. C’est un artisan, un chef d’entreprise qui démontre chaque jour sa valeur humaine et professionnelle. Il est animé par le désir de progresser et de transmettre. Les Compagnons donnent autant qu’ils reçoivent. »

 

Nicolas Terrien
Nicolas Terrien

« Les Compagnons du Devoir sont la meilleure école pour nos métiers »

Nicolas Terrien, Compagnon du Devoir, charpentier, Prévôt des Maisons des Compagnons de Le Mans et de Laval.

Qu’est-ce qui vous a décidé à rejoindre les Compagnons ?
J’ai été séduit par leur réputation et la formation. Je les ai rejoint à 15 ans pour mon CAP en tant qu’apprenti non-résident. Puis, lorsque j’ai débuté mon Tour de France, j’étais logé en Maisons. Ma formation a duré 7 ans. Il est très stimulant d’avoir des formateurs ou des responsables de Maison, de CFA, eux-mêmes Compagnons. Ils sont très engagés et ont des rêves. Les Compagnons du Devoir sont la meilleure école pour nos métiers. Le rythme de vie est très soutenu. Il faut être ouvert, mobile, avoir envie de découvrir et de partager ses connaissances, être autonome, investi et passionné.

Après votre CAP vous poursuivez vos études, avec quelle motivation ?
La mentalité du Compagnon est fondée sur l’idée qu’il peut toujours évoluer. Le CAP ne me suffisait pas. J’ai obtenu mon BEP, je prépare un BTS en gestion et je souhaite aller jusqu’à la licence. Durant le Tour de France nous restons 6 mois à 1 an dans chaque entreprise. Au final, nous travaillons dans 5 à 10 entreprises avec l’idée de perfectionner. Au départ de mon Tour j’ai taillé l’adaptation, une maquette de charpente comprenant toutes les difficultés. C’est une manière de se mettre à l’épreuve, de montrer notre envie d’aller toujours plus loin dans notre art. A la fin de mon Tour, j’ai taillé la réception, un travail qui prend entre 500 et 800 heures. Il y a une dimension spirituelle dans sa réalisation. A ce moment vous devenez Compagnon. Vous recevez les attributs compagnonniques, une écharpe en velours frappée des étapes de votre Tour.

Pourquoi être devenu Prévôt de Maison ?
Pour donner aux plus jeunes ce que j’avais reçu. La Maison est beaucoup plus qu’un logement. On y vit en communauté, on est intégré, formé et encadré par des Compagnons. Etre Prévôt est une expérience très formatrice pour ensuite gérer sa propre entreprise. Vous êtes responsable de l’organisation et de la gestion de la Maison, des jeunes en apprentissage et des relations avec les institutions.
www.compagnons-du-devoir.com

 

Sylvain Kern
Sylvain Kern

« La réussite, c’est tenter quelque chose et être porteur de sens »

Sylvain Kern a cofondé la Cité de la Réussite en 1989. Il partage avec nous sa vision de la réussite et les sources d’inspiration que représentent les centaines de témoins qui sont venus partager leurs regards et expériences à la Sorbonne.

Lorsque vous créez votre événement, vous utilisez le mot réussite pour choquer ?
Nous étions un groupe d’étudiants de la Sorbonne en gestion et en communication. Nous avions du temps et envie de monter des conférences avec l’idée qu’elles suscitent des débats. Nous avons opté pour le mot réussite pour choquer car à l’époque il était assez tabou de parler ouvertement de réussite. Le mot n’était en outre pas associé à la Sorbonne malgré sa notoriétéinternationale. Nous souhaitions montrer des choses différentes en allant au-delà de l’actualité.

Le mot réussite plait-il à vos invités ?
Globalement il les inspire beaucoup. Il déplait néanmoins à une petite minorité. Le mot recèle d’une grande diversité dans son appréhension, c’est bien là tout l’intérêt d’en discuter et de solliciter des analyses diverses. Nos invités savent que notre événement n’est une ode à la réussite ou aux requins ; mais un moment d’échanges, de partage. Je crois que le mot plait aussi car il reste difficile à prononcer en France.

Au fond, la Cité parle beaucoup plus que de réussite ?
La Cité de la Réussite met en exergue des hommes et des femmes qui font quelque chose. Elle met en lumière des personnes actives dans tous les domaines de la vie. Nous avons été exigeants sur les profils des témoins dès la première édition. Nous mettons en avant des réussites aux saveurs diverses, des parcours et profils éclectiques, des conceptions de la vie singulières et profondes. Nous aimons aussi mélanger des hommes et des femmes qui à priori, ne se parlent pas dans la vie. Car c’est de leurs interactions que naîssent l’intérêt et l’étincelle. Nous traquons la réussite, toutes les formes d’engagement nous intéressent. Nous ciblons des gens qui tentent quelque chose et sont porteurs d’un message de sens.

Quels leviers communs à ceux qui réussissent avez-vous identifiés en observant vos invités ?
La réussite est si diverse que j’ai plus des intuitions que des certitudes à ce sujet. J’identifie une farouche volonté commune chez nos invités. Pour eux, non n’est pas une réponse. Ils savent prendre de la distance avec élégance mais ne renoncent jamais. Je vois aussi une part de hasard, d’opportunité et de personnalité pour tracer le chemin vers la réussite, vers des projets qui vont aboutir.
Que vous apporte cet évènement à titre personnel ?
Je suis heureux de transmettre des clés, d’inspirer. Le plus beau des compliments est lorsque des étudiants viennent me voir pour me dire : « En quittant la Cité de la Réussite j’ai eu envie d’entreprendre, de faire quelque chose. » Cela s’est produit des dizaines de fois. Un couple s’est même formé à la Cité de Réussite, ils se sont mariés et ont des enfants. Les témoignages du public nous motivent autant que ceux des invités.

Quelle est votre plus belle réussite ?
D’avoir créé quelque chose qui ait une portée, s’inscrive dans la durée en respectant nos valeurs. Il y a 25 ans, étudiants, nous pensions sincèrement que la Cité de la Réussite ne se tiendrait qu’une seule fois. Nous avons des partenaires fidèles depuis la 1e édition comme MAAF Assurance. Cela aussi c’est une merveilleuse réussite.
La Cité de la Réussite se tient tous les deux ans en alternance avec l’Université de la Terre. Prochaine édition en 2017.
www.citedelareussite.com
www.universitedelaterre.com

 

 

La Fondation Vallet emmène 3 700 jeunes par an vers la réussite

Le spécialiste des religions, écrivain, professeur des universités et chroniqueur Odon Vallet est également un mécène engagé au service de la réussite d’étudiants au Vietnam, au Bénin et en écoles d’art à Paris. Il consacre depuis 15 ans la fortune héritée de ses parents à des bourses d’excellence. Elles sont délivrées via la Fondation Vallet, sous l’égide de la Fondation de France.

Comment travaille votre Fondation et avec quels résultats ?
La Fondation Vallet est la plus importante au monde en matière de bourses d’excellence, tant en qualité qu’en quantité. Nous distribuons chaque année 1 000 bourses au Bénin, 2 250 au Vietnam et 450 dans les écoles d’art parisiennes. J’ai remis 45 000 bourses au total en 15 ans. Le taux de réussite dans les études de nos boursiers est de 97 % dans les écoles d’art, de 98 % au Bénin et de 100 % au Vietnam. La Fondation a créé des bibliothèques qui font partie des plus importantes de la francophonie en nombre et richesse des volumes. Elles accueillent autant de lecteurs chaque jour que la BnF et Beaubourg réunis. Notre laboratoire anglophone est le plus important d’Afrique francophone. Parmi nos anciens boursiers, on compte 185 polytechniciens, 300 médaillés aux olympiades mondiales en mathématiques, chimie, biologie et informatique. Ils sont également nombreux à avoir étudié à Stanford, Harvard ou au MIT, à être membres de l’Institut Poincaré. Je suis persuadé que nous aurons des médaillés Fields dans 15 ans et un prix Nobel dans 30 !

Quelles sont les clés de cette réussite ?
Notre Fondation est sans équivalent dans le monde. Nous n’avons aucun modèle dont nous inspirer. Je constate que l’immense difficulté consiste à innover, à être original mais pas outrecuidant, à être audacieux mais pas téméraire. Les moyens financiers mis à disposition par la Fondation et ses donateurs sont essentiels. Car nos bourses et dispositifs d’accompagnement sont beaucoup plus couteux en moyens, en temps et en compétences que nous ne l’avions anticipé. Pour ma part, je peux m’appuyer sur mes études à l’ENA, et sur mes expériences d’administrateur de la compagnie d’assurance que mon père m’a léguée, de professeur depuis 43 ans, de président de jury du Bac. Un réseau de bénévoles de la Fondation mène l’enquête sur le terrain pour détecter les talents. Nos jurys sont formés d’anciens boursiers, tous extrêmement compétents.

Se consacrer à la réussite des autres, qu’est-ce que cela vous apporte ?
Je considère que nos boursiers m’apportent largement autant et même plus, que je ne leur apporte. C’est un grand bonheur de travailler avec eux. Je m’engage autant par devoir que par plaisir. Lorsque je me rends aux journées portes ouvertes de l’Ecole Boule à Paris, que je considère les chefs-d’œuvre des étudiants, je me dis que si je m’engage par bonté, ce qu’ils font c’est de la beauté. D’ailleurs en grec, bonté et beauté c’est le même mot : kalos. Je dis souvent à mes boursiers : « Ne me remerciez pas. Remerciez vos parents de vous avoir donné la vie et vos professeurs de vous avoir donné le savoir. » Ce que je fais au sein de la Fondation a aussi un lien avec mes travaux sur les religions. Les sociétés béninoise et vietnamienne m’inspirent beaucoup. J’y suis d’ailleurs régulièrement sollicité par les médias en tant qu’expert.

 

Jean-Baptiste Descroix-Vernier, millionnaire philanthrope au secours des êtres en situation d’extrême détresse
Jean-Baptiste Descroix-Vernier a été séminariste avant d’exercer en tant qu’avocat. Il est devenu millionnaire après avoir fondé Rentabiliweb Group, une société spécialisée dans la monétisation des audiences sur internet. Philanthrope, il consacre sa fortune à la Fondation Descroix-Vernier, créée en 2009.
Sa vocation est « d’apporter assistance aux plus démunis. » Elle vient en assistance aux sens le plus large à « tous êtres vivants, individus ou animaux, placés dans une situation d’extrême détresse matérielle, physique ou morale, en tendant à l’amélioration de leurs conditions de vie, que ce soit sur le plan matériel, de la santé physique ou morale, de l’éducation ou de l’intégration dans la société ou dans leur milieu de vie naturel. » Il a annoncé qu’il lèguerait sa fortune, estimée à 95 millions d’euros, à des ONG.
www.fondationdescroixvernier.com

 

A.D-F