Après des siècles de pédagogie dans une salle de classe en espace confiné, nous, acteurs de l’ESR, avons innové au 21è siècle avec la modernisation des cours à distance, la dotation progressive d’outils interactifs, de salles de cours modulables et de learning lab, ou bien encore par une approche différente de la pédagogie, disruptive et inversée. La crise actuelle et le confinement jouent un rôle fort d’accélérateur et nous obligent à intégrer dans l’urgence de nouvelles méthodes d’apprentissage. L’école telle que nous la connaissons est-elle à l’aube du déconfinement ?
« Une relation de confiance plus forte »
Depuis une vingtaine d’années on observe les essais des écoles sur le segment de la formation à distance, via des plateformes pédagogiques (LMS) soit en contenu édité par l’école soit par du contenu externe intégré. Il y eut la naissance de « pur players » de l’enseignement à distance via des MOOC qui ont rencontré leur public mais pas toujours leur business model.
Aujourd’hui nous vivons une véritable accélération subie du modèle distanciel. Sans le confinement, aucune école n’aurait expérimenté en crash test et en grandeur réelle la totalité de ses formations à distance, plus particulièrement le passage en classes virtuelles.
Les écoles ont basculé plus ou moins rapidement depuis le 16 mars dans le modèle en fonction du degré d’intégration du digital dans leur pédagogie : force est de constater qu’aucune n’a en revanche sacrifié ni la qualité de la pédagogie, ni la qualité de l’évaluation au principe de la distanciation du couple élève / professeur. La réussite du dispositif s’appuie sur le travail des apprenants ainsi que sur l’adaptabilité remarquable du corps enseignant et elle consolide la relation de confiance. La situation nous conduirait alors à lever la contradiction entre l’acte pédagogique de la transmission du savoir massif et descendant à celui du « apprendre à apprendre » individuel.
« Le confinement a ouvert le champ des possibles »
Nous sommes donc au moment de l’histoire où peut s’ouvrir le champ des possibles de l’enseignement individualisé : nous pouvons raisonnablement imaginer des programmes beaucoup plus hybrides, la possibilité par exemple de suivre un double cursus intra ou inter écoles en présentiel et distanciel, une offre de qualité à la fois standardisée mais indéniablement personnalisée selon les choix. Le corps professoral aura un rôle primordial à jouer en accompagnant et en encadrant ces nouvelles offres. La révolution ne devra pas s’arrêter là, placer l’élève au centre du modèle est essentiel, les processus d’admissions devront être revisités laissant plus de place aux valeurs humaines, aux compétences et à l’intelligence émotionnelle plutôt qu’à la performance académique pure.
Pour la rentrée 2021 la communauté de l’enseignement supérieur doit s’interroger encore plus qu’avant sur les évolutions de l’offre, ces dernières auront évidement un impact fort sur l’architecture des campus et des salles de cours.
L’enseignement supérieur ne se trouve pas face à une révolution mais revient aux valeurs fondamentales de la pédagogie, apprendre à apprendre.
Laurent Espine
Directeur d’IDRAC Business School