En entreprise, il est demandé aux dirigeants d’être exemplaires en partageant le sort de leurs équipes et leurs conditions de travail. Et si montrer un exemple éthique ne consistait plus seulement à être engagé à la hauteur de ce qui est exigé des équipes ? Si le comportement privé venait désormais attester de l’exemplarité des dirigeants d’entreprise, à l’instar de ce qui se passe dans le monde politique ?
Identités multiples
La question de l’irruption de la vie privée dans le contexte professionnel amène à réfléchir aux identités multiples d’un individu et à la façon dont ses identités personnelle et professionnelle interagissent. Nous sommes des Janus. Les parties de notre personnalité qui s’expriment au travail sont différentes de celles révélées dans notre intimité. Dans le contexte professionnel, en tant que leaders, certains individus endossent un personnage : la distance entre les sphères professionnelle et personnelle est parfois très grande. L’individu peut avoir intérêt à les cloisonner, par exemple pour couvrir des comportements professionnels non éthiques et garder une bonne image dans son cercle intime. Il peut en être ainsi dans les secteurs controversés comme le tabac. « Au sein de mon entreprise… il y avait une ambiance protectrice. On était choyé. Il y avait des avantages. Mais il n’empêche que pour les autres, j’étais un paria. » (Poste de direction, entreprise du tabac).
Les affaires, un monde impitoyable ?
Les normes inhérentes aux univers personnel et professionnel sont très différentes. Être un bon dirigeant en entreprise repose sur des standards différents de ceux qui déterminent le fait d’être quelqu’un sur qui l’on peut compter dans la vie personnelle. Le monde des affaires est un monde à part, mu par la recherche de l’efficacité économique : le bon leader est celui qui parvient à amener l’entreprise à la meilleure performance.
Fait nouveau : l’irruption du non économique dans les organisations
La RSE conduit les entreprises à évaluer les dimensions environnementales et sociétales de l’activité. Ces valeurs non économiques revêtent une importance centrale. Le monde des affaires doit combiner performance économique et RSE et inclure dans les décisions de gestion des valeurs qui s’imposent à tous et partout, comme le respect de l’environnement. Les organisations sont donc à égalité avec les structures publiques et la vie politique pour lesquelles cette prise en compte existe par essence à travers l’idée de citoyenneté.
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Ethique des dirigeants d’entreprise : l’exemplarité repose sur la vertu des décideurs
Le dirigeant n’apparaît donc plus uniquement porteur du cap économique, raison pour laquelle la question de l’exemplarité se pose de façon renouvelée dans la sphère des organisations privées. En réalité, c’est la façon même de juger de l’éthique des décisions prises qui est en jeu. Plusieurs règles existent : la déontologie (conformité aux normes de référence de l’entreprise), l’utilitarisme (l’évaluation des conséquences des décisions afin de minimiser l’impact éthique) et enfin l’éthique des vertus dans laquelle une décision est jugée à l’aune de l’individu et de sa capacité à effectuer les bons choix en mobilisant des traits vertueux tels que ceux prônés par Aristote : tempérance, prudence, altruisme, justice et courage. C’est cette dernière option qui est tacitement portée par la recherche d’exemplarité des dirigeants.
Cette nouvelle grille de lecture n’est pas sans conséquences. Aux Etats-Unis, les dirigeants de Boeing et Hewlett-Packard ont dû quitter leur poste en raison d’affaires très privées révélées au grand jour. Après les leaders politiques, c’est au tour des dirigeants d’entreprise de devoir rendre des comptes.
Bénédicte Bourcier, Professeure de Marketing à l’ESSCA, campus d’Aix-en-Provence
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