Institution empreinte d’Histoire et de culture, la Maison Cartier s’impose comme une référence dans le monde de la joaillerie et de l’horlogerie de prestige. Rencontre avec Bernard Fornas (EMLyon 70 et Northwestern University 72), Président et CEO pour qui l’excellence de Cartier International repose sur une délicate alchimie entre héritage et créativité.
Un esprit pionnier animé par le désir
Depuis 1847, la Maison Cartier incarne une tradition d’excellence. Symbole d’un moment, d’une histoire, d’une émotion, ses créations traversent les époques, soulignant une beauté jamais démodée. Pour Bernard Fornas, si Cartier a réussi à imposer ce style inimitable, c’est avant tout grâce au maintien d’un équilibre subtil entre patrimoine et anticipation. « L’innovation et la créativité sont des valeurs ancrées depuis toujours dans l’ADN Cartier. Pour devenir et rester les leaders que nous sommes aujourd’hui, nous mettons tout en oeuvre pour combiner 165 ans de tradition avec l’irrépressible objectif de toujours aller de l’avant. En nous appuyant sur cet incroyable héritage nous mettons l’innovation au coeur de toutes nos créations : concept watchs révolutionnaires, pierres exceptionnelles, combinaisons de matières… Notre créativité, presque « insolente » fait de Cartier un acteur unique sur les marchés de la joaillerie et de l’horlogerie de luxe. En osant nous implanter avant les autres dans des pays comme la Chine et la Russie, en trouvant sans cesse des idées inédites, et avec le souci permanent du mélange des cultures et de la confrontation des idées, nous sommes toujours loin devant tous nos concurrents. En tant que Président, je maintiens ce fragile équilibre entre tradition et avant-gardisme en opérant constamment à des ajustements, en fonction des évolutions de la Maison, des autres acteurs du marché, de nos implantations dans le monde… Cette remise en cause permanente, suit malgré tout un fil conducteur historique : l’excellence. Pour Cartier, il est impératif de savoir se réinventer tout en affirmant le sens du détail, le savoir-faire et la sophistication qui ont fait notre réputation et qui assoient notre leadership au fil des ans. Nous sommes des « managers du désir » : notre performance se juge à notre désirabilité, à notre capacité à maintenir l’émotion, le rêve et la qualité de notre service dans un univers mondialisé et ultra concurrentiel. Cette notion de désir est fondamental : nous entretenons avec nos clients une relation comparable à une histoire d’amour. »
« Le Président
est un « équilibriste
du business » : il doit savoir se préparer
au pire quand
tout va bien ».
« Un leader reçoit beaucoup, il doit aussi savoir rendre et partager »
Si Cartier est animé par cet esprit pionnier dans sa dimension créative, il le met aussi en exergue dans une dimension plus économique et sociale. Le Groupe a en effet élaboré une politique prônant éthique, performance sociale et environnementale : la « Corporate Responsability ». « Lorsqu’on est leader, il faut savoir rendre un peu de ce qu’on reçoit à la communauté. C’est pourquoi, nous nous engageons, aux côtés de plus de 140 adhérents dans le monde de la joaillerie, dans une logique de travail s’appliquant à nos produits, nos métiers, nos collaborateurs et nos chaines d’approvisionnement. Nous agissons notamment dans la recherche de nouvelles ressources d’or « propre » : nous avons récemment signé des accords avec des mines du Honduras, et bientôt avec des mines en Argentine, dans lesquels nous nous engageons à acheter leurs productions en intégralité. Bien sûr, cela représente des coûts supplémentaires mais il est de notre responsabilité d’institutionnaliser des comportements plus respectueux de l’Homme et de la nature. » Depuis plus de 25 ans, Cartier met également en oeuvre sa générosité et sa philanthropie au service de l’art, via sa Fondation. « Là encore, l’esprit pionnier de Cartier prend toute son ampleur : nous avons su miser sur l’art contemporain alors même qu’il était ignoré, voir dédaigné. La Fondation Cartier est aujourd’hui un grand mécène et s’impose une éthique très claire : agissant en toute indépendance face à la Maison mère, elle recherche de nouveaux talents sans jamais en attendre une quelconque utilisation commerciale. »
Comme un chef d’orchestre, le Président écoute, guide et décide
En tant que Président, Bernard Fornas a d’ailleurs fait sienne cette idée de partage dans l’exercice de ses fonctions. « Ma mission première est l’animation de ma « garde rapprochée ». Pour cela, j’aime à encourager une délégation renforcée mais bien sûr contrôlée, récompensée voire sanctionnée. Un Président décide tout le temps. Il doit donc constamment être à l’écoute de collaborateurs compétents et très spécialisés, afin de confronter leurs points de vue, d’analyser au mieux et au plus vite les situations et de prendre ses décisions. Je crois beaucoup au management partagé : l’interaction des fonctions d’une entreprise permet en effet aux collaborateurs de se challenger les uns les autres et ainsi d’arriver à de grandes choses. Mais s’il est important que le management soit partagé, il est également impératif que la décision ne le soit pas : la détermination de la stratégie doit rester dans les mains d’une équipe très restreinte ». Fervent défenseur de ce management par l’écoute, Bernard Fornas réfute l’image de la tour d’ivoire souvent assimilée aux hommes de pouvoir et s’affirme avant tout en homme de terrain. « Je déteste la technocratie. Un Président doit avoir du bon sens et pour cela prendre le temps de rencontrer ses équipes et de voir ce qui se passe partout. Dans un secteur comme celui du luxe, fait d’image et de rêve, il est en effet indispensable de pouvoir évaluer la concrétisation de ses décisions afin de les ajuster au plus vite si nécessaire. Dans un contexte de crise comme celui que traverse l’économie aujourd’hui, le Président est plus que jamais un « équilibriste du business » : il doit savoir se préparer au pire quand tout va bien. La flexibilité, la réactivité et la rapidité font partie de ses principales qualités : face à la volatilité du monde, seul un homme bien préparé est capable de faire face aux difficultés et de faire les bons choix, au bon moment, et d’adopter la tactique lui permettant de prendre le pas. En tant que Président de Cartier, cette préparation est plus que jamais nécessaire pour ajuster des stratégies parfois osées dans le respect des valeurs historiques de la Maison et sans jamais lui faire perdre son âme. » Gardien de cette délicate alchimie entre tradition, innovation, partage et risque Bernard Fornas lève enfin un peu le voile sur un des secrets de la réussite : « La passion, la passion, la passion ! »
Ouvrez votre esprit !
« Pour se démarquer, des diplômes de prestige ne suffisent plus. Aujourd’hui, ce sont la personnalité, la passion et la curiosité qui font la différence. Il faut savoir prendre des risques, aller plus loin que ce que peut apprendre l’école et oser faire ce qu’on ne sait pas faire. Si le succès professionnel s’ouvre aux passionnés, il ne s’agit pas pour autant d’être « monopassion » et de se consacrer exclusivement à son job. Ouvrir son esprit à d’autres cultures et à d’autres sources créatives comme l’art, cultiver le sens de l’écoute et du partage sont des éléments de réussite indispensables. Si j’avais 20 ans aujourd’hui, une de mes priorités serait de me lancer dans une connaissance approfondie des langues et d’apprendre le chinois. Il faut en effet avoir conscience que les cartes du monde ont été totalement redistribuées ces dernières années et que la Chine ouvre à des opportunités de carrières hallucinantes. Il faut se donner les chances que les autres n’osent pas se donner et ne pas avoir peur d’être pionnier pour soi-même. »
CW.
Contact
bernard.fornas@cartier.com