La génération Y regroupe, en Occident, l’ensemble des personnes nées entre 1980 et 1999. À dater de l’an 2000 la génération Z (pour génération zapping), a temporairement pris le relai. Pour ce qui est de la perception de ces générations par les entreprises une recherche sur Google, donne le ton : les titres accrocheurs parlent d’eux-mêmes : « Générations Y et Z : comment les manager avec efficacité ? », « Comment manager et travailler avec les générations Y et Z ? » etc.
L’ABC des X, Y, Z… en attendant la suivante
Ces titres ne relèvent-ils pas d’une exploitation marketing éloignée d’une réalité sociologique plus complexe ? Le consulting générationnel n’entretient-il pas une forme de complexes managériaux en caricaturant de jeunes recrues de type « alien » qu’ils ne sauraient pas comment gérer ?
Histoire d’un pur concept marketing ?
Concept issu du marketing dans les années 90’, repris dans la littérature managériale et le vocabulaire RH, les générations Y et Z ont fait l’objet d’une multitude d’articles et d’ouvrages. Pourtant, ces dernières – pas plus que la X – n’existent en tant que génération telle que définie par le sociologue allemand Karl Mannheim : « la génération comme un ensemble de personnes ayant à peu près le même âge, mais dont le principal critère d’identification sociale réside dans les expériences historiques communes et particulièrement marquantes dont elles ont tiré une vision partagée du monde.[1] ». Si le concept de génération Y – Z qui viendrait « disrupter » les entreprises « avec des attentes » hors normes » a été vendu à l’envi, cette approche commence à être abordée de façon plus pondérée. Leur rapport au travail – entre autres – est aujourd’hui reconsidéré : « la génération Y-Z, en tant que telle, pour nous, elle n’existe pas », c’est ce qu’affirmait en 2017 une étude de manpower Groupe via-voice (2017), par la voix de Jean Giboudeaux, directeur général de Right Management.
X, Y, Z… “Il est intelligent, en entreprise, d’être humain.” Francis Planque
Hier, comme aujourd’hui, les mêmes prérequis de base permettent l’accès à l’entreprise. Une partie non négligeable de ces jeunes générations ne maîtrisent pas les fondamentaux d’accès à l’entreprise : « savoir se présenter », « parler une langue étrangère », « rédiger convenablement un mail ». Le fait qu’une majorité maîtrise les réseaux sociaux et certains outils informatiques n’induit pas qu’ils puissent mettre leur savoir spécifique au service d’une organisation ! (Cf. Travail collaboratif). Si, hier, il s’agissait d’apprendre aux « dinosaures » en poste à se préparer à un choc générationnel, aujourd’hui les supposés « dinosaures » cibles ne les ont pas attendus pour combler un déficit de savoir. Ces nouveaux entrants intègrent de fait un mode organisationnel déjà fortement engagé dans la transformation numérique, avec les mêmes travers que leurs ainés dans la gestion problématique de la sursollicitation numérique. Enfin, pour ce qui est de leurs attentes de l’entreprise, elles restent les mêmes que leurs aînés : la recherche de sens, la reconnaissance, la qualité des relations interpersonnelles, l’intérêt de leur travail, la rémunération, des perspectives, une communication franche, et plus d’aspiration à évoluer à l’international….
Des générations « cash » et responsables !
Leur plus grand apport ne sera pas leur capacité à s’adapter aux technologies, mais ce qu’ils apporteront en termes de Responsabilité Sociale de l’Entreprise à leurs aînés. Des aînés qui ont souvent privilégié les mots au mépris des actes. Leurs aînés pensaient performance et rentabilité, ces générations pensent impact social, environnemental et responsabilité. Aussi, si les entreprises doivent se préparer à un apport véritablement disruptif chez ces générations c’est leur côté « cash » ! Elles ne sont pas configurées pour avaler des couleuvres et s’en laisser compter.
[1] Mannheim, K. Le problème des générations, Paris, Nathan, 1990 (1reéd., 1928).
les auteurs sont Caroline Cuny et Yannick Chatelain, professeurs à Grenoble Ecole de Management