Ingénieur dans l’âme, passionné par tout ce qui vole, Didier Evrard se définit comme un homme assez ordinaire, mis dans des situations extraordinaires. Il revient sur le projet de l’A 350, la réussite d’une équipe soudée, engagée, riche de sa diversité et de ses expériences.
Des hommes emblématiques et des produits innovants
Airbus est né d’une vision stratégique européenne, principalement franco-allemande, visant à proposer une alternative à Boeing. Cette ambition s’est transformée au fil des ans en vision d’entreprise totalement industrielle, avec des hommes emblématiques, visionnaires, qui ont été déterminants dans le lancement, le développement, la montée en puissance et le succès d’Airbus, et des produits très innovants comme l’A 300, l’A 320, l’A 330. Aujourd’hui près de 7 000 A 320 volent, plus de 4 000 sont en commande et les cadences vont passer de 40 par mois à 60 en 2019. L’avionneur européen est devenu une société globale, avec des filiales dans le monde entier, qui emploie plus de 60 000 personnes, réalise plus de 40 milliards d’euros et qui livrera cette année plus de 600 avions. Dans cette situation de duopole, de bataille frontale quotidienne avec Boeing, la part de marché devient un élément déterminant et l’avionneur doit rendre l’ensemble de ses fonctions compétitives pour gagner.
D’un avion de papier à un long courrier de dernière génération
Ingénieur de formation, diplômé de Centrale et de Supaéro, Didier Evrard a fait l’essentiel de sa carrière dans la défense, gravissant les échelons chez Matra puis chez MBD et MBDA où il conduit des programmes internationaux, importants et complexes, comme le projet Apache chez Matra, le programme de missile de croisière Storm-Shadow – Scalp, jusqu’à prendre des fonctions de direction générale. Fin 2006, il est appelé chez Airbus pour mener à bien le programme de développement industriel de l’A 350. Rompu à la conduite de projets qui font appel à l’innovation contractuelle et technique, Didier Evrard connaît bien l’aérospatiale, les cultures européennes et a développé une capacité de leadership qui en font l’homme de la situation pour relancer le projet A 350 dont le premier lancement a échoué. « Une décision difficile, je n’étais pas expert en matière d’avion, j’avais 53 ans et n’étais pas en recherche d’emploi. »
Avec la complicité de son adjoint, chief engineer, il se lance dans cette mission – qualifiée par certains d’impossible – et entame une collaboration de 8 ans pour développer l’A 350 jusqu’à sa mise en service, avec la confiance du management d’Airbus et la motivation de l’équipe, extrêmement soudée. « Mon optimisme, je le gagne dans l’action, je le bâtis avec mon équipe, quand je la vois convaincue, adhérer aux objectifs. Quand on a franchi cette étape chez Airbus on a ensuite une machine extraordinaire. »
« Pour moi l’important est de contribuer,
à tous les niveaux, au succès de l’entreprise qui m’emploie »
Un succès d’équipe
Didier Evrard bâtit sa stratégie sur 3 mots, anticipation – et intuition -, accélération et confiance. La première étape consiste à se construire une vision et à la faire partager, à entraîner l’équipe à anticiper, à gérer de manière innovante l’incertitude, les risques pour converger vers le but. Lorsque le cap est clair et les risques maitrisés, l’équipe doit savoir se dépasser pour accélérer et atteindre des objectifs au-delà des limites reconnues. La meilleure façon d’obtenir cette accélération est de faire confiance dans la capacité de chaque membre de l’équipe, de les rendre responsables et de les aider lorsqu’ils en ont besoin. Ces principes permettent aussi de construire une vision d’entreprise étendue aux fournisseurs et d’arriver à un succès qui est d’abord et avant tout un succès d’équipes. « La diversité que l’on trouve en Europe est extrêmement riche. Dès lors que j’ai eu accès à cette diversité, j’ai réalisé comment on pouvait l’utiliser pour réussir, en faisant des sommes et non des différences. » Si on prend le meilleur de chacun, on réussit, c’est pour cela qu’Airbus, qui offre une très grande variété de métiers, est très intéressant pour les jeunes et se classe parmi les employeurs les plus attractifs de France. Ils ont immédiatement une expérience multinationale sans forcément avoir à s’expatrier.
« La réussite personnelle ce n’est
pas mon problème,
je ne me suis jamais posé la question dans ces termes, la question que je me pose,
c’est comment je
peux contribuer
aux adaptations
ou changements nécessaires pour que le projet, l’entreprise qui m’emploie réussisse. »
Ingénieur dans l’âme
Couronné en 2015 par le prix Icare décerné par l’Association des Journalistes Professionnels de l’Aéronautique et de l’Espace (AJPAE), Didier Evrard partage ce prix, qu’il considère comme un prix Airbus, avec ses équipes. Le Prix de l’Ingénieur, qui lui a été décerné en 2013, lui semble un peu plus personnel, « je me sens ingénieur dans l’âme. » Passionné par le domaine spatial, aérospatial, par tout ce qui vole, il a besoin de mettre cette passion dans une perspective business, d’amener ses équipes et les clients à la passion pour le produit, et d’en faire des succès d’équipes, des succès industriels.
Un homme ordinaire, mis dans des situations extraordinaires
« Avoir réussi, c’est ne pas regretter. J’ai la chance de n’avoir regretté aucune de mes orientations de carrière même si je ne les ai pas cherchées, je les ai toutes acceptées. J’ai aimé tous les métiers que j’ai exercés pour différentes raisons, certaines périodes ont été extrêmement difficiles, j’ai eu à gérer des crises. Je suis quelqu’un d’assez ordinaire, j’ai été mis dans des situations assez extraordinaires, dans des projets importants chez Matra comme Storm-Shadow, qui a permis la création de MBDA, j’ai participé à la construction européenne dans la défense, c’est juste le hasard, c’est très motivant. »
L’A 350 est un projet extraordinaire, une réussite. Chacun se fait son idée de ce qu’est la réussite, pour Didier Evrard, réussir sa vie signifie arriver à conjuguer vie professionnelle et vie familiale, à s’épanouir. L’argent n’a jamais eu trop d’importance pour cet homme dont la philosophie de vie est empreinte de modestie. Pour lui, l’important est de contribuer, à tous les niveaux, au succès de l’entreprise qui l’emploie. Et un peu au succès de la France, il a été décoré de l’ordre du mérite et de la légion d’honneur.
Aujourd’hui membre du comité exécutif, directeur général des programmes, Didier Evrard pilote l’ensemble des programmes et services d’Airbus. Un scope très large qui comprend un certain nombre de filiales et 15 000 personnes. La contribution de sa direction à la réussite d’Airbus passe par l’amélioration globale de l’efficacité industrielle, de la qualité, par l’implication dans de nombreux projets de compétitivité au sein des programmes et la préparation de l’avenir et des projets futurs pour fédérer l’ensemble de l’entreprise.
Marcel Dassault, symbole de la réussite
Didier Evrard ne cache pas son admiration pour Marcel Dassault, ingénieur et entrepreneur, qui disait que « tout ce qui était beau volait bien. J’ai bénéficié des succès de ses avions et travaillé avec nombre de ses collaborateurs pour développer des systèmes complexes, ce qui m’est utile aujourd’hui. »
Un message aux jeunes diplômés
Ne pas être trop pressé quand même, essayer de se construire, de construire une expérience, savoir où on veut aller, influencer les événements, montrer que l’on est ouvert aux opportunités, avoir confiance en soi. Un peu de patience, de modestie, beaucoup de travail, une vie équilibrée et un peu de sport pour gérer le stress. « Gérer son stress, c’est gérer le stress de l’équipe. Il y a des moments où il en faut, à condition qu’il reste positif. Certains de mes chefs de projet travaillent beaucoup
sur le well being, un outil supplémentaire qui me paraît intéressant. J’ai reconduit chez Airbus les « christmas parties » que j’organisais chez Matra, nous y invitons tout le monde, car chacun est important dans l’équipe. »
Empire State Building
Didier Evrard a dans son bureau la photo « Lunch Atop a Skyscraper » en noir et blanc des ouvriers qui ont construit l’Empire State Building en 11 mois « Au début du projet, la confiance de l’équipe était importante, j’avais choisi cette image où ces ouvriers ont visiblement pris des risques. Lors d’un séminaire, j’avais fait descendre sur chacune des têtes la tête d’un des membres de mon équipe. Pour la boutade j’étais descendu en parachute. »
Après « Le Club des incorrigibles optimistes », Didier Evrard s’est attaqué à la lecture du livre « Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire », l’histoire d’un homme ordinaire mis dans des situations extraordinaires.
A.M.O.
Contact
didier.evrard@airbus.com