Directeur d’AgroParisTech, Laurent Buisson explique comment l’école transforme ses formations pour répondre aux enjeux de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt dans une logique de soutenabilité planétaire et rendre les métiers des sciences du vivant plus attractifs. Une vision pragmatique qui fait de la diversité et de l’adaptabilité les maîtres-mots d’une école bicentenaire tournée vers l’avenir.
Former des ingénieurs capables de relever les défis environnementaux actuels : quels sont les fondamentaux de votre mission ?
Nous sommes très ambitieux dans notre périmètre d’intervention, que l’on pourrait résumer ainsi : comment nourrir l’Humanité et exploiter les ressources naturelles de façon durable, dans les limites de la soutenabilité planétaire ? Notre nouvelle maquette du cursus ingénieur (qui sera déployée à la rentrée 2026) est éclairée par notre stratégie de recherche centrée sur la compréhension des changements globaux et l’accompagnement des transitions. Le fil conducteur de notre réforme repose sur une approche par compétences qui s’intéresse aussi aux objets concrets que rencontreront nos étudiants dans leur vie professionnelle : la plante, l’animal, l’exploitation agricole, le sol, les procédés agroalimentaires, les filières… Notre formation se caractérise par la prise en compte des transitions qui nous concernent et par une dimension multi-échelle et pluridisciplinaire. Sans attendre 2026, nous proposons déjà à chaque étudiant de choisir au moins une transition qui pourra servir de fil conducteur à son parcours.
Le projet Avenir-Agro (France 2030) vise à rendre les formations et métiers des sciences du vivant plus visibles et désirables. Quels sont les défis pour attirer les talents vers ces filières ?
Les gens ne savent pas toujours ce qu’est un ingénieur agronome. La diversité des métiers auxquels nous préparons fait qu’il n’y a pas de stéréotype, ce qui rend notre communication plus complexe. Le projet Avenir-Agro, bien que porté par AgroParisTech, est vraiment un projet collectif qui réunit écoles publiques et privées. L’objectif est d’attirer plus de jeunes talents, qu’ils viennent des lycées agricoles, des IUT, des licences ou des classes préparatoires, en leur montrant que ce sont de beaux métiers qui préparent à affronter des enjeux essentiels. Notre approche consiste à multiplier les témoignages et les exemples concrets. En salon ou lors des journées portes ouvertes, nous présentons une douzaine de métiers différents pour donner une image de la variété des carrières auxquelles nous préparons. Notre objectif ? Accueillir 480 étudiants par promotion en 1ère année d’ici 2030, contre 430 actuellement.
Quelles sont les vertus de votre approche multidisciplinaire ?
L’agroécologie est au cœur de notre approche productive : en agriculture, nous valorisons la biodiversité et développons des variétés résistantes au changement climatique, moins gourmandes en eau et en nutriments. Nous avançons également sur la bioéconomie en remplaçant les dérivés pétroliers par des molécules issues du vivant, et sur les énergies renouvelables (méthanisation, agrivoltaïsme…). Dans le domaine alimentaire, nous explorons l’équilibre entre protéines animales et végétales, tout en développant des modes d’élevage respectueux du bien-être des éleveurs et des animaux. Ces innovations n’ont de sens que si elles sont adoptées par tous les acteurs. C’est pourquoi nous accordons une grande importance aux filières, à la dimension collective qui relie le champ à l’assiette. Nos étudiants apprennent cette approche systémique qui intègre les dimensions humaines, sociales, économiques et organisationnelles.
Si vous deviez choisir un seul combat pour transformer notre façon de produire et de consommer ?
Ce serait la notion de diversité, qui caractérise le vivant. Nous devons apprendre à nos étudiants non pas à raisonner par doctrine ou par posture, mais de manière systémique. La richesse de l’ingénieur agronome, c’est sa capacité à s’adapter à des situations physiques, géographiques, humaines, sociales et économiques très variées. Il n’y a pas deux exploitations agricoles ou deux forêts identiques. Notre école fêtera bientôt ses deux siècles d’existence. Depuis 200 ans, nous participons à la transformation de nos secteurs d’intervention, et nous avons l’intention de continuer, avec des approches adaptées aux défis d’aujourd’hui et de demain.