Le premier opérateur mondial d’hôtellerie est en pleine mutation numérique. Mais, comme tout ce que fait Accor, son vaste plan d’action visant à installer le digital partout et le client au centre repose avant tout sur l’esprit d’innovation, l’expertise et… l’audace ! Rencontre avec Fabrice Otano (ESCP Europe 87), son Chief Data Officer.
Accor, présent dans plus de 100 pays, est un des leaders mondiaux de l’hôtellerie. Pourriezvous nous dire quelles sont l’actualité et la stratégie actuelle de l’entreprise ?
Un des secrets de la réussite d’Accor tient à sa faculté de sans cesse se renouveler. Avec près de 4 000 hôtels dans le monde, le groupe (leader incontesté sur l’Europe, l’Amérique latine et en forte croissance sur l’Asie-Pacifique) vient ainsi de se restructurer entièrement autour de ses deux grands métiers historiques : l’investissement dans les murs d’une part, l’immobilier donc ; et le métier d’hôtelier et de franchiseur de l’autre. Mais à l ’heure où 3 0 % d es réservations passent déjà par internet, le groupe Accor a surtout entrepris une vaste transformation interne visant à ajuster l’univers professionnel très traditionnel de l’hôtellerie à la mutation numérique actuelle et à ses enjeux.
Un vaste plan digital de 225 M€ a donc été engagé po ur f aire f ace à la complexification considérable du métier. Pour la prédictibilité essentielle des taux d’occupation d’un établissement par exemple, il convient désormais de prendre en compte une bonne dizaine de facteurs différents. De même, pour gérer notre implantation mondiale qui voit les flux de clientèles changer continuellement, voire s’inverser suivant les continents et les périodes de l’année, le recours aux nouvelles technologies est indispensable. Et puis, côté actualité, il y a la concurrence avec les purs players du net comme Booking ou Expédia qui brassent – virtuellement, donc sans frais – des centaines de milliers d’hôtels – sans aucune sélection – et vous envoient certes des clients, mais en captant au passage votre marge ! Notre pdg, Sébastien Bazin a innové de manière très audacieuse, en ouvrant notre plate-forme de réservation à une sélection choisie de 6 000 autres hôtels ; pour intensifier le trafic sur notre centrale de réservation propre do nc, mais a ussi p our p roposer une alternative basée sur des critères de qualité.
« Faites ce qui vous attire, la passion est votre meilleur guide.
Et surtout : visez l’excellence ! »
Pourriez-vous nous résumer votre parcours en nous expliquant le fil rouge de votre évolution, ce que vous avez acquis à chaque étape ? Nous dire en quoi ce parcours vous a préparé à occuper le poste de Chief Data Officer (un type de poste assez récent, non ?) qui est le vôtre aujourd’hui et quels missions particulières il recouvre ?
Après l’ESCP, j’ai commencé par douze années de conseil en stratégie, en grande partie à l’international, une approche aussi riche qu’instructive au cours de laquelle j’ai principalement fait l’apprentissage de la facette business du métier. Puis j’ai passé plusieurs années exaltantes dans une start-up, Soft Computing, où nous sommes passés de 30 personnes à 300 en très peu de temps en inventant des outils précurseurs du Big data et du marketing digital devenus depuis de grands classiques. Enfin, j’ai renforcé mes compétences en matière de direction opérationnelle de Business Unit en manageant des grandes équipes de conseil chez Cap Gemini. Les missions sur lesquelles nous intervenions consistait précisément à aider les grandes entreprises dans leur transformation numérique. Ce parcours m’a donc idéalement préparé à aborder sereinement le poste de Chief Data Officer que j’occupe aujourd’hui (poste assez récent dans l’organigramme des entreprises, c’est vrai, mais qui se développe très vite). A la tête d’une équipe de business analysts, « data scientists » et de spécialistes de la BI qui compte 90 personnes en France et 700 dans le monde, je dois mener à bien une triple mission que l’on pourrait résumer ainsi : « Think » tout d’abord : anticiper la vision business de demain grâce à la business analyse et à la puissance des machine learning, « Build » ensuite : construire les outils et les process de BI et Big data permettant de donner de la valeur à toutes les datas du groupe et enfin « Run » : faire tourner en continu ces outils pour assurer que l’optimisation des leviers business soient utilisés de manière industrielle par l’ensemble des métiers d’Accor. Pour prédire les fameux taux d’occupation déjà évoqués par exemple, il fallait que les General Managers des hôtels manipulent une quinzaine de programmes convenable. Nous avons donc créé une application unique qui leur donne en temps réel – sur leur téléphone ! – toutes les informations dont ils ont besoin : remplissage, durée du séjour, origine des clients, etc. En dehors même du côté simplement pratique, les métiers de la data ont un impact considérable sur la profitabilité des entreprises. Ce qui fait qu’ils sont aujourd’hui aussi passionnants que recherchés.
Quels souvenirs conservez-vous de ESCP Europe et quelle part de l’enseignement reçu continue de vous être précieuse au quotidien ?
Je garde un excellent souvenir de mon passage à l’ESCP (une école dont je reste très proche, faisant en particulier partie du jury). Sa dimension internationale, sa volonté d’excellence et son ouverture d’esprit sur l’avenir et la multiplicité des opportunités professionnelles m’ont en effet été précieuses, notamment au moment de sauter en marche d’une carrière de consultant à une startup, décision qui n’était pas évidente à prendre ! Je note en passant que nombre d’élèves de ma promotion travaillent aujourd’hui dans la data et le digital, c’est dire à quel point l’école nous a fourni, à une époque où ces concepts naissaient à peine, les éléments nécessaires à notre développement futur.
Quels sont les métiers proposés par Accor dans lesquels le groupe renforce aujourd’hui ses équipes et qui vous paraissent taillés pour de jeunes diplômés ? Quelles qualités personnelles et types de personnalités votre entreprise apprécie-t-elle plus particulièrement ? A l’inverse quels atouts les plus remarquables offre-t-elle qui puissent leur donner envie de se joindre à vous ?
Accor recrute dans de nombreux domaines et, de plus en plus, en dehors même du champ des métiers de l’hôtellerie pure, de jeunes diplômés issus d’écoles très diverses : commerce, RH, Internet, informatique, etc. Le groupe est une success-story entrepreneuriale exemplaire du XX ° siècle qu’une équipe de rêve reconfigure aujourd’hui pour qu’elle soit en mesure de relever tous les défis du XX I°. On y sent une énergie palpable, émanant autant du terrain que de la direction et dans cette entreprise pionnière en tout (RSE, durabilité, etc.), l’ambiance est excellente. Nous recherchons des jeunes entreprenants, curieux et innovants, capables de prendre des risques, sachant qu’ils trouveront ici un espace de travail dans lequel le droit à l’erreur et la culture de l’initiative sont inscrits en lettres majuscules. Concernant la fameuse application fournissant aux Managers les éléments indispensables à la prédiction du taux d’occupation par exemple, elle n’était pas initialement prévue, l’idée nous en est venue en chemin et nous avons alors décidé de tout mettre sur les smartphones, ce qui a été très bien accueilli. Les disruptifs et autres audacieux sont donc particulièrement bienvenus. Ici, ils s’épanouiront. Vous en connaissez beaucoup, vous, des leaders mondiaux qui, comme Accor vient de le faire, ouvrent leur carnet de réservation à la concurrence ?! »
Des chiffres et des êtres
• 5,5 Mds € de CA • 180.000 collaborateurs • Présent dans plus de 100 pays
JB
Contact : fabrice.otano@accor.com