A la découverte… des collections médicales de Sorbonne Université

Avez-vous déjà imaginé les secrets que peuvent receler des collections médicales du 19e siècle, quand des scientifiques traçaient l’origine des maladies ? Les collections médicales de Sorbonne Université, constituées à partir de 1835 et riches de 30 000 pièces, détiennent ces mystères. Véritable encyclopédie anatomique, elles servent encore aujourd’hui à la recherche, nous invitant à remonter le fil du temps et à explorer l’histoire de la médecine et de notre connaissance du corps humain.

Cires anatomiques, squelettes, pièces humides conservées dans des bocaux, lames histologiques et instruments scientifiques : les collections médicales de Sorbonne Université, héritières du musée créé en 1835 par Guillaume Dupuytren, chirurgien et pionnier de l’étude des maladies, nous plonge dans un univers aussi passionnant que mystérieux. Ce musée, qui attira autrefois des foules grâce à ses 6 000 pièces, a fermé en 2016 pour rejoindre les réserves patrimoniales de Sorbonne Université. Mais ce n’est pas pour autant que ces collections sont figées dans le passé. Au contraire, elles continuent de révéler des secrets. « Les disciplines et techniques d’analyse se sont développées et perfectionnées au fil du temps. De fait, certaines pièces n’ont pas forcément été analysées comme elles le devaient et il reste beaucoup de choses à découvrir sur ces collections » explique Éloïse Quétel, responsable des collections médicales et du patrimoine artistique à Sorbonne Université.

collection médicale Sorbonne Université
Éloïse Quétel – Crédits Julien Guillot

Des pièces utilisées pour la recherche

Vêtus de leur blouse blanche et armés de nouveaux outils d’analyse, l’angle d’attaque devient infini pour les chercheurs qui se lancent dans l’étude de ces artefacts. Pour permettre l’exploitation scientifique de ces collections, Sorbonne Université mise en effet sur des experts dans leur domaine, apportant une technicité avancée pour analyser, décrire, documenter, et conserver les spécimens. Grâce à eux, ces pièces sont aujourd’hui utilisées de manière concrète dans de nombreuses recherches en histoire des sciences mais également pour faire des avancées en paléopathologie ou de paléovirologie, deux disciplines qui étudient les maladies et les souches virales anciennes. Il n’est donc pas rare de réaliser que les pièces conservées dans les collections ont un grand potentiel scientifique, notamment pour des recherches qui peuvent avoir des répercussions très concrètes – comme une meilleure connaissance de l’évolution de certaines pathologies ou l’amélioration d’une solution vaccinale. « Il arrive que des chercheurs nous sollicitent pour effectuer des prélèvements sur certaines pièces, afin de comprendre l’évolution des maladies et comment elles pourraient être mieux traitées aujourd’hui » ajoute celle qui est également conservatrice-restauratrice spécialisée dans les restes humains et les matériaux organiques.

Le défi de la conservation des collections

Maintenir ce trésor en bon état est une tâche exigeante : luminosité, température, humidité, manipulation… tout doit être contrôlé afin de préserver les pièces. C’est pour cela que de nombreux experts veillent à la conservation des collections de Sorbonne Université, dans toute leur diversité. « Nous avons une conseillère en radioprotection pour gérer la question des minéraux radioactifs, qui requiert un haut niveau de technicité. Elle assure la formation des collègues qui sont amenés à côtoyer ou manipuler les échantillons à fort rayonnement » explique Éloïse Quétel. Outre celle de la radioactivité, la gestion des risques chimiques et biologiques, de l’amiante, du béryllium est également essentielle. « Aujourd’hui, nous avons une vision précise du cadre et des procédures nécessaires pour préserver les collections médicales et nous favorisons au maximum l’échange avec l’ensemble des services de l’université (immobiliers, logistiques, prévention des risques) qu’il faut impliquer sur le sujet. Mais notre principal problème reste le nombre de pièces, car elles soulèvent des problématiques de conservation variées » précise la responsable.

Le futur des collections médicales de Sorbonne Université… c’est déjà maintenant !

Depuis 2017, Éloïse Quétel passe ses journées dans les sous-sols de l’université, identifiant, restaurant et analysant des centaines de pièces chaque année. Un travail titanesque qui lui fait dire que le futur est déjà là. « Depuis la fermeture du musée nous abordons ces collections d’une nouvelle manière, en réinventant leur valorisation et leur gestion, notamment sur le plan éthique. Chaque pièce est photographiée pour documenter son état, et les descriptions sont plus détaillées, basées sur des recherches approfondies et des échanges interdisciplinaires. » Une histoire faite aussi de rencontres fortuites. « À mon arrivée, j’ai entrepris de réorganiser les différentes typologies des collections. En réaménageant la réserve des pièces humides, j’ai également procédé au rangement des archives, et c’est là que j’ai découvert des aquarelles intrigantes. J’avais peu d’informations pour en comprendre l’origine, mais progressivement, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’œuvres créées pour l’atlas d’anatomie pathologique de Gustave Roussy. Petit à petit, j’ai reconnu des pièces de la collection représentées dans ces œuvres et compris que Roussy avait utilisé les spécimens humides pour constituer son atlas. Cette découverte est précieuse pour nous, car elle nous offre une vision historique de l’état de ces pièces, permettant de les comparer avec leur état de conservation actuel » s’amuse Eloïse Quétel.

Des collections et des fonds en tout genre

collection médicale Sorbonne Université
Rémi Gaillard – Crédits Julien Guillot

Mais attention, les collections de Sorbonne Université ne se résument pas aux collections médicales. On y trouve également des trésors de minéralogie, de zoologie, de géosciences ou encore de paléobotanique, témoignant de la richesse de l’histoire de l’établissement. « Il est très rare que les universités conservent encore autant de pièces historiques à des fins de recherche, même si ne nous sommes pas les premiers à nous engager dans la valorisation des collections universitaires (Strasbourg, Rennes, Montpellier…) explique Rémi Gaillard, co-directeur de la Bibliothèque de Sorbonne Université et responsable du pôle Collections scientifiques et patrimoine. A ce titre, nous faisons partie des exceptions, tant par le budget alloué pour conserver ces collections que par le nombre et l’expertise des collègues qui s’en occupent. Pour valoriser un fonds, il faut savoir de quoi en parle, et c’est pour cela que des collègues ayant une expertise disciplinaire sont à nos côtés » affirme Rémi Gaillard. Rassemblées dès le XIXe siècle, ces collections n’ont cessé de s’agrandir au fur et à mesure du temps et des découvertes scientifiques. « Ces collections sont le miroir historique de l’évolution des disciplines et des enseignements. En fonction des avancées scientifiques et de la découverte de nouvelles techniques et approches, les pièces n’ont par ailleurs pas été conservées de la même façon et témoignent chacune d’un pan de l’histoire des collections. C’est aussi un témoignage de la richesse disciplinaire de nos trois facultés puisque l’université conserve aussi bien des restes humains que des fossiles, des papyrus ou des masques de théâtre en papier mâché » détaille le co-directeur.

Les collections de Sorbonne Université : outil de recherche pour tous

Bien que certaines collections soient accessibles au grand public, comme le musée des minéraux de Sorbonne Université, la plupart restent réservées aux scientifiques. Mais cela pourrait bientôt changer puisque l’établissement compte ouvrir de plus en plus ses collections. « Après l’important travail réalisé autour de l’inventaire et de la préservation des pièces, nous voulons nous inscrire dans une démarche d’ouverture : nous numérisons progressivement toutes nos pièces et celles-ci sont ensuite diffusées sur nos plateformes » explique Rémi Gaillard. Tout au long de l’année, de nombreux artefacts sont prêtés pour diverses expositions comme actuellement aux musées Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône ou d’Art, Histoire et Archéologie d’Evreux. Très engagée dans le champ de la science ouverte et de la diffusion des savoirs, l’université compte également mettre en open access l’ensemble de ses collections à destination du grand public et à des fins de recherches. « Les métadonnées, mais aussi les images, seront dès 2025 en licence libre avec une réutilisation possible sans restriction Comme établissement d’enseignement et de recherche, ouvrir et faire rayonner nos collections auprès de la société fait pleinement partie de nos missions de service public. A travers ces grands projets, la question de la préservation et de la valorisation du patrimoine est devenue centrale pour notre établissement » conclut le responsable du pôle Collections scientifiques et patrimoine.


Ma plus belle pièce
« C’est compliqué de distinguer une pièce en particulier, mais les collections de paléobotanique conservent de la flore fossile collectée par un géologue du 19e siècle, Ernest Munier-Chalmas, lors des travaux d’aménagement de la butte du Trocadéro. Les fossiles qu’il y a collectés permettent de toucher du doigt les fleurs qui poussaient à Paris, il y a 40 millions d’années ! Je suis également particulièrement fasciné par les cires anatomiques, qui illustrent de manière saisissante la dimension artistique des collections médicales. Enfin, un des papyrus conservé par nos collègues de l’Institut de papyrologie de la Sorbonne, qui constitue l’une des plus anciennes éditions connues de l’Odyssée d’Homère, et qui a récemment été exposé dans une très belle exposition à Bordeaux, est un document très émouvant » explique Rémi Gaillard.

collection médicale Sorbonne Université
Feuille d’une protéacée du Lutétien (40 millions d’années), collectée par Ernest Munier-Chalmas (1868). SU.PAL.2017.0.2.28_b – Crédits Pôle Collections scientifiques et patrimoine, Bibliothèque de Sorbonne Université