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Vie publique/privée : transparence et exemplarité !

Les dirigeants doivent être exemplaires, entend-on souvent. La demande tourne à l’injonction lorsqu’il s’agit de personnages politiques : au nom du principe de transparence, ceux-ci doivent être irréprochables, dans leurs fonctions comme dans leur vie de tous les jours. La frontière semble être mince entre vie publique et vie privée.

Gare à celui qui oublie cet impératif ! En août 2022, Sanna Marin, 36 ans et à la tête du gouvernement finlandais depuis trois ans, essuya des appels à la démission après la fuite de vidéos qui la montraient faire la fête avec ses amis. En 2014, François Hollande, déjà déstabilisé par des approximations politiques, vit sa stature d’homme d’état ébranlée par des révélations sur sa vie sentimentale. Dans les deux cas, des événements privés fragilisèrent la carrière publique.

On peut cependant se demander si les principes d’exemplarité et de transparence doivent s’appliquer avec la même rigueur à la personne privée et à son personnage public. Après tout, lorsque les français élisent leurs représentants, ils votent pour des programmes et des idées et non pas pour des comportements quotidiens. Valéry Giscard d’Estaing fut un mari infidèle. Mais qui le savait et, surtout, qui en tenait compte ? Les temps ont changé et la moralisation publique de la vie privée des gouvernants est désormais inscrite dans des lois ayant l’objectif de restaurer la confiance des Français en leurs élus. Cette exigence se retrouve par exemple dans les peines d’inéligibilité qui peuvent d’être prononcées pour des infractions pénales commises dans un cadre privé, ou dans l’obligation faite aux députés de publier leur patrimoine.

Transparence vie publique/privée : regretter les effets en chérissant leurs causes

Obligation légale ou non, le principe selon lequel la transparence et l’exemplarité doivent s’appliquer avec la même rigueur à la vie publique qu’à la sphère privée est entretenu par ceux qui s’en plaignent. Les reportages de complaisance sur papier glacé sur les vacances ou la famille des hommes et femmes politiques ne datent pas d’hier. Aujourd’hui, certains participent à des émissions de télé-réalité afin de montrer ‘qui ils sont vraiment’. Depuis sa nomination, Élisabeth Borne demande à se faire appeler ‘première ministre’, alors que l’expression n’apparaît pas dans le texte de la constitution de la Ve République. Celle-ci décrit les responsabilités du premier ministre, du sexe de celui (ou de celle) qui l’occupe, il n’en est pas question. Parler de la ‘première ministre’ parce qu’il s’agit d’une femme, c’est donc contribuer à effacer la frontière entre la sphère privée et la fonction publique et prendre le risque d’affaiblir cette dernière. La féminisation des noms de métier est peut-être un objectif désirable, mais en l’occurrence l’enfer est pavé de bonnes intentions.

La transparence publique, une nécessité

Celui qui veut se faire élire doit avant tout convaincre ceux qui l’écoutent qu’il propose une analyse nouvelle et des remèdes efficaces aux problèmes des communautés qu’il dirige ou espère diriger. Pour ce faire, comme des recherches récentes l’ont montré (et bien qu’aucune manière de parler ne garantisse l’adhésion), il est préférable de communiquer dans un langage de sincérité, de vérité, d’arguments valides, de conseils étayés et de promesses responsables, tout en restant ouvert à la critique. Dans un cadre démocratique et pour ce qui concerne la chose publique (mis à part les sujets qui concernent la défense nationale), la transparence des faits et des gestes des dirigeants, quand ils agissent en tant que tels, est donc nécessaire au débat contradictoire.

La discrétion comme bouclier

On peut le regretter, mais il est naturel que les électeurs remettent en question l’intégrité et les intentions de ceux qui cherchent à gagner leur confiance si ceux-ci s’écartent, dans leur vie quotidienne, des idéaux qu’ils promeuvent par ailleurs. Les acteurs politiques avisés se souviendront qu’ils ne sont que des hommes et des femmes, et que si l’esprit est ardent, la chair reste faible. Cacher la seconde permettra au premier de briller davantage.

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Jean-Etienne Joullié, Professeur de Management, PhD, HDR, École de Management Léonard de Vinci

Pour aller plus loin :

Joullié, J.-E., Gould, A., Spillane, R. & Luc, S. 2021. The language of authority and power in leadership. Leadership Quarterly, 32(4): 1-12.