Louis Schweitzer, Président de France Initiative, Président d'Honneur de Renault
Louis Schweitzer, Président de France Initiative, Président d'Honneur de Renault

Spécial Président(e)s

 

« Il n’y a pas de politique sans risques, il n’y a que des politiques sans chances »
Louis Schweitzer, Président de France Initiative, Président d’Honneur de Renault

 

Louis Schweitzer, Président de France Initiative, Président d'Honneur de Renault
Louis Schweitzer, Président de France Initiative, Président d'Honneur de Renault

« Les grandes écoles recèlent trois forces »
La première, c’est que leur mode de recrutement a la réputation d’attirer les meilleurs, les plus intelligents et les plus travailleurs des étudiants de notre pays. De fait, l’entrée dans une grande école constitue en soi une sorte de diplôme. Deuxièmement, les grandes écoles mettent en oeuvre des formations qui, ayant évolué avec le temps, sont plus à jour des technologies modernes que dans la plupart des universités. Chaque grande école apporte un plus ; pour Sciences Po, par exemple, il s’agit de l’ouverture à l’international. Enfin, les grandes écoles ouvrent des portes car les entreprises recrutent spontanément leurs étudiants, ce choix étant renforcé par les réseaux d’anciens. Les élèves bénéficient également de la possibilité de faire leurs preuves dans leur emploi, ce qui n’est pas le cas pour tous les étudiants. En effet, certaines personnes, issues des universités mais d’excellente qualité, n’ont parfois jamais eu l’occasion de montrer leurs capacités.

 

 

« Depuis le mois de mai 2011, je suis président de France Initiative »
Il s’agit d’un réseau qui rassemble 241 plateformes locales. Il fait travailler 100 salariés et 15 000 bénévoles pour aider des créateurs et des repreneurs d’entreprises. L’année dernière, France Initiative qui a aidé à la création de 17 000 entreprises, permis de créer ou sauvegarder 35 000 emplois. Cette association accorde des prêts d’honneur à taux zéro en n’exigeant aucune garantie. Bien évidemment, notre choix s’effectue en fonction de la fiabilité des projets proposés, le rôle des bénévoles étant d’aider à monter les dossiers. Si le dossier est agréé, nous accordons le prêt d’honneur, le plus souvent complété par un prêt bancaire qui atteint en moyenne sept fois la valeur du montant de notre apport. Il s’agit d’un type particulier de micro crédit qui permet aux entrepreneurs d’accéder au crédit bancaire avec un effet de levier.

 

« Nous constatons que, dans un monde touché par le chômage, créer son entreprise permet de se réinsérer dans la vie professionnelle »
Les deux tiers des personnes qui s’adressent à France Initiative, sont des chômeurs. Si statistiquement, sur 10 entreprises qui se créent, 4 disparaissent au bout de trois ans, 85 % des entreprises qui voient le jour avec notre soutien demeurent toujours viables au terme de cette période. Une fois le crédit accordé, nous continuons à accompagner les entrepreneurs en leur proposant du conseil. Ainsi, les créateurs dénués de l’expérience de la responsabilité en entreprise travaillent dans de meilleures conditions.

 

L’évolution de la fonction de président
En France, la tradition était celle du PDG qui bénéficiait d’un pouvoir très étendu. PDG de Renault pendant treize ans, j’avais une très grande liberté d’action. Aujourd’hui, cet état de fait évolue sous l’influence anglo-saxonne. En effet, se développe le concept de gouvernance qui représente un contrôle exercé sur le président par son conseil d’administration. En France, à la suite d’autres pays européens, on voit se distinguer la fonction de président du conseil ; je suis moi-même président du conseil d’administration de deux entreprises, une très grosse entreprise britannique pharmaceutique Astra Zeneca et Volvo, la plus importante entreprise suédoise. Ainsi, après avoir occupé des fonctions exécutives, j’assume maintenant des fonctions « présidentielles ».

 

Les problématiques de l’industrie françaises
En France, le secteur industriel ne représente que 16 % du PIB, alors que l’industrie constitue le socle de la balance commerciale qui permet l’indépendance économique d’un pays. De plus, l’industrie innerve l’économie, c’est-à-dire qu’elle génère des services associés. En définitive, une économie puissante ne peut exister qu’à partir de son industrie. L’industrie comprend de grandes entreprises et des PME. C’est à ce niveau que nous avons un déficit en France, car il n’existe pas, comme en Allemagne, un accompagnement des moyennes entreprises par les grandes entreprises dont elles sont les fournisseurs. Il y a 30 ans, dans le monde, l’équilibre était assuré car, dans les pays pauvres, la main-d’oeuvre était bon marché mais peu productive. Aujourd’hui, il faut reconnaître que la main-d’oeuvre chinoise ou indienne est devenue compétente. Or, pendant cette période, où ces pays présentent des revenus par habitant beaucoup plus bas que les nôtres, notre compétitivité apparaît très vulnérable. Cependant, tout ce que nous entreprenons pour améliorer l’image de l’industrie française va dans le bon sens.

 

Quelques mots sur la contrefaçon et l’espionnage industriel
Certains pays ne reconnaissent pas la propriété industrielle et copient de nombreux produits, y compris des médicaments. Si pendant longtemps on a estimé que les japonais copiaient des produits occidentaux, ils ont depuis appris à en développer eux-mêmes. Le non-respect de la propriété industrielle n’est pas la même chose que l’espionnage qui, en fin de compte, ne constitue pas un sujet majeur.

 

L’entrepreneuriat, via les grandes entreprises
Ayant travaillé essentiellement dans une grande entreprise, je m’occupe maintenant d’aide à la création de petites entreprises dans lesquelles il existe une dimension de l’entrepreneuriat qu’on ne trouve pas dans les grandes et qui constitue la solitude. En effet, le chef d’une petite entreprise dispose de très peu de personnes vers lesquelles se tourner alors que dans une grande entreprise, au contraire, on doit mettre en valeur l’esprit d’équipe pour réussir. Parfois même, certaines entreprises ont une telle taille qu’elles finissent par ressembler à des administrations. De fait, un des enjeux des grandes entreprises consiste à allier cet esprit d’équipe, de solidarité avec la capacité d’initiative. Par exemple, il y a 20 ans chez Renault, on relevait en moyenne une suggestion pour 10 personnes par an alors qu’aujourd’hui, nous en sommes à 10 suggestions par personne.

 

« L’écart entre les hauts salaires et les salaires ouvriers a massivement augmenté au cours des 30 dernières années »
En même temps, la fiscalité étant devenue moins progressive, l’écart des revenus après impôt s’est encore accru. D’autre part, la mondialisation implique que les gens mobiles en bénéficient, contrairement aux autres. De fait, les patrons qui bénéficient de ce dynamisme, apparaissent comme les grands gagnants, la concurrence jouant en leur faveur. En un mot, si les salaires des ouvriers sont tirés vers le bas par les salaires chinois, ceux des patrons sont tirés vers le haut par les salaires des dirigeants américains. Cela dit, si un très bon dirigeant d’une grande entreprise gagnait moins qu’un dirigeant d’une petite entreprise, les meilleurs déserteraient les grandes entreprises, ce qui serait gens issus des grandes écoles qui ambitionnent de très bien gagner ne doivent pas être détournés de choisir les grandes entreprises industrielles.

 

L’intervention du politique dans l’activité économique
Depuis 30 ou 40 ans, la liberté d’action des hommes politiques a fortement diminué notamment en Europe. Aujourd’hui, par exemple, on ne peut pas librement décider d’aider une entreprise ou un secteur économique du fait des lois de la concurrence. L’Europe interdit les aides directes aux entreprises alors qu’il s’agissait d’une pratique assez fréquente il y a quelques dizaines d’années. Cela ne veut pas dire que les gouvernements ne peuvent rien faire. Il est toujours possible d’agir sur la recherche et le transfert recherche/industrie. C’est une affaire d’association et de financement de ce transfert entre les universités, les grandes écoles et les industries. J’estime également qu’il est possible, pour les politiques, de favoriser le financement de l’investissement des moyennes entreprises dont la capacité de croissance est limitée par leur manque de liquidités.

 

Patrick Simon