Si les questions restent nombreuses sur les modalités et le rythme de la transition énergétique, le consensus est quasi général sur sa nécessité.
Aujourd’hui, la production d’énergie repose, pour l’essentiel, sur les ressources fossiles et le nucléaire. Si le développement du gaz de schiste a repoussé l’idée d’un épuisement des réserves, la production pétrolière reste extrêmement sensible aux données politiques et géopolitiques. Le bilan du pétrole est également négatif en matière de pollution, de dégradation de la qualité de l’air et de production de gaz à effet de serre. Le nucléaire présente pour sa part le problème de production de déchets à très longue durée de vie, dont la question du traitement n’est toujours pas réglée. Reste une troisième voie, qui a connu une évolution décisive au cours des dernières décennies, celle des énergies renouvelables.
Vers un mix énergétique
Il n’est pas envisageable, compte tenu de l’ampleur des besoins énergétiques de notre civilisation, de prétendre se passer aujourd’hui des énergies fossiles ou du nucléaire. Mais il est certain que notre bouquet énergétique est appelé à se recomposer, en accordant une place croissante aux énergies renouvelables. Ces dernières sont connues depuis longtemps – l’eau, le vent, la biomasse et la valorisation des déchets – mais peinaient à démontrer leurs capacités opérationnelles à grande échelle.
Les programmes de recherche se sont multipliés à partir du début des années 2000, faisant progresser la connaissance scientifique et ouvrant la voie à l’étape suivante, celle de la mise en œuvre. Ce sont désormais les technologies, les procédés et leurs applications industrielles qui mobilisent des équipes sur tous les continents. Après l’heure de la recherche académique, après le chercheur, l’ingénieur entre en piste et devient à son tour l’un des acteurs principaux de la transition énergétique.
Passer de la Recherche au Développement
Avant d’être une démarche technologique, la transition énergétique est d’abord une décision politique. C’est des Etats qu’est venue l’impulsion de s’orienter vers la construction d’un bouquet énergétique plus diversifié. Avec des niveaux d’engagement différents, même si la COP 21 a permis de définir des objectifs globaux à l’échelle de la planète. En ce domaine, l’Union Européenne a joué un rôle déterminant, au travers notamment des programmes cadres européens qui ont soutenu de nombreux programmes de recherche. C’est en partie grâce à cette vision et à cet effort que les pays européens ont pu être à la pointe de la recherche en matière de valorisation des déchets. La dynamique se poursuit autour de nouveaux programmes qui doivent permettre le passage de la recherche scientifique au développement économique. Dans le couple R&D, il est temps de passer du R au D !
Aujourd’hui, nous disposons de tous les ingrédients nécessaires : la connaissance scientifique est là, de nombreuses technologies sont arrivées à maturité. Sur l’échelle TRL (Technology readiness level, niveau de maturité technologique), nous avons acquis l’étape 6, celle de la démonstration du prototype dans un environnement significatif. S’ouvrent maintenant les étapes 7 à 9, de la démonstration en environnement opérationnel jusqu’à l’application de la technologie en condition réelle.
L’ingénieur, acteur clef de la transition énergétique au cœur de l’entreprise
La clef d’une véritable transition énergétique n’est plus technologique. Elle est de nature économique et sociétale. L’évolution de la soutenabilité économique est désormais l’enjeu majeur. Dans cette nouvelle phase, c’est des acteurs industriels – et donc des ingénieurs qui portent l’innovation au cœur des entreprises – que doit venir le signal. Déjà, de nombreuses entreprises ont compris que le mix énergétique a des traductions concrètes en termes d’économies d’énergie. D’autres acteurs économiques et financiers surveillent de près l’apparition de nouveaux marchés et donc d’opportunités économiques liés aux solutions soleil et vent. Dans un monde globalement confronté aux difficultés liées à l’emploi, l’idée progresse que la transition énergétique représente un gisement considérable d’emplois d’avenir. Enfin, la sensibilité des populations et particulièrement des nouvelles générations, acquises à l’utilisation des énergies renouvelables, contribue à créer un environnement favorable.
Dans l’entreprise, les ingénieurs qui appartiennent justement à ces nouvelles générations ont pleinement – et quasi naturellement – intégré l’approche des technologies durables dans un environnement durable. Auparavant, un ingénieur était avant tout formé à rendre un procédé économiquement viable. Aujourd’hui, il est formé à le rendre en plus énergétiquement viable. A ce titre, les ingénieurs ont une place centrale dans la transition énergétique, car ils rassemblent connaissances scientifiques, techniques et technologiques, et qu’ils ont de surcroit une sensibilisation bien plus forte que leurs ainés à la notion de développement durable et soutenable.
Par Ange Nzihou, Professeur à l’école des Mines d’Albi-Carmaux, Directeur du centre de recherche RAPSODEE-UMR CNRS 5302
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