Ce concours propose aux doctorants d’expliquer leur sujet de thèse en trois minutes seulement, en le rendant passionnant et compréhensible par tous. Comment se préparent-ils et comment s’y prennent-t-ils pour rallier les suffrages ? Des lauréats nous livrent leurs secrets… Par Patrick Simon
QUESTION MESSAGE
« Je n’ai pas cherché à plaire. Mon message visait avant tout à faire comprendre un sujet qu’il n’est pas facile d’appréhender. » Rachida Brahim, deuxième prix du jury national 2015
« Mon sujet est d’une actualité brûlante. » Paul-Etienne Kauffmann, finaliste du regroupement Normandie 2015
« Pour ma part, j’ai un message à faire passer car mon sujet touche tout le monde. » Leslie Lecossois, finaliste 2015 de la région Champagne-Ardenne
« Un bon scientifique qui communique mal a peu de chance d’obtenir des crédits. » Marie-Charlotte Morin, docteur en biologie, gagnante nationale 2014
CHOISIR SON SUJET
Placer les écoles doctorales sous le feu des projecteurs, former les doctorants aux bases de la communication et à ses outils, afficher le dynamisme de la recherche française à travers ses plus jeunes chercheurs constituent les raisons de la création de ce challenge en 2014. Les domaines de l’exercice porte sur des sujets aussi variés que l’espace scientifique.
Il peut s’agir de philosophie comme pour Leslie dont la thèse consiste « à analyser la bêtise humaine, la méchanceté et les nombreux travers afin de voir si l’Homme en vaut encore la peine et si oui, proposer une solution, une réponse à cette question »
de droit pour Paul-Etienne dont la thèse traite « de l’amélioration de la loi, que ce soit dans sa rédaction primaire mais aussi dans sa qualité politique, économique et juridique. »
de sociologie politique car la thèse que Rachida prépare « à l’université d’Aix-Marseille, porte sur les crimes racistes et le processus de racialisation en France entre les années 70 et fin 90, période durant laquelle les Maghrébins étaient particulièrement visés par ce type de violence ou de sciences »
alors que la thèse de Marie-Charlotte porte sur « un ver appelé « élégance» (Caenorhabditis elegans) avec lequel nous avons en commun la moitié de nos gènes. »
COMMENT LES CANDIDATS SE PRÉPARENT-ILS ?
Co-organisée par le CNRS et la CPU, les candidats sélectionnés dans différentes universités de France, s’affrontent chaque année au mois d’avril au cours de la finale nationale. Les trois gagnants pourront concourir à la finale internationale. Un tel spectacle se prépare bien à l’avance. L’organisation offre toujours une formation. Rachida explique. « J’ai reçu une formation de deux jours à l’université avec une spécialiste de la vulgarisation scientifique et un professeur de théâtre qui nous a appris à parler au public de manière calme, pondérée, avec les gestes appropriés et une bonne cadence pour placer notre voix. » Pour Paul-Etienne le miroir peut jouer son rôle. « Durant une journée, on nous a appris à relever les points essentiels de notre thème puis à faire une présentation la plus simple possible en supprimant tous les termes incompréhensibles pour des néophytes. Pour m’entraîner, j’utilisais mon miroir et mon ordinateur. » D’autres comme Leslie peuvent bénéficier d’un acquis théâtral très utile. « J’ai déjà eu l’occasion de jouer un texte sur une scène car j’ai fait quatre ans de théâtre à Reims puis à Lille, ce qui m’a énormément servi pour poser la voix, me mouvoir convenablement, parler distinctement, n’avoir trop peur. » On peut également se préparer en toute décontraction comme Marie-Charlotte. « L’Université de Strasbourg avait mis à notre disposition un comédien et un metteur en scène (devenu mon partenaire de théâtre) pour nous préparer, mais je n’ai pas suivi cette formation. Je suis arrivée en touriste car je ne connaissais pas ce concours. »
L’IMPORTANCE DU TEXTE
Importante pour Rachida : C’est également un exercice d’écriture important car le texte que j’avais appris par coeur, doit être synthétique et cohérent.
Relative pour Marie-Charlotte : J’ai écrit mon texte deux jours avant sans avoir préparé sérieusement mon intervention.
Minimaliste pour Leslie : On m’a demandé d’écrire un petit texte qui était l’ébauche de ce que je présenterai oralement devant le public.
EN TROIS MINUTES CHRONO…
… et pas une seconde de plus, des doctorants et des docteurs diplômés de l’année universitaire en cours doivent faire un exposé clair, concis et convaincant sur leur projet de recherche. Le tout en n’utilisant qu’une seule diapositive non animée. Le public soutient son candidat. Tous ces étudiants forment la communauté MT180. La présentation relève de la personnalité de chacun. Leslie s’est glissée dans la peau d’une avocate « qui se devait de faire le procès du genre humain. J’ai dû mettre alors un peu d’agressivité dans mon texte. Pas d’humour pour moi donc : il fallait que mon discours fasse l’effet d’une bombe ! » Paul Etienne a géré très rationnellement son sujet. « Ne pouvant résumer l’intégralité des idées que je porte dans ma thèse en trois minutes, j’ai choisi de prendre des exemples phares et de jouer sur une touche d’humour. J’ai terminé en citant mon philosophe préféré Daniel Balavoine qui disait que les lois ne font plus les hommes mais que quelques hommes font la loi. » Rachida s’est voulue méthodique et sérieuse. « J’ai pris le parti de présenter la méthode sociologique en quatre étapes classiques, de façon à faire vivre au public ce qu’on faisait au quotidien lors d’une enquête. Je n’ai pas vraiment utilisé l’humour, c’est assez difficile sur un texte extrêmement court et sur un sujet sensible portant sur le racisme. » Pour Marie-Charlotte, l’humour était au rendez-vous. « J’ai utilisé l’humour instinctivement. Mon sujet se prêtant à la blague, j’avais un certain nombre de plaisanteries en tête. Je me suis exprimée simplement sans aucune recherche théâtrale. J’ai toujours tendance à être informelle et j’aime donner une note humoristique à mes présentations scientifiques. Je n’envisageais pas ces 3 minutes sans humour. Je pense que si l’on apprend son texte à la virgule près, on manque de spontanéité. »
ATTENTION : TOUS ONT LE TRAC !
Marie-Charlotte : Avant de commencer ma prestation, j’avais le trac. Le coeur battait plus vite et j’avais très soif.
Rachida : Il y avait une bonne dose de trac qui s’est traduite par une excitation très forte. Je trépignais d’impatience à l’idée de passer même si je percevais paradoxalement une réticence à y aller.
Paul Etienne : Le trac, c’est le mal au ventre, le coeur qui bat plus vite, et cette tendance à accélérer le débit verbal.
Leslie : Lorsque je suis stressée, j’ai l’estomac noué et la voix qui fluctue.
DES TRUCS EN STOCK
Comme une pro du spectacle, Rachida utilise les silences pour susciter l’attention du public. « Avant une phrase-clé, il est bon de laisser un bref silence pour que le public comprenne qu’une parole importante va être prononcée. » L’humour peut également constituer une arme redoutable comme l’explique Marie- Charlotte. « Le public a apprécié les petites blagues et le fait de ne pas prendre trop au sérieux le sujet. Je pense que l’humour et la simplicité ont conquis le public ». Le vêtement peut avoir de l’importance comme pour Leslie « Je portais des vêtements dans lesquels j’étais à l’aise avec un petit rappel pour l’avocat (chemisier blanc). », mais pas obligatoirement car Paul-Etienne constate. « Je me suis fait « chambrer » car j’étais le seul en costume-cravate ce qui relève de ma déformation professionnelle de juriste. Tous les autres concurrents étaient en « civil », parfois en simple chemise. »