compétences monde du travail

Aujourd’hui, les compétences amènent à repenser le rapport à son environnement de travail

Un étudiant qui prépare son entrée dans le monde du travail doit soigner ses compétences personnelles et sociales. Qu’il s’agisse de l’entreprise ou de l’enseignement supérieur, les softs skills deviennent incontournables pour gérer des équipes ou animer une classe. Voyons comment appréhender ces compétences, définitivement orientées vers l’humain. Comment les soft skills amènent à repenser le rapport à l’autre et à son environnement de travail…

« Pourquoi nous enseigner des connaissances alors que ce qui nous intéresse, c’est le savoir-faire ? »

Quelle question pour le moins surprenante venant d’une étudiante en BTS Banque, il y a moins de six mois. Je suis Enseignant-chercheur, et mon métier, le plus beau du monde paraît-il, me semble bien différent de celui que j’exerçais il y a une décennie. Nos chers étudiants ont appris par l’expérience à mieux comprendre le monde de l’entrepris. Ils sont pour beaucoup d’entre eux en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, et s’intéressent plus à la pratique qu’à la théorie que leurs ainés. Rien ne semble leur faire peur … et pourtant.  

Remettre au centre les compétences pour aborder sereinement le monde du travail

Je ne suis pas qu’enseignant, j’ai la chance de diriger une entreprise. A l’occasion de la préparation d’un entretien pour recruter un technico-commercial, je m’étais renseigné sur le candidat et de façon tout à fait inopinée, je suis arrivé sur son blog internet. Il faisait du théâtre depuis plusieurs années et avait posté nombre de photos prises de lui et de sa troupe durant les représentations. J’ai reçu ce candidat quelques jours plus tard, et à la fin de l’entretien, j’ai tenté de comprendre pourquoi il n’avait pas indiqué cette information sur on CV ni évoqué sa passion lors de notre échange. Je considérai que savoir parler en public, placer sa voix et apprendre à gérer ses émotions étaient des qualités tout à fait appropriées pour le poste à pourvoir. Il le concéda en avouant qu’il s’était lui-même autocensuré. L’autocensure, la peur d’en faire trop, sont autant de freins à la l’authenticité.

En général, les entreprises s’intéressent davantage aux compétences clés, c’est-à-dire à celles permettant d’identifier un candidat dans un futur proche pour un poste donné. Il semble impérieux de se focaliser désormais sur des compétences sensibles.

Après des décennies où il était question de « travailleurs du savoir », héritage de Peter Drucker, on a récemment vu émerger de nouvelles personnes, et comme le stipule Daniel Pink, auteur américain traitant de l’évolution du monde du travail : « Peu à peu, les clés du royaume ont changé de main. L’avenir apparait désormais à une autre catégorie de personnes avec un état d’esprit différent – concepteurs et empathiques, spécialistes de la reconnaissance des formes et des valeurs – concepteurs empathiques, spécialistes de la reconnaissance des formes et créateurs de sens ». Ces compétences davantage centrées sur les compétences transversales disruptent petit à petit les modèles de gouvernance des entreprises.

Apporter de la valeur positive à l’organisation

La financiarisation de l’économie a participé à l’apogée des connaissances explicites, centrées sur des savoirs tacites et nous a quelque peu éloigné de ce qui crée du sens et de la valeur durable : une entreprise doit apporter de la valeur positive à la société, et pour ce faire, dessiner et porter une ambition collective. Les nouvelles formes d’organisation du travail qui rompent avec les modèles de management trop verticaux. Elles s’inscrivent en faux avec les trop nombreux silos organisationnels participent de concert à la considération croissante donnée aux soft skills.

En 2012, à l’aune de la révolution Big Data couplée à l’Intelligence artificielle, j’avais largement interpellé des Directions RH sur la nécessité de repenser leur métier en consacrant davantage d’énergie à travailler sur la partie « Humaine » de leur fonctions, quitte à s’éloigner un peu de la pure gestion des « Ressources ».

Aujourd’hui, il semblerait que les mentalités aient quelque peu évolué. Tout le monde s’accorde à dire que les candidats les plus à même d’être sélectionnés sont ceux qui sont « les mieux dotés en qualités humaines ». Pour les chasseurs de tête, un candidat, à formation égale, doit présenter des compétences émotionnelles et relationnelles, en sus d’un bon bagage technique (hard skills).

>>>> Pour aller plus loin – découvrez l’analyse de Cécile Frankart publiée en mai 2021 

L’enseignement supérieur : un lieu d’expérimentation et de développement des soft skills ?

La variété des stratégies pédagogiques est potentiellement un moyen de répondre à des phénomènes d’absentéisme et d’échec pendant les premières années d’études supérieures. En 2014, le Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Scientifique précisait que 64% des étudiants abandonnaient leurs études sans diplôme. Rappelons que « la motivation dépend de plusieurs facteurs, entre autres, les activités pédagogiques dans lesquelles les étudiants seraient amenés à s’impliquer pour favoriser leur apprentissage ainsi que le développement de leurs compétences ».

Il convient déjà de laisser aux enseignants une plus grande liberté dans les techniques pédagogiques qu’ils jugent utile d’expérimenter en fonction des étudiants qu’ils encadrent. Encourager en permanence, favoriser les chances d’un vrai dialogue entre l’étudiant et son professeur autour des erreurs commises et l’encourager à faire mieux demain, est une chance inestimable en termes de soft power pédagogique. Ceci est d’autant plus vrai avec la génération Y (personnes nées entre 1980 et 1995), qui est davantage en quête de sens que ses prédécesseurs.

Reconsidérer les liens subtils entre compétences individuelles et collectives

Maîtriser les modalités de transfert des compétences sensibles, demande une analyse globale de la situation d’une organisation et il n’est pas rare que ce travail manque de précision. Il apparaît évident qu’un responsable RH se doit de synthétiser les culturalités propres à l’entreprise, inhérentes aux situations contextuelles dans lesquelles elles se manifestent et regarder plus loin, là où le subtil se manifeste. L’enseignant, amené à gérer un collectif de travail, peut aussi effectuer ce travail de repérage et dresser une cartographie des liens subtils. Dès lors, il s’agira le plus souvent de chercher à déceler et valoriser des compétences individuelles de façon à faire émerger des compétences collectives.

L’auteur est Jean-Baptiste Igonetti, Enseignant-Chercheur chez PPA Business School, au sein du laboratoire GReMOG (Groupe de Recherche en Management des Organisations Globalisée). Docteur en Sciences de Gestion, ses thèmes de recherche concernent l’intelligence collective, la transmission des compétences et la finance comportementale. Il est aussi co-fondateur d’ENOFAP, qui œuvre pour l’export des formations supérieures françaises et européennes à l’international.