Entreprendre est devenue une option professionnelle comme les autres pour de nombreux jeunes diplômés. Comment se caractérise leur goût d’entreprendre ? Entreprennent-ils avec les mêmes ambitions que leurs aînés ? Est-ce une manière de peser dans l’économie, d’instiller leur style managérial, de créer de nouveaux business models ? Analyses et témoignages.
« Le goût d’entreprendre est presque ancré dans les gènes de nos étudiants ! » constate Sébastien Ronteau, directeur de l’incubateur Centrale-Audencia-Ensa Nantes. Cette appétence prenant des formes nouvelles chez eux. « Ils entreprennent par alliance de compétences, par mariage des profils. Chez eux, l’entrepreneuriat n’est plus un acte individuel. »
La complémentarité des porteurs au cœur des projets
De la même manière qu’au sein de l’alliance nantaise, les écoles du Groupe IGS misent sur la complémentarité des profils.
Ainsi, Yannick Roussel, ancien entrepreneur et directeur de l’ESAM, se félicite du lancement de l’incubateur et prépare déjà celui d’une pépinière. « Un lieu pour favoriser l’idéation, un lieu partagé avec les autres écoles du Groupe IGS. En matière d’entrepreneuriat, la confiance, le soutien et l’accompagnement sont cruciaux. L’engouement est là – 10 % de nos étudiants ont envie d’entreprendre – nous encourageons leurs initiatives et créons l’écosystème pour les soutenir ! »
Selon les derniers chiffres de la Conférence des Grandes Ecoles, 62 % des grandes écoles proposent une spécialité entrepreneuriat et 65 % disposent d’un incubateur. Les dispositifs de Fablab et les accélérateurs se développent également rapidement.
Les chiffres de la création d’entreprise chez les jeunes
L’Agence France Entrepreneur a dévoilé fin 2016 un portrait de la jeunesse entrepreneuriale :
En 2014, 24 % des créateurs avaient moins de 30 ans (soit 135 000)
Le nombre de créations portées par des jeunes a crû de 208 % entre 2002 et 2014
Leurs principaux moteurs sont : le désir d’être indépendant, le goût d’entreprendre et d’affronter de nouveaux défis
26 % des jeunes créateurs déclarent avoir été sensibilisés, formés ou accompagnés à la création d’entreprise durant leurs études
Effet d’entraînement
Yannick Roussel observe un réel effet d’entraînement, « ceux qui osent se lancer incitent d’autres à les suivre. » L’inspiration leur vient aussi d’ailleurs. L’ESAM a ainsi emmené un groupe de 30 élèves dans la Silicon Valley pour rencontrer des entrepreneurs. « Ils sont très friands de story telling, de témoignages. »
Partage d’expérience et d’enthousiasme
Béatrice Lamourette a engagé une seconde vie en 2012 en créant son entreprise, Axiscope, après un parcours chez Microsoft. Sollicitée par l’association Jeunesse et Entreprises pour témoigner auprès de collégiens, lycéens et étudiants, elle mène ce travail d’information et de transmission avec enthousiasme. « Le contexte actuel est favorable aux créateurs d’entreprise : écosystème de soutien, formations à l’entrepreneuriat, numérique comme vecteur privilégié d’activité, et valorisation de ce statut dans la société, tous les ingrédients sont réunis ! » La cheffe d’entreprise observe néanmoins une appréhension chez certains. « Témoigner comme je le fais est important pour montrer que c’est possible, qu’il faut oser, sans cacher les freins et difficultés car ils existent, et en leur disant qu’il faudra beaucoup travailler. » Béatrice Lamourette partage aussi sa recette pour réussir : « 1. Le choix des associés car la création est quelque chose de très prenant, de complexe, d’incertain ; il faut pouvoir s’appuyer sur d’autres. 2. La souplesse car très souvent le projet initial pivote. 3. Et avoir le soutien de ses proches dans cette vie singulière. »
Passage de relais
La jeune créatrice de Greenminded, Alice Comble (Télécom Lille), insiste également sur l’importance de témoigner et de faire savoir. Elle a mis au point une poubelle connectée pour recycler les mégots de cigarettes, la Borne to Recycle. Une solution ludique et interactive via un système de gamification, de dons aux associations et d’aide aux fumeurs pour réduire leur consommation. Incubée au sein d’Euratechnologies à Lille, sa startup est multiprimée et multisoutenue. Alice Comble a notamment remporté le Challenge Projets d’Entreprendre en 2016. Le concours réunit 200 étudiants de 5 établissements (IMT Lille Douai, Université de Lille, ensait, Polytech Lille et IAE Lille).
C’est ici que tout a débuté comme elle l’a raconté devant les étudiants candidats à l’édition 2017 du Challenge. « Lorsque j’ai présenté mon projet de recycler les mégots de manière fun, via un mobilier urbain intelligent qui pose des questions et ouvre un clapet selon que vous répondez oui ou non, je ne pensais pas que les choses iraient si vite ! Depuis un an, nous avons remporté d’autres prix qui nous ont permis d’accélérer. Les retours positifs sont encourageants et moteurs pour poursuivre l’aventure entrepreneuriale. Aujourd’hui, j’ai une équipe, des valeurs que nous partageons et même une vision ! J’ai tellement aimé participer à ce Challenge. C’est ici que la graine de l’entrepreneuriat a été semée. Une occasion comme celle-ci ne se présente pas deux fois pour une étudiante qui n’a ni contacts, ni moyens pour se lancer. »
Optique collaborative
L’effet d’entraînement se poursuit après la création, au sein des incubateurs, accélérateurs et autres lieux de coworking. « La collaboration, l’entraide, les échanges entre porteurs de projets sont de forts leviers de motivation, surtout lorsqu’ils rencontrent des difficultés ou une baisse de moral » note Yannick Roussel.
Cette optique collaborative et d’entraide est un trait caractéristique de la manière d’entreprendre des plus jeunes. Ils montent leurs startups à plusieurs et travaillent en réseau, partagent les lieux de travail au-delà de la perspective économique. L’enjeu est d’échanger les bonnes pratiques, les tuyaux, de se soutenir. « Se côtoyer dans ces lieux partagés correspond aussi à leur rapport au travail, au temps. Ils ne fonctionnent pas selon le rythme classique » souligne le directeur de l’ESAM.
« Pour nos étudiants, entreprendre c’est se mettre en mouvement pour apporter de la valeur à d’autres » Sébastien Ronteau
Les créateurs d’hier visaient la pérennité de leur entreprise dans une optique patrimoniale. Désormais, ils rêvent de fonder une entreprise dite de croissance. « Ils ont été bercés par la mythologie des grands fondateurs comme Mark Zuckerberg ou Frédéric Mazzella, explique Sébastien Ronteau. Mais ce qui fait briller leurs yeux aujourd’hui, ce sont plus les noms d’entreprises à succès comme Uber que ceux des personnes. Ils s’intéressent aux idées, aux business models disruptifs et qui transforment l’économie. » Ils tirent des enseignements pratiques de ces succès économiques centrés sur la création de valeur pour les utilisateurs. « Il ne s’agit plus de créer un besoin chez le client, mais de l’anticiper pour y répondre ! »
Succès
pour le statut d’étudiant-entrepreneur
Depuis 2014, le statut national d’étudiant-entrepreneur permet à de jeunes diplômés ou à des étudiants de monter leur projet au sein d’un Pôle étudiant pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (PEPITE), au nombre de 29 partout en France.
L’année qui suit la création de l’entreprise, l’étudiant conserve son statut et sa protection sociale, il est dispensé de stage pour pouvoir se consacrer à son entreprise.
2 072 étudiants ont pris ce statut depuis 2017
116 000 étudiants ont suivi un module de formation à l’entrepreneuriat
+ de 2 000 demandes de statut ont été déposées pour 2016-2017
Impact positif en ligne de mire
Les moteurs traditionnels du goût d’entreprendre comme l’indépendance, l’autonomie, être son propre patron ; passent au second plan derrière de nouvelles ambitions. « Les jeunes créateurs sont nombreux à intégrer un objectif de développement durable, de RSE, d’avoir un impact positif, de déployer un management horizontal, d’agir dans l’économie sociale et solidaire, d’avoir une action sur le réel, sur leur environnement proche » observe Sébastien Ronteau.
Leadership nouveau
Cette nouvelle façon d’entreprendre va jusqu’au désir de changer en profondeur les modes de gestion et de management de l’entreprise. L’invasion du digital a évidemment un impact important sur le management et le leadership nouveaux – collaboratifs, horizontaux et distribuant le pouvoir. « Ce type de management est en outre adapté aux activités que plébiscitent les jeunes startupers comme le développement d’applications, qui se fait par brique et doit être très agile » conclut le directeur de l’incubateur.
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