Cette question cache un à priori lancinant, une idée reçue ou un souci : celui de savoir si le monde Universitaire est bien « raccordé » à ce monde de l’entreprise. Tant dans l’imaginaire collectif le premier peut sembler parfois accaparé par des considérations qui sont à mille lieux des problématiques quotidiennes du second.
Une absence de connexion supposée ?
Cette connexion ou cette absence de connexion supposée ou sa faiblesse ne souffre aucune ambiguïté lorsque l’on évoque les relations que peuvent entretenir les « écoles » (de commerce, d’ingénieurs…) avec le monde professionnel. Les liens sont « évidents ». S’agissant des universités en revanche, et des facultés, les interrogations demeurent. Ne parlons pas des facultés qui depuis leur « naissance » ont développé et entretenu des liens réels avec le monde professionnel. A l’exemple de la faculté de médecine et ses rapports « naturels » avec le monde hospitalier notamment.
Un exemple avec le monde du droit et la Faculté de droit de l’Université Catholique de Lille. Elle accueille chaque année environ 1 850 étudiants sur 2 sites. Elle fait partie d’un ensemble plus vaste, l’Université Catholique de Lille, qui en compte 29 000 répartis dans une vingtaine d’écoles (dont des écoles de commerce et des écoles d’ingénieurs) et cinq facultés. Depuis sa création en 1875, l’Université Catholique de Lille entretient un lien privilégié avec le monde professionnel : elle est née de la volonté d’entrepreneurs. Aujourd’hui encore, des hommes et des femmes de « l’entreprise » président aux destinées de cette Institution à travers leur implication au sein du conseil d’administration de l’Université.
Mais ce modèle « original » en France n’explique pas « tout ». Quid donc des relations entre cette Faculté de droit et l’entreprise ?
Un exemple inédit en France
On constate que cette Faculté a établi de nombreux dispositifs : pédagogiques, ateliers, événementiels, concours nationaux et internationaux, colloques, que la Faculté de droit met en œuvre chaque année. Cela exige de créer un lien fort et durable avec le monde professionnel. Le monde de « l’entreprise » a un pied dans la Faculté !
C’est une réalité et une nécessité. Certains modes d’apprentissage « pratiques » n’ont de sens et d’efficacité que s’ils sont assurés par les praticiens eux-mêmes. Des dispositifs pédagogiques sont plus efficients lorsqu’ils sont mis en œuvre dans ou pour l’entreprise elle-même.
Prenons le cas de « l’alternance ». La Faculté de droit a fait le choix de développer ce mode d’apprentissage, sur son site Parisien dès le master 1. Les masters ne sont proposés « que » sous cette forme. Le marché est réceptif et en demande et les étudiants-candidats de plus en plus nombreux. Cela n’a rien d’original car l’alternance existe depuis plusieurs années dans d’autres disciplines. Pourtant en droit, elle est peu développée.
Des initiatives qui impliquent les étudiants et les entreprises
On trouve dans la plupart des facultés de droit en France des dispositifs, évènements, programmes de formation qui impliquent le monde professionnel. Seuls les intitulés ou le contenu varient d’une fac à une autre. Dans le cas de la Faculté de droit de l’Université Catholique de Lille ce sont leur fréquence, leur originalité, les outils associés et la créativité qui « frappent ». C’est aussi un état d’esprit : le service aux étudiants et aux acteurs de la société dont font partie les « entreprises ».
De nouveaux outils pour être à l’écoute du marché
Cette faculté est concernée, par des phénomènes qui affectent le monde professionnel : numérisation, co-design, travaux collaboratifs, écosystèmes innovants, collaborateurs ubiquitaires en recherche de sens dans leurs fonctions… elle les vit dans sa propre organisation tout en étant « à l’écoute du marché ».
Cependant, les universités doivent certes suivre les évolutions vécues, provoquées ou subies par « l’entreprise » en adaptant leurs formations. Dans le même temps, elles doivent s’en « méfier ». Les « modes » qui traversent les entreprises se font et se défont. A ce jour, elles vivent une formidable, à la fois stimulante et épuisante accélération. Leur quotidien va vite, les outils sont remplacés puis dépassés puis remplacés à nouveau, les processus sont en permanence réinventés, les modes de management testés, éprouvés puis testés à nouveau. Dans ce mouvement permanent elles ont besoin de « calme », d’un partenaire capable de porter un regard différent, bienveillant et désintéressé sur leurs problématiques. L’université permet cette prise de recul et de hauteur, une « respiration profonde » pour voir clair à nouveau.
Rester des libres penseurs pour se forger un esprit critique
C’est peut-être ça le vrai moteur de la relation universités – entreprises. Permettre à ces dernières de trouver dans ces lieux parfois séculaires des pistes de réflexion, des idées neuves, des points de vue clivant. L’université incarne à la fois la modernité et les « fondamentaux » ; ses enseignants-chercheurs doivent rester des « libres penseurs ». Tout comme ses étudiants, qui seront plus apte à évoluer, à s’adapter au monde professionnel s’ils se forgent un esprit critique d’une part et s’ils ne s’enferment pas dans des silos disciplinaires d’autre part. La connaissance « détachée » favorise la liberté et la créativité.