La compréhension du fonctionnement du cerveau est-elle applicable au marketing ? Quelles sont les limites éthiques du stimuli en vue de créer la préférence et provoquer la décision d’achat ?
Quelles découvertes permettent de faire lien entre neurologie et marketing ?
La grande révolution est l’IRM en 1977 et la découverte de zones qui « s’allument » dans le cerveau en fonction des émotions et de stimuli sensoriels. Ces connaissances ne pouvaient pas ne pas intéresser le marketing. Les recherches ont débuté il y a 10 ans aux États-Unis.
On dit que le marketing est la science de la perception, le neuromarketing en est donc le climax ?
Les marketeurs savent que la perception est décisive dans l’acte d’achat. Ainsi, si on demande ce qui motive l’achat d’un vin, la majorité des gens répondent le goût. En réalité, ce sont l’étiquette et la forme de la bouteille qui ont le plus d’influence au moment de l’achat. Le neuromarketing est complémentaire des études comportementales, il permet d’approfondir la compréhension des décisions. Son atout est de dépasser les biais des études comme la projection des répondants. Si l’on montre 15 vêtements à 20 personnes sous IRM, on voit les zones de préférence et de décision du cerveau « s’allumer » et on peut prédire sans faute lequel ils achèteront.
Quels sont les mécanismes mis en lumière par le neuromarketing ?
En sollicitant les sens de manière appropriée, le neuromarketing a un accès direct au cerveau. On sait que le cerveau évalue approximativement le poids d’un produit. Si vous présentez un produit qui ne correspond pas au poids évalué, il est refusé. Il en va de même avec les formes, les couleurs et les odeurs. Ainsi, la vanille est l’odeur qui évoque le plus la confiance et la sécurité. Des banques ont tenté l’expérience d’en pulvériser dans leurs agences. La science a montré que le visuel et l’audio l’emportent sur la lecture. Les marques utilisent ainsi la mémoire auditive pour être identifiée à la première note de leur jingle. Le cerveau fait un tri car il ne peut traiter que 5 % des informations qu’il reçoit en même temps. Le nerf optique ne reçoit que 25 % des informations, le reste arrive au cerveau par les autres sens. Pour être efficace, le marketing du XXIe siècle devra devenir le marketing du désir, répondre aux émotions et pulsions du conso-acteur.
Quels sont les enjeux éthiques sous-jacents ?
Le risque est bien sûr la manipulation pour provoquer l’achat. Ce travers existe déjà durant les soldes ou les ventes chronométrées sur le net. Car en situation de stress, le cerveau primaire prend le dessus. Il ne traite qu’un cinquième des informations reçues. L’impératif de rapidité du monde contemporain privilégie ce type de réaction. A cela s’ajoute le fait que nous recevons 100 000 informations de plus par jour qu’au XIXe siècle ! Dans cette hypersollicitation, le marketing cherche à marquer les esprits. C’est pour cela qu’il existe des clauses de rétractation 7 jours après l’achat. Car, le cerveau intelligent reprend toujours le dessus avec le recul. Cela dit l’objectif d’une marque est de fidéliser, pas de rebuter avec une vente forcée. En outre, le neuromarketing permet aussi d’améliorer la relation client. Le danger serait de ne pas faire connaître ces techniques et que des sociétés l’utilisent en confidentialité. Le Sénat discute déjà des dispositifs pour l’encadrer.
A. D-F