Spécial Président(e)s
La financiarisation de l’économie a modifié la répartition des richesses. Alors qu’une infime minorité se partage une immense majorité des bénéfices des entreprises, les salariés voient leurs revenus stagner voire diminuer. Selon Challenges, « la fortune totale des 500 plus gros patrimoines professionnels français a augmenté en un an de 25 %, passant de 194 à 241 milliards d’euros ». Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne en ces temps de disette. Dans quelle mesure ces revenus hors norme posent-ils problème dans l’opinion publique ? Pour Eric Grémont, économiste co-fondateur de l’observatoire politico-économique des structures du capitalisme, l’OpesC (Centre de recherche sur le capitalisme contemporain), « il faut distinguer le revenu salarial lié à la fonction de dirigeant, et patrimonial lié à la propriété de parts dans l’entreprise. Ce qui fait scandale, sont les salaires comprenant l’intéressement, le salaire variable, les avantages divers, les retraites chapeau, les golden parachutes. Des revenus qui sont parfois sans rapport avec la performance de l’entreprise, mais surtout choquent pour les dirigeants salariés et non propriétaires de l’entreprise, soit la majorité des grands patrons. Le revenu patrimonial ne fait à l’inverse pas débat. Lorsqu’un patron propriétaire touche des centaines de millions d’euros, cela semble légitime dans la mesure où il a personnellement mis de l’argent dans la structure et perçoit des dividendes. On peut bien sûr contester la politique de dividendes… Mais dans ce cas de figure, il ne s’agit pas de captation d’argent par le salaire. On en revient à la stratégique composition des CA et de leurs comités de rémunération. Force est de constater qu’ils ne contrôlent pas et que les salaires ont explosé. » Les niveaux des salaires des dirigeants sont aussi liés à leur statut. A partir du moment où un statut est très valorisé dans un pays, comment un nouveau patron peut-il être crédible sur sa valeur s’il ne la monnaye pas à la hauteur de celle de ses pairs ? « L’opinion publique admet de moins en moins que le différentiel de salaires se soit tellement creusé entre salariés « ordinaires » et salariés patrons, insiste François- Xavier Dudouet co-fondateur de l’OpesC. La société salariale construite après-guerre sur le principe de « tout travail mérite salaire » est en crise. Le patron entrepreneurial est rare, et les autres n’ont pas sa légitimité : ils ne prennent pas de risques, n’investissent pas leur argent, n’engagent pas leur responsabilité. Les écarts de salaires choquent aussi pour d’autres salariés hors norme comme les traders. Si nous gravitons tous dans le même espace économique et interdépendant, qu’est-ce qui justifie que certains captent tant de richesses ? S’il n’y avait une loi à proposer, ce ne serait pas de plafonner les salaires car elle serait toujours contournée, mais d’instaurer ce qui vaut pour les gérants de PME : la responsabilité sur le patrimoine personnel et la responsabilité pénale s’ils participent à une crise majeure. Cela changerait le profil des grands patrons en entrepreneurs. »
A. D-F