En France, l’entrepreneuriat social a été longtemps assimilé aux seules entreprises ayant le statut d’associations, de coopératives, de mutuelles ou de fondations. La nouvelle loi sur l’économie sociale et solidaire adoptée le 20 mai 2014 par l’Assemblée Nationale part d’une définition basée non plus sur le statut juridique, mais sur la finalité et la gouvernance. Une SA ou une SARL rentre ainsi dans ce champ, dans la mesure où elle contribue à travers ses activités à une économie plus solidaire.
Ce nouveau cadre légal français n’est en fait que la traduction institutionnelle de trois évolutions profondes redessinant les frontières et la nature de l’entrepreneuriat social.
1. La transformation des politiques RSE des grandes entreprises vers des stratégies de création de valeur partagée.
Pour maintenir leurs parts de marché dans les marchés matures et surtout développer leurs chiffres d’affaires dans les pays émergeants, les multinationales ont besoin de regagner la confiance des sociétés civiles. L’enjeu pour elles n’est plus de faire le bien par des actions « citoyennes » mais d’apporter des bénéfices implique une reconception des offres et des marchés intégrant les besoins sociaux, une redéfinition de la productivité de leur chaine de valeur et le développement de pôle territoriaux de coopération économique. Nestlé et Veolia sont des exemples de cette redéfinition, combinant acteurs publics et entrepreneurs sociaux locaux.
2. L’Etat et les collectivités territoriales n’ont plus le monopole de l’intérêt général.
Pour remplir leurs missions, les établissements d’enseignement et de santé sont amenés à développer de nouvelles ressources financières. Ils panachent de plus en plus leurs ressources entre des subventions raréfiées, les apports de donateurs privés et les produits commerciaux. De nouveaux cadres de coopération entre acteurs publics et privés se sont ainsi mis en place : sociétés coopératives d’intérêt collectif, partenariats publics-privés, etc.
3. La mobilisation de l’épargne de proximité accompagne la progression de l’impact investing.
Le financement de l’entrepreneuriat social ou l’accompagnement de PME dans leurs activités passe soit par des financements participatifs directs (crowdfunding), soit par des fonds territoriaux solidaires mobilisant notamment l’épargne salariale. Que ce soit dans le domaine du marketing, avec le développement du fund raising ; de la gestion des ressources humaines, avec la gestion des compétences bénévoles ; du contrôle de gestion avec la mise en place d’un reporting intégré ou de la finance, avec l’extension des fonds d’entrepreneuriat social collectant de l’épargne longue… toutes les fonctions du management sont concernées par les nouveaux horizons de l’entrepreneuriat social. L’enjeu est de développer de nouveaux talents capables de développer une activité à finalité sociale qui soit économiquement pérenne. Pour soutenir et anticiper la nouvelle donne de l’entrepreneuriat social en termes d’évolution des compétences, l’ESDES s’est engagée dans la création et le développement d’un Centre de Recherche sur l’Entrepreneuriat Social (CRESO) ainsi que de l’Association des Entrepreneurs Humanistes (AEH) portés par l’UCLy (Université Catholique de Lyon). Le premier regroupe une vingtaine d’enseignants-chercheurs en droit, gestion, économie, philosophie et psychologie. Cette communauté académique est en dialogue permanent avec la soixantaine de praticiens membres des AEH qui se mobilisent sur les partenariats entreprises-associations, l’accompagnement des entrepreneurs sociaux et la finance solidaire.
Par Patrick Gilormini
Enseignant Chercheur Chaire Entreprise, Homme et Société ESDES – Université Catholique de Lyon The Business School of UCLy
pgilormini@univ-catholyon.fr