La première émission d’obligation souveraine verte, dont les fonds collectés sont exclusivement destinés à des projets qui luttent contre le réchauffement climatique, par Agence France Trésor a eu lieu le 24 janvier 2017 pour un montant de 7 milliards d’euros. Depuis, son encours a dépassé les 20 milliards d’euros. Ce succès n’est pas réservé à la France. En effet, en à peine 5 ans, depuis la COP21 à Paris, le nombre d’émissions d’obligations vertes a dépassé les 5000 dans une trentaine de devises à travers le monde pour un total de 500 milliards de dollars.
Cela témoigne de l’engouement des investisseurs pour les projets permettant un impact écologique positif, et, d’une manière générale, pour le développement d’un écosystème responsable et durable. De quelle manière, ces innovations financières aident à favoriser la transition énergétique ?
Investir en se basant sur le critère de l’impact écologique
Les entreprises opérant dans les secteurs de l’énergie ou du transport font partie des émetteurs les plus importants. Elles se financent à des conditions favorables car les investisseurs acceptent de payer, en général, une prime, qu’on désigne par greenium*. Le développement de plusieurs fonds de gestion collective engagés dans la mobilisation des capitaux pour soutenir les entreprises en phase avec les enjeux environnementaux, sociaux et gouvernance (ESG) reflète également la mobilisation du secteur financier dans son ensemble pour une finance responsable. C’est ce qu’on appelle de l’impact investing*. L’objectif est de générer à la fois des rentabilités financières et des externalités positives. Dès lors, les décisions d’investissement, de financement et de gouvernance d’une entreprise ne se basent plus exclusivement sur le critère de la rentabilité, mais, désormais, également sur le critère de l’impact écologique.
Ces financements rencontrent toutefois un double défi : trouver des projets pertinents qui ont un impact écologique positif net, et s’assurer que les fonds collectés sont bien alloués à des projets écologiques dédiés. Or, toutes les étapes nécessaires pour qualifier des projets et/ou vérifier l’utilisation des fonds atténuent l’efficacité de ces nouveaux instruments financiers.
Innover grâce à de nouvelles solutions financières
L’urgence de la lutte contre le réchauffement climatique exige le développement de nouvelles solutions financières afin d’attirer plus rapidement les capitaux vers les entreprises. Parmi ces innovations, il y a les emprunts liés à la performance en terme de durabilité réalisée par les entreprises. La société italienne ENEL a émis le 6 septembre 2019 la première obligation de type SDG, Sustainable Development Goals (Objectifs de Développement Durable – ODD)[1] pour un montant de 1,5 milliard de dollars. Cette obligation paie un taux de coupon[2] supplémentaire de 0,25 % si le pourcentage de capacité installée d’énergie renouvelable ne dépasse pas les 55 %. Ce produit présente l’avantage de ne pas être contraint à spécifier les types de projets qui seront financés, tout en économisant les coûts de vérification quant à l’utilisation des fonds. Le succès auprès des investisseurs (la demande a été trois fois plus importante) a incité Enel à renouveler l’opération le 10 octobre pour un montant de 2,5 milliards d’euros. Des produits financiers autres que les obligations sont également développés. Par exemple, la société SBM Offshore a récemment utilisé un contrat swap, Sustainability Improvement Derivative (SID), dont le spread de crédit augmente ou baisse selon la performance réalisée en matière de ESG.
La finance innovante est ainsi au service de la lutte contre le problème majeur auquel nos sociétés font face.
Sami ATTAOUI est Professeur Associé de Finance à NEOMA BS. Il est titulaire d’un doctorat et d’un master en Finance de l’université de Paris Panthéon-Sorbonne. Sa recherche s’intéresse à la Structure de capital, L’allocation d’actifs, et La modélisation des taux d’intérêt. Il a publié dans des journaux tels que Journal of Corporate Finance, Financial Management, Revue Finance, et International Journal of Theoretical and Applied Finance.
[1] Il y a 17 objectifs établis par les Nations Unis
[2] Le taux d’intérêt payé aux investisseurs détenteurs de ce titre.