Crise de l’euro
Prenez plusieurs zones économiques hétérogènes (cultures, démographies, niveaux de productivité etc), ajoutez une politique monétaire commune sur fonds d’absence de discipline budgétaire et vous obtiendrez l’euro. Ce n’est un secret pour personne : la zone euro n’est pas une zone monétaire optimale. En effet, le rythme d’une économie variant d’un pays à l’autre (l’Allemagne n’étant pas l’Espagne et le Portugal n’étant pas l’Irlande), les déséquilibres subsistant depuis la création de la monnaie unique se sont aggravés pendant la crise. Les taux, corrigés depuis par les marchés obligataires, se sont avérés être trop élevés pour l’Allemagne et trop bas pour l’Espagne (favorisant une bulle immobilière). Aussi avant de parvenir à un certain assainissement budgétaire, la politique monétaire va continuer à être peu « orthodoxe » (politique de taux bas et monétisation des déficits budgétaires d’Etats de la zone euro).
Après une période de forte baisse (les cassandres prédisaient un éclatement de la zone euro et une disparition de la monnaie commune), l’euro s’est repris. L’appartenance à la zone euro empêchant de dévaluer, la restauration de la compétitivité passe par un abaissement des prix et des salaires (Grèce, Espagne, Irlande) car, à la différence des Etats-Unis, il n’y a pas de mobilité de la main-d’œuvre au sein de la zone et les salaires jouent le rôle de variable d’ajustement que devrait jouer le taux de change. Rien de bien réjouissant en perspective…
L’inflation n’est pas chinoise, elle est américaine
Il existe trois types d’inflation. Une inflation par la demande (excès de monnaie en circulation), une inflation par les coûts, et une inflation de « rattrapage » plus communément appelée « Balassa-Samuelson » (illustrée par la hausse des salaires en Chine, saine car largement couverte par les gains de productivité, sans effets majeurs sur la compétitivité).
La banque centrale américaine injecte en ce moment de la monnaie dans l’économie via un programme de «Quantitative Easing», plus communément appelé «QE», en achetant des obligations « Treasuries » émises pour financer le déficit public. D’ici juin 2011, La Fed aura accumulé près de 1 600 milliards de dollars de bons du trésor, soit l’équivalent du déficit budgétaire annuel américain ! L’objectif de la Fed est d’éviter que la politique budgétaire des Etats-Unis ne conduise à une hausse des taux d’intérêts, ce qui serait mau- vais pour la croissance.
Les Etats-Unis privilégient ainsi la dévaluation du dollar et donc mécaniquement la réévaluation du yuan (la Chine étant l’un de leur principal partenaire commercial) afin de réduire leur déficit, au lieu d’augmenter les impôts et de réduire les dépenses publiques. Mais si les Etats-Unis réduisaient effectivement leur déficit, où iraient s’investir les dollars détenus par la Chine ? (Pékin dispose de réserves de changes de 2 847 milliards de dollars à fin 2010) si ce n’est dans les actions et donc les entreprises américaines ? Difficile à concevoir d’un point de vue politique…
Endettement
Pourquoi la dette publique américaine se re- trouve-t-elle au centre de l’économie mondiale ? Pour une raison simple : à l’époque de l’étalon-or, le retour à l’équilibre des comptes extérieurs d’un pays s’effectuait par une sortie d’or et un ajustement des prix vers le bas. Les Etats-Unis ont souhaité s’affranchir de cette contrainte déflationniste en supprimant la convertibilité du dollar en or en 1971, et en inondant le monde de leurs dollars. Le Japon a bénéficié de l’afflux de dollars dans les années 1980, largement diffusés par le système bancaire, déclenchant une bulle spéculative dans l’immobilier. L’abandon de discipline monétaire de la banque centrale américaine à travers l’injection de liquidité fait apparaître des flux de capitaux très importants vers les pays émergents, venant s’investir dans l’immobilier et les matières premières (or, argent, cuivre, coton, sucre, blé…). La Chine aujourd’hui, comme le Japon hier, bénéficie du même afflux de dollars.
On assiste ainsi à un phénomène d’inflation par les coûts à travers la hausse des prix importés, sur lesquels la politique économique ne peut avoir d’impact direct. Cependant la banque centrale chinoise lutte contre cette inflation par la politique monétaire (et la hausse des taux) alors qu’elle devrait ajuster son taux de change. Mais dans ce cas, c’est le système industriel chinois qui en pâtirait, impliquant à terme la disparition d’emplois, et menaçant la stabilité du régime.
Quelles conséquences pour l’épargne ?
1) Long pétrole, short or
Au moment du deuxième choc pétrolier, Raymond Barre avait énoncé une règle selon la- quelle l’abandon de la discipline monétaire allait conduire à une inflation du prix du baril de pétrole, corrélé à celui de l’or (graphique 1). Le prix de l’or traduit en baril est stable (un baril vaut un dixième d’once) et, d’après cette règle empirique, le cours de l’once se fixe à dix fois celui du baril de pétrole. On constate que cette règle se vérifie sur les dix dernières années (graphique 2). Le retour à la moyenne impliquerait, sur les niveaux actuels, de réaliser un arbitrage long pétrole / short or.
2) Privilégier les actions aux placements à taux fixes
La majorité des Français choisissent de placer leurs économies en assurance-vie. En effet, sur 2010, la collecte est en hausse de 6 % comparée à 2009. Les Français font ainsi le pari que le système de retraite par répartition n’est pas tenable et cherchent un complément de revenus futurs en plaçant une partie de leurs économies en assurance vie (1 330 milliards d’euros à fin décembre 2010). Les supports en euros sont privilégiés par les épargnants (supérieurs à 80 % de la collecte). Afin de se prémunir contre l’incapacité d’un système à leur verser une retraite, les Français achètent donc des obligations d’un Etat très endetté (1 600 milliards d’euros), organisateur de ce système…
1) Les taux longs sont à des niveaux exceptionnellement bas, le marché anticipant une période de faible croissance et d’inflation. Aussi inévitablement, à moyen long terme, la hausse des taux longs se traduirait par une perte en capital pour les détenteurs d’obliga- tions. Une hausse des taux longs (10 ans) de 2 % (soit, 4.5 % au total), représenterait une perte de plus de 15 % pour le détenteur d’obligation. Il existe des placements plus attractifs que l’assurance-vie avec des fonds et assureurs détenant de la dette grecque et portugaise.
2) Les marchés actions restent attractifs : les rendements n’ont jamais été aussi hauts, avec des dividendes bien supérieurs aux coupons (reflétant une aversion au risque importante des investisseurs). On privilégiera un portefeuille constitué d’entreprises disposant de fortes barrières à l’entrée, ayant du pricing power (éviter les valeurs type services publics), dégageant des cash-flows récurrents, avec un endettement faible et une valorisation raisonnable. On atténuera cependant le propos en précisant que seule une inflation modérée est bénéfique aux marchés actions. Dans le cas du retour à une inflation à deux chiffres, il est évident que le pouvoir d’achat sera dif- ficile à préserver pour tout le monde, même pour l’investisseur !
Sébastien Levavasseur
Membre du Club des Jeunes Financiers
Contact : sebastien.levavasseur@jeunesfinanciers.com