La petit reine semble revenir en grâce jusqu’à s’ériger comme l’une des priorités du gouvernement français. Alors que la situation économique est tendue, le vélo est-il compatible avec les enjeux professionnels ? Quels avantages les différentes parties (employés, employeur, gouvernement) peuvent-ils retirer du vélotaf et quels enjeux futurs sont à prévoir ?
“Commuting by bicycle is an absolutely essential part of my day. It’s mind-clearing, invigorating. I get to go out and pedal through the countryside in the early morning hours, and see life come back and rejuvenate every day as the sun is coming out.” James L. Jones, former US Supreme Allied Commander Europe, Barack Obama’s former national security advisor
Vélotaf : un coup de pédale pour la petite reine
En mai 2023, le gouvernement français présente son plan « vélo et marche » qui ambitionne de proposer aux Français une solution de mobilité écologique et durable à travers un investissement de 2 milliards d’euros. Certes, le vélo connait un engouement fort notamment depuis la crise sanitaire et les confinements imposés : les itinéraires à vélo connaissent une fréquentation en forte hausse (+52 % depuis 2017) et les ventes de vélo augmentent progressivement depuis 2019 (+5.65 %). Mais pour autant, les Français utilisent-ils leur vélo pour aller travailler ? Le vélotaf (l’utilisation du vélo pour les déplacements professionnels) est à la traîne en France : seul 2.3 % (INSEE 2017) des Français pratiquent le vélotaf contre 7 % en moyenne dans les autres pays européens.
Vélo : combot gagnant espérance de vie, productivité et congestion automobile
Pourtant, les bienfaits liés à la pratique du vélo sont nombreux et bien documentés scientifiquement. Outre les effets observables sur le poids et la forme, opter pour le vélotaf, c’est réduire de 40 % sa probabilité de développer une maladie cardiovasculaire ou un cancer et prolonger son espérance de vie de 3 à 14 mois. Ces bénéfices compensent largement les effets néfastes de la pollution (de 0.8 à 40 jours perdus) et des accidents de la route (de 5 à 9 jours perdus) sur l’espérance de vie. Le vélotaf peut également soulager le système de santé de 79.8 millions d’euros par an. Ces bénéfices s’étendent également à l’entreprise : la pratique du vélotaf réduit la probabilité d’absentéisme des employés quelle que soit la distance entre le lieu de travail et le domicile. Plus intéressant, les employés rejoignant leur lieu de travail activement sont plus heureux et plus productifs que les autres.
Alors que le trafic routier congestionne les villes du monde entier, de récentes études ont montré que le recours au vélo comme mode de transport génère une baisse importante du trafic automobile (-2.9%, soit une économie de 309 millions d’heures passées dans les embouteillages) et une baisse des émissions annuelles totales de dioxyde de carbone des véhicules urbains d’environ 3,55 millions de tonnes.
Enjeux pour un essor du vélotaf
Néanmoins, de nombreux obstacles s’opposent encore au règne de la petite reine. Ce n’est pas le seul moyen de transport écologique et il entre en concurrence avec les trottinettes, gyropodes et autres inventions à venir. Les aménagements et parcours cyclables (en continu) sont à développer pour inciter les gens à prioriser le vélo sur la voiture. Un défi de taille sera d’harmoniser les flux entre les modes de transports et, au sein de chaque mode, entre les niveaux de pratique.
Il faudra aussi se pencher sur l’aménagement d’infrastructures cyclables en milieu rural où surviennent la plupart des accidents impliquant des cyclistes et surtout travailler sur les perceptions des Français. Les perceptions subjectives sont des facteurs importants dans la prise de décision et offrent aux gens la possibilité de justifier certains comportements (comme prendre la voiture plutôt que le vélo). Parmi ces perceptions figure celle de la sécurité qui est un facteur clé de l’incitation à vélotaffer. Bien que les accidents mortels en vélo soient peu nombreux (moins de 1 % des accidents impliquant un cycliste dans la capitale) et que les bénéfices du vélotaf soient largement supérieurs aux risques de collision, les gens surévaluent cette probabilité. Il importe donc de corriger ces perceptions erronées pour que le vélotaf prenne son essor.
L’auteur est Jérémy Celse, Professeur Associé, ESSCA School of Management
>>> A lire ou à relire « Le meilleur leader est-il celui qui est programmé pour diriger ? » par Guillaume Detchenique, ESSCA School of Management