A l’issue de la réunion, votre interlocuteur vous présente sa nouvelle « business card » et précise, d’un air entendu, qu’il est désormais « Key Account Manager »… Scénario isolé ? Non… Issu des Etats-Unis dès les années 60, le Key Account Management se développe aujourd’hui rapidement dans le monde, notamment en Europe. Il ne s’agit pas ici d’un effet de mode, mais bel et bien d’une évolution structurelle des pratiques relationnelles en BtoB sur fond de mondialisation. Le Key Account Management est souvent présenté comme nouvell e manière de vendre ou comme nouvelle approche marketing… Qu’en est-il réellement ? Pour répondre à cette question, précisons les trois grands axes d’application de cette discipline, qui relèvent de responsabilités différentes au sein de l’entreprise.
1. Mettre en place et conduire un programme compte clé
Si « l’orientation client » d’une entreprise l’engage tout entière, c’est vrai également pour l’orientation compte clé qui, comme tout projet stratégique, doit être « ancrée au top », c’est-à-dire ouvertement soutenue par la Direction Générale, et conduite par un « Champion » interne, le Directeur Comptes Clés. Mettre en place un Programme Compte Clé n’est pas rien… Plusieurs années sont généralement nécessaires pour atteindre la maturité. Un bon programme Comptes Clés est « congruent » en ce qu’il aligne de manière pertinente et intégrée quatre types de processus 1) les processus stratégiques (choix des objectifs, optimisation des ressources, articulation des programmes d’actions), 2) les processus organisationnels (organisation dite autonome, organisation matricielle ou tout autre composition), 3) les processus supports (fonctions supports, systèmes de type ERP, SI, etc.), et enfin les processus RH (Définition des missions, formation, recrutement).
2. Structurer la planification compte clé
Chaque compte clé est sous la responsabilité d’un « KAM » (Key Account Manager ou Responsable Compte Clé) qui a pour mission de développer la relation en conjuguant au mieux les stratégies des deux entreprises concernées. Cette mission exige un travail « d’alignement interne », avec une équipe KAM et des services supports, qui se révèle souvent aussi prenante et difficile que « l’alignement externe », relation plus ou moins directe avec les contacts identifiés chez le client. Dans les cas les plus aboutis comme la relation entre un grand fournisseur d’ingrédients alimentaires et une marque telle que NESTLE ou DANONE, le KAM travaille souvent à plein temps sur le même compte clé. Pour chaque compte clé dont il a la charge, il doit parvenir à une compréhension fine de l’environnement stratégique de la relation (« où sommes-nous ? ») pour formuler une stratégie compte clé (« où allons-nous ? ») déclinée en plans d’actions (« comment y allons-nous ? »). Il parcourt ainsi les trois étapes constituant le « processus de planification compte clé », au coeur de sa mission. Il est toutefois de la mission du Directeur Compte clé de valider a priori les outils et processus concernés.
3. Faire vivre la relation dans la durée
Comme nous l’avons rappelé plusieurs fois dans le « Blog de la Relation BtoB », l’orientation compte clé est bien l’un des meilleurs antidotes contre le dépérissement commercial, notamment en temps de crise. S’il en est ainsi, c’est que la durabilité de la relation client-fournisseur est au coeur des objectifs poursuivis. Il y faut beaucoup de savoir-faire et de savoir-être de la part du KAM, que ce soit dans la relation directe avec le compte clé ou dans l’animation au sein de sa propre organisation. Parmi les pratiques les plus pertinentes à ce titre, notons : 1) la compréhension fine des attentes clients et de leurs évolutions au cours du temps ; 2) la capacité à faire de la complexité de l’environnement une opportunité de différentiation plutôt qu’un obstacle, 3) la capacité à devenir « incontournable » par une approche innovante, que ce soit sur les produits ou sur les processus relationnels eux-mêmes, 4) l’orchestration des événements de la relation dans un cycle porteur de création de valeur qui se réinvente année après année.
Par Hubert Faucher,
Professeur Permanent, ESSEC Business School Spécialiste du Management de la Relation BtoB
faucher@essec.edu
http://www.relation-btob.com