« L’Université de demain ne peut être que plus performante car elle doit répondre à une demande explicite de la société. »
Quelles sont les priorités que vous donnez à votre mandat de Président ?
Avec l’équipe présidentielle je veux donner ou « redonner » aux humanités la place qu’elles méritent. Nous souhaitons réparer une forme d’abandon des lettres, langues et sciences humaines et sociales (L-L-SHS) en matière de budget, de création de postes et de reconnaissance. En retour, il convient de réexaminer leur utilité dans la société et nos capacités de réponse aux demandes explicites ou implicites qui nous sont adressées. Nous devons valoriser notre savoir-faire. Au-delà de l’acquisition de connaissances dans le domaine des lettres et des SHS, il s’agit de conserver et développer un esprit critique qui doit s’adapter à tous les domaines du savoir. Mais il ne suffit pas de rendre audible ce que les L-L-SHS représentent. Nous devons montrer en quoi la société évolue selon un processus global qui innove, tout en apportant des éléments d’explication, d’assimilation et de logique situés aux interfaces de l’invention, de la production et de la consommation.
En matière formation, quels sont selon vous les principaux atouts de l’interdisciplinarité ?
Notre établissement propose 18 parcours de Licences bi-disciplinaires, par exemple la licence droit–histoire de l’art. Ce type de croisement des disciplines offre aux compétences et une ouverture complémentaires leur permettant d’être mieux armés face aux exigences actuelles de la société. L’approche interdisciplinaire multiplie les questionnements et les méthodes d’investigation. Elle apporte une incontestable plus-value et une originalité dans les réponses produites, participant ainsi à un véritable renouveau des SHS. Tous ces enseignements s’appuient sur la recherche de nos laboratoires (UMR et unités propres) de très haut niveau et labellisés au plan national et international.
Quelle place souhaitez-vous donner aux filières dites d’excellence ?
L’Université Lumière Lyon 2 est la plus grande université de province en Langues, Lettres, Sciences Humaines et Sociales. Elle accueille 28 000 étudiants répartis dans 12 composantes. Le terme « d’excellence », qui contient la notion de « compétition », n’a plus grand sens, me semble- t-il. Notre excellence à nous, SHS, c’est d’abord assurer notre premier objectif : conduire nos étudiants vers la réussite par un apprentissage riche et ouvert qui éveille et contribue à la réalisation de soi, et par l’obtention d’un diplôme permettant une bonne insertion professionnelle. Mais notre université doit aussi s’adapter à la demande et créer de la valeur ajoutée pour ses formations, à travers des parcours innovants. Il peut s’agir de diplômes bi-disciplinaires, de formations dispensées en langues étrangères (parcours MINERVE, unique en France) ou de classes préparatoires « intégrées » permettant aux étudiants de poursuivre un cursus universitaire intense et diversifié ouvrant à autre chose qu’un simple formatage pour la préparation des concours administratifs ou d’entrée aux grandes écoles. Quel que soit le diplôme préparé, nos étudiants doivent pouvoir bénéficier de tous les atouts possibles d’une université : la diversité, la pluridisciplinarité, la multiplication des points de vue, la maîtrise des problématiques et la capacité à développer un esprit critique. Cela implique des moyens humains et financiers adaptés.
Quelle place accordez-vous aux enseignements en e-learning et comment souhaitez-vous développer une offre ?
Ce type d’enseignements ne représente qu’un outil pédagogique et non une fin en soi. Il doit être utilisé audelà de l’anonymat et la solitude qui le caractérisent. La transmission des savoirs s’effectue entre êtres humains et toute pédagogie nécessite des échanges et des émotions, bref ce que nous appelons du « présentiel ». Le e-learning est un formidable outil permettant de démultiplier la force et l’impact des enseignants en leur adjoignant une pédagogie « vivante ». Notre établissement a été précurseur dans ce domaine. Nous allons prochainement construire un centre dédié : une bibliothèque équipée d’espaces de travail et de consultation, offrant à la fois le calme nécessaire à la concentration intellectuelle et des lieux conçus pour le débat, l’échange et la socialisation. Ainsi, pour nous, ces moyens technologiques doivent aussi être un outil social et un dispositif d’accompagnement pour nos étudiants (30 % sont boursiers et 40 % salariés) dont la présence systématique en cours n’est pas toujours possible.
Comment souhaiter vous orienter la politique de recherche à l’Université Lumière Lyon 2 ?
La grande force et aussi la spécificité de notre université reposent sur le fait que la formation et la professionnalisation sont directement issues et connectées sur la recherche. C’est d’ailleurs ce qui a toujours distingué l’université des autres d’établissements d’enseignement supérieur. Nous devons avant tout veiller à l’adéquation et à la bonne articulation de nos orientations en matière recherche, de formation et de professionnalisation. A travers les activités de nos 34 laboratoires de recherche, nous voulons développer une véritable synergie innovante fondée sur une synthèse entre les humanités classiques et les réponses attendues aux questionnements actuels. Cela implique d’une part, un travail de rencontre entre les disciplines et d’autre part, au plan local et national, le développement de relations ouvertes, critiques et fructueuses entre les LL-SHS et les sciences dites « dures ».
Quelle stratégie souhaitez-vous adopter en matière de développement international ?
Nous comptons 17 % d’étudiants internationaux dans nos murs, et 650 étudiants Lyon 2 partent chaque année en séjour long à l’étranger. Nous entretenons des accords de coopérations (en matière de formation et de recherche) avec 300 établissements du monde entier. Nous réfléchissons à les organiser, à les élargir pour en faire profiter tous les étudiants et développer la présence d’étudiants français dans d’autres pays. Notre stratégie de développement à l’étranger doit être pensée à l’échelle du site. Avec les trois autres universités de la région Rhône-Alpes, nous souhaitons créer des synergies afin de mutualiser notre potentiel à l’international. Il est fondamental d’entretenir des échanges à dimension internationale, car en matière de SHS nous avons besoin de connaître d’autres modes de pensée. En terme de formation, un séjour à l’étranger, au-delà de l’ouverture culturelle Dans un autre ordre d’idée, la future Maison Internationale des Langues et Cultures (MILC), qui sortira prochainement de terre, est un bel exemple de collaboration entre les Universités Lyon 2 et Lyon 3 autour d’un projet interdisciplinaire centré sur l’interculturalité.
L’Université Lumière Lyon 2 fête cette année ses 40 ans. Quelle forme va prendre cet anniversaire et quelle fonction a-t-il ?
Il s’agit de fêter les 40 ans de vie d’une université post-68 devenue très performante, tout en conservant son identité. Nous prenons acte des nécessités de notre époque, des logiques de convergence et d’association (et non de concurrence) avec d’autres établissements du site de Lyon. Fondé sur le volontariat et l’intelligence, respectueux des identités et des spécificités de chacun, les rapprochements sont alors riches de promesses. Nous essayons de penser notre avenir en rassemblant nos moyens afin de défendre ce que nous savons faire, tout en sachant que l’on n’échappe pas à son histoire. Nous présentons ces 40 ans comme une année de réflexions, d’échanges, de débats. Nous avons élaboré un programme scientifique et culturel destiné à l’ensemble des étudiants, des personnels, de nos partenaires et largement ouvert sur la cité. Je vous invite à consulter le programme en ligne sur notre site institutionnel.
Comment voyez-vous l’université de demain ?
Responsable des deniers publics, ouvert aux collaborations possibles avec le monde socio-économique et culturel, je note avec satisfaction que nos projets se retrouvent dans la plupart des thématiques abordées à tous les niveaux au moment des Assises de l’ESR de l’automne dernier, préparatoires à une réforme de l’enseignement supérieur. L’université de demain ne peut être que plus performante car elle doit répondre aux demandes de la société. Mais je la vois aussi beaucoup plus ouverte, sur la cité, sur les cités. Elle devra apporter de l’expertise, de l’analyse et de la controverse que ce soit en formation initiale, en formation continue, dans le cadre de l’Université Tous Âges. Je la vois beaucoup plus démocratique aussi, à l’écoute de tous les besoins et surtout offrant à chacune et chacun les mêmes chances de réussite. Le droit à la réussite passe par des dispositifs qu’il nous faut développer avec l’aide des collectivités territoriales, celle de l’Etat et celle de tous les partenaires prêts à se mobiliser pour la réalisation des si belles et passionnantes missions qui nous sont assignées par la nation.
QUELS SONT LES RAPPORTS QUE VOUS ENTRETENEZ AVEC LE MILIEU SOCIO-ÉCONOMIQUE ET COMMENT FAVORISEZ-VOUS L’INSERTION PROFESSIONNELLE ?
En matière de recherche, nous développons des relations avec le milieu socio-économique à travers les quatre chaires que compte l’Université et les nombreux programmes de recherche développés en partenariat avec des institutions locales et des entreprises. Nous entretenons également des liens forts avec l’industrie, les services et l’activité touristique à travers nos diplômes. Nous proposons des dizaines de formations en prise directe avec le monde économique, social et culturel (licences professionnelles et masters). Les formateurs qui interviennent en Master professionnel sont pour une grande part issus du monde de l’entreprise et ouvrent nos étudiants à ses réalités. Nous ne sommes pas hors le monde et nous saurons saisir les opportunités que ces partenariats offrent à notre établissement, dans la volonté de développer une large palette de diplômes adaptés et reconnus. Dans notre IUT, nous pratiquons l’alternance que nous souhaitons l’étendre à d’autres formations. 6 000 étudiants partent chaque année en stage (400 à l’étranger) et le Bureau d’Aide à l’Insertion Professionnelle met en place de nombreux dispositifs, telle la Semaine pour l’emploi qui favorise la rencontre entre le milieu socio-économique et les futurs diplômés. Sans oublier notre réseau d’anciens qui constitue un lien fort avec le milieu socioéconomique. Nous venons de déposer un dossier de financement auprès de la Région Rhône-Alpes pour élargir cette audience et accompagner le maintien et le développement de ce dispositif. Globalement, nous obtenons des résultats encourageants : le taux d’insertion est de 86 %pour les diplômés de Licence professionnelle et de Master Professionnel.
Patrick Simon