attractivité secteur logistique
Photo par Tobi&Chris

L’attractivité du secteur de la logistique : un enjeu économique et sociétal

La dynamique actuelle du marché du travail crée une pénurie de candidats. L’attractivité du secteur de la logistique peine sur le recrutement. La démographie française et ses spécificités ne sont pas hors de cause : il manquerait à notre pays près de 10 % d’actifs pour satisfaire les besoins des entreprises. Cette réalité macro s’exprime, au niveau micro, par la raréfaction des réponses aux offres d’emploi. Pour y faire face, l’attractivité des entreprises, des secteurs et des territoires devient un enjeu crucial. Des leviers d’action sont à trouver le plus en amont possible, dès l’orientation et la professionnalisation des étudiants.

La question est, ici, bien différente dans les grandes écoles ou à l’université. Les grandes écoles, aux formations généralistes ont leur raison d’être : fournir des cadres évolutifs aux entreprises. Cela les conduit à spécialiser tardivement leurs étudiants. Reste qu’il faut bien finir par s’insérer et, pour cela, choisir un emploi et un employeur. Et plus le choix a été retardé, plus il a été évité et moins il est rationnel. La logistique est un exemple typique de ces secteurs que des processus de décision biaisés maintiennent à tort, hors du spectre des souhaitables.

Secteur de la logistique : l’orientation professionnelle est rarement un vrai choix

Qu’on le regrette ou qu’on s’en satisfasse, rares sont les étudiants qui ont vraiment choisi une école. La tâche serait d’ailleurs bien fastidieuse : comment comparer des institutions si nombreuses ? Les classements sont évidemment le moyen de choisir sans faire de réel choix. Nos étudiants n’ont pas choisi une école : ils sont allés vers la mieux classée parmi celles qui ont retenues. Ce mécanisme, où une hiérarchie de prestige remplace la décision personnelle, est le parasite omnivore de l’orientation. Les connaissances des établissements, des métiers et des études sont des représentations sociales. Elles se caractérisent par des statuts hiérarchisés et embarquent un imaginaire genré. Et, comme les classements, elles facilitent la décision en définissant l’espace des choix possibles. Si on n’y prend pas garde, l’orientation devient un appariement de statuts : le prestige du diplôme et de l’histoire scolaire ainsi que le genre de l’individu définissent un espace des souhaitables. Les exigences des recruteurs définissent un espace des possibles. Entre les deux, la règle de l’appariement est celle de la causalité du probable.

Hélas, ce mécanisme va vite se heurter à une première réalité : les idiosyncrasies sont sourdes aux hiérarchies de statuts. Il est sans doute fort prestigieux d’être consultant dans un cabinet international ou d’être actuaire dans une banque réputée. Mais tous les candidats qui peuvent y prétendre n’en ont pas les intérêts, les aptitudes ou les compétences. Les activités quotidiennes requièrent des agilités et des forces qu’on avait peu pris le temps de confronter à ses ressources réelles. La surprise peut être bonne. Mais beaucoup de nos diplômés découvrent à leurs dépens que l’arbre du statut cache la forêt du métier réel. Seconde réalité : les représentations sociales des métiers ont une histoire, portée par un imaginaire collectif et cristallisée par quelques héros de la culture populaire. Ces figures négligent les réalités contemporaines des emplois et leurs évolutions au gré, notamment, de la digitalisation.

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Le secteur logistique, le cas d’un secteur victime de sa discrétion

Le secteur de la logistique est exemplaire de ce processus : son image et son statut dans l’espace des possibles tels que nos étudiants se les représentent est particulièrement éloigné de ses réalités. Dans l’imaginaire commun, il est associé à des emplois faiblement qualifiés, masculins et peu rémunérateurs. Qui connait les activités de ses cadres de la supply-chain ? La culture populaire montre la précarité du livreur à vélo (récemment « Drôle » sur Netflix) ou la fatigue du docker, rarement les responsabilités du logisticien. Enfin, la concurrence entre les termes supply-chain et logistique ajoute à la confusion. Si, même au niveau académique, les termes et leurs définitions se confondent, il n’est pas étonnant que les étudiants aient des difficultés à bien appréhender les différentes formations proposées et les compétences qu’ils vont y acquérir. En conséquence, les difficultés de recrutement sont nombreuses quel que soit le niveau de compétence. La faible représentation des femmes au sein de ce secteur, avec seulement 20 % des effectifs est aussi un des grands enjeux du recrutement au sein de la logistique et de la supply-chain.

Pourtant, au-delà du dynamisme du secteur lié au développement du e-commerce, les métiers de la logistique et/ou de la supply-chain développent un fort potentiel et ne demandent qu’à se faire connaitre. D’une part, depuis plusieurs années ce secteur connait un véritable renouveau avec l’intégration de nouveaux outils. De nombreuse entreprises intègrent des drones pour gérer les flux de palettes au sein des entrepôts, ce qui implique la gestion de grande quantité de données. D’autres outils tel que la blockchain, l’intelligence artificielle sont utilisés dans ces métiers. Ainsi le secteur de la logistique connait actuellement un véritable essor basé sur la transformation des compétences requises. Ainsi la transformation digitale amorcée par le secteur il y a quelques années, l’augmentation des flux de marchandises via le e-commerce, et la multiplicité des évolutions de carrière possible font certainement de ce secteur un des plus dynamiques en matière de recrutement, et cela quel que soit le niveau de compétence. Le secteur de la logistique est donc un espace social idéal pour expérimenter de nouvelles pratiques pour développer l’attractivité. L’enjeu est évidement de permettre aux entreprises de trouver les compétences dont elles ont besoin. Mais il est aussi de permettre aux étudiants d’acquérir les moyens de faire des choix éclairés. L’enjeu est ici autant économique que sociétal.

attractivité secteur logistique
Jean Pralong

Jean Pralong, Enseignant-Chercheur, Professeur de Gestion Digitale des Ressources Humaines et des Carrières

attractivité secteur logistique
Olivier Faury

Olivier FAURY, PhD
Professeur Associé en Supply Chain Management, Logistique  
Département Supply Chain Management et Sciences de la Décision

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