« Ce n’est plus une question de débat », déclare Julien Roitman, président des Ingénieurs et Scientifiques de France (IESF). « Aujourd’hui, l’égalité des chances est devenue une priorité acceptée, je pense, de tous les gouvernements dans le monde occidental ». Une déclaration un peu trop enthousiaste certes, mais qui a le mérite de souligner une idée simple et vraie : progressivement l’égalité des chances est devenue une valeur reconnue quasi unanimement.
« Briser l’auto-censure »
L’égalité des chances entre catégories sociales est-elle une préoccupation de la communauté scientifique en France ? Oui, répond Julien Roitman, mais pas à n’importe quel prix. « Il est clair que nous voulons toucher largement, et aller chercher dans toutes les couches de la population, dans les quartiers favorisés et défavorisés. Mais la différence avec d’autres filières de formation comme Sciences Po, c’est qu’il y a une volonté très arrêtée de ne pas transiger sur le niveau. » La question de savoir si Sciences Po transige effectivement sur le niveau reste à prouver, mais quoiqu’il en soit, l’enseignement supérieur a vu fleurir ces dernières années toute une série de mesures qui vont dans le sens de plus d’égalité des chances. Au sein de la communauté scientifique, pour Julien Roitman, le principal challenge « c’est de briser l’auto censure.» Pourquoi ? Parce que d’une part, selon les enquêtes, « la réussite dans les matières scientifiques est peu influencée par l‘environnement familial», comme l’explique Nadine Vrignaud, secrétaire du bureau d’IESF. Et d’autre part, parce que beaucoup d’écoles d’ingénieurs sont publiques et qu’« aujourd’hui un jeune peut sans frais excessifs suivre un parcours en école d’ingénieurs », selon les termes de Julien Roitman.
Conclusion ? « Dire à un étudiant « tu peux le faire » est suffisant pour le faire réussir », déclare Nadine. Un raisonnement probablement un peu rapide mais qui met en avant une idée phare : lutter contre l’inégalité des chances, c’est avant tout montrer à chacun qu’il peut aller aussi loin que les autres. L’égalité des chances entre hommes et femmes, elle, reste en revanche un combat d’actualité dans le monde scientifique. « 20 %, c’est – à peu de choses près – la proportion de femmes ingénieures dans la société aujourd’hui », rappelle Julien Roitman, avant d’ajouter que « la tendance est quand même à l’amélioration de ce ratio. » D’où vient le problème ? De l’image que renvoie le métier d’ingénieur. Celle « d’une usine lourde, complexe, polluante », qui ne donne pas envie aux jeunes filles. Sans compter la quasi absence de femmes scientifiques qui puissent endosser le rôle de modèles. « C’est un vrai challenge qui s’impose à nous de repérer ces personnes de référence auxquelles les jeunes filles pourraient s’identifier, et de les mettre en lumière. » D’où les actions que l’IESF organise avec les jeunes filles pour promouvoir le métier d’ingénieur. Et parce que le corps enseignant lui-même transmet parfois des clichés à ses élèves, l’IESF sensibilise également les professeurs et les conseillers d’orientation. Les résultats sont-ils de mise ? Apparemment, oui ! A Lille, par exemple, où une action de promotion des métiers scientifiques a été entreprise envers ces demoiselles, « on a constaté que le pourcentage de filles dans les CPGE scientifiques est supérieur à la moyenne nationale (25 %) », se réjouit Julien Roitman.
« Une perception positive de la diversité »
Les choses changent, donc, et ce d’autant plus que progressivement s’installe « une perception positive de la diversité », pour reprendre les termes du président de l’IESF. Pourquoi favoriser la diversité ? « Pour des questions éthiques certes, mais aussi parce qu’avec la diversité, les choses fonctionnent mieux », insiste Julien Roitman. Les études sont claires : diversité est synonyme d’efficacité. « Les entreprises se rendent bien compte que leur performance augmente en présence de femmes, de personnes d’origine étrangère. » Nadine Vrignaud complète : « Il y a énormément d’actions qui sont mises en place pour la diversité. Désormais il faut surtout dresser un état des lieux des bonnes pratiques et étudier la manière de les mettre en place. »
FRATELI parraine des étudiants talentueux de conditions modestes.
Rencontre avec Boris Walbaum (ESSEC 1994, ENA 1999) président de l’association FRATELI.
Quel est l’objectif de FRATELI ?
Le parrainage destiné à apporter un soutien moral, méthodologique, à l’orientation et à l’insertion professionnelle à des jeunes étudiants talentueux de condition modeste.
Quelle est l’histoire de FRATELI ?
FRATELI est née en 2003 d’une bande de copains issus de formation diverses (HEC, ESSEC, Polytechnique…) qui se sont mobilisés sur ce sujet et qui, au départ, étaient totalement bénévoles. En 2007, nous avons décidé de nous professionnaliser : nous nous sommes rendu compte que FRATELI fonctionnait très bien mais que deux parrainages sur trois n’aboutissaient pas. Nous avons donc progressivement engagé une équipe chargée du suivi des parrainages. Au départ, nous avions quelques dizaines de parrainages par an, aujourd’hui il s’en crée entre 200 et 250 chaque année. La première salariée a été recrutée en 2007. Aujourd’hui, nous sommes dix.
Quelle est l’originalité de FRATELI en comparaison avec d’autres programmes d’égalité des chances ?
Premièrement, nous avons une cible extrêmement claire : des boursiers d’Etat à l’échelon 3 minimum (à quelques exceptions près), ayant obtenu une mention Bien ou Très Bien au Bac.
Deuxièmement, nous avons une approche très professionnelle du parrainage avec un suivi régulier, une formation des filleuls et des parrains.
Troisièmement, nous possédons une culture très entrepreneuriale. Contrairement aux autres organisations de ce type, nous ne sommes adossés ni à une grande école, ni à un groupe d’entreprises. Ça a été dur au début mais cela a alimenté une soif de développement qui est toujours plus grande.
Enfin, nous avons développé de nombreux services en parallèle du parrainage, comme le tutorat ou encore les événements culturels.
Claire Bouleau
Twitter @ClaireBouleau