Mais que peuvent bien faire les professeurs de l’INSEAD quand leurs cours sont finis ? Pour le savoir, dépassez les deux gardes qui somnolent à l’entrée de la Sorbonne et sonnez en face, au 6 rue Victor Cousin. Vous êtes accueilli par Liselott Pettersson, une grande et blonde suédoise qui dirige le centre depuis ses débuts. Puis Dimitri Vasiljevic, le chargé d’études docteur en psychologie de l’Université de Paris, vous accompagne dans une petite pièce insonorisée dotée d’un écran d’ordinateur et d’une camera pointée sur vous. En montant à l’étage, vous apercevez furtivement des individus de tous âges jouant à ce qui ressemble à un jeu vidéo, tout en picorant des M&Ms. Pendant ce temps, deux doctorantes en neurosciences, Beth Pavlicek l’américaine et Julia Behrend l’allemande scrutent à travers un miroir sans teint chacun de leurs faits et gestes.
Mais quel peut bien être le lien entre cet endroit surprenant et l’INSEAD, une grande école de commerce surtout connue pour son MBA et pour ses campus de Fontainebleau, Singapour, et Abou Dhabi? Ce centre est en fait est une pièce maîtresse dans la stratégie de l’INSEAD de promouvoir la recherche en management et en marketing et de défendre sa place de meilleure business school internationale décernée en 2010 par BusinessWeek. En pratique, le centre permet aux professeurs de confronter leurs hypothèses théoriques à la réalité du comportement humain. Des exemples ?
Comment notre oeil nous fait grossir
Malgré tous vos efforts pour manger équilibré, la balance s’obstine à indiquer un kilo de trop. Pour Pierre Chandon, un professeur de marketing bien de chez nous mais captivé par les habitudes alimentaires américaines observées lorsqu’il était étudiant à Chicago, vous êtes peut-être victime d’une illusion d’optique. Ses recherches montrent que les consommateurs même les plus doués en mathématiques sous-estiment fortement la taille des maxi-portions servies dans les fast-foods et consomment donc davantage qu’ils ne le pensent. Pour l’oeil en effet, une augmentation de 100 % n’est perçue que comme une augmentation de 50 %. Pourquoi ? Parce que l’oeil répond à l’augmentation de la surface des objets, qui augmente bien moins vite que leur volume. Et comme on mange avec les yeux, on comprend très vite l’application que ces recherches peuvent avoir pour la lutte contre l’obésité.
Pour devenir plus créatif ? Il faut partir !
Les études réalisées au centre par Will Maddux, un psychologue social qui enseigne le management à l’INSEAD, montrent que les expériences internationales augmentent fortement la créativité. Mais attention, un simple voyage touristique ne suffit pas. Seule une véritable expatriation ou échange étudiant, avec les galères que cela comprend et l’adaptabilité que cela requiert, vous permettront d’améliorer votre créativité. On comprend mieux pourquoi Will Maddux lui-même a quitté son Nevadanatal pour venir enseigner sur le campus de Fontainebleau !
Le laboratoire de recherches expérimentales de l’INSEAD
Depuis 2002, plus de 57,000 personnes de tous âges ont participé à des études qui ont permis de mieux comprendre les ressorts du comportement des consommateurs et les relations humaines dans les entreprises. Bientôt, le centre sera doté d’appareils encore plus pointus permettant de mesurer le parcours oculaire lorsqu’on regarde une publicité. Il disposera aussi d’un électroencéphalographe, un appareil permettant de mesurer l’activité du cerveau. Si vous souhaitez participer à l’avancement des sciences comportementales, si vous aimeriez savoir ce que cela fait d’être coiffé d’un casque à électrodes, ou tout simplement si vous voulez gagner un peu d’argent en répondant à quelques questions, vous pouvez participer à une étude en vous inscrivant sur le site www.insead.edu/etudes. Vous découvrirez ainsi l’univers méconnu de la recherche INSEAD. Gageons que vous regarderez votre professeur d’un autre oeil !
Par Pierre Chandon, Professor of Marketing. INSEAD,
The Business School for the World® Director. INSEAD Social Science Research Centre.