Pierre et Marie Curie, Paul Langevin, Pierre Gilles de Gennes. Alors que vous franchissez les portes de l’ESPCI, entourés de ces portraits de chercheurs emblématiques des plus grands progrès scientifiques des 150 dernières années, vous entrez là où la science se crée. Vincent Croquette, directeur de l’ESPCI Paris-PSL et lui-même diplômé de cette école d’ingénieurs unique en son genre, vous explique comment.
En quoi réside la différence ESPCI ?
Sur son triptyque assez unique chimie, physique et biologie. De fait, l’école ne forme donc pas des ingénieurs hyper spécialistes, mais des ingénieurs généralistes, débrouillards, capables d’échanger, dans un langage commun, avec toutes les spécialités. Mais aussi des ingénieurs engagés pour résoudre les grands problèmes de société. Une notion d’engagement historique pour l’école : rappelons-nous de Marie Curie et de ses appareils de radio auprès des soldats blessés en 14/18 !
L’école laisse aussi une grande place à la pratique ?
Tout à fait. Ici, nos élèves apprennent autant de théories que d’expériences réalisées dans les laboratoires de recherche de pointe. Notre centre de recherche est même un peu plus gros que l’école ! Dans notre tronc commun de première et deuxième année, tout le monde fait des travaux pratiques actifs (50 % du temps en TP) : nos élèves ne suivent pas un protocole tout fait, assis sur leurs chaises, ils mènent la barque. Ce modèle pédagogique est d’ailleurs un fondement de ParisTech, partagé par toutes les grandes universités internationales.
Pas moins de six prix Nobel ont été décernés suite à des travaux menés par ou avec des chercheurs de l’ESPCI. Parlez-nous de votre politique de recherche.
La recherche a toujours été très active à l’école… même si certains ont pu, à l’époque, conseiller Pierre Curie de ne pas faire de recherche au profit de l’encadrement des élèves ! Nos laboratoires sont très bien équipés et on y mène des travaux de recherche fondamentale librement choisis par nos chercheurs en physique, en chimie et en biologie. Nous avons par exemple des activités fortes sur les ultrasons, le recyclage des matières plastiques (polymères) ou la fabrication de cellules en 3D. Avec la rénovation de ses bâtiments, l’ESPCI disposera très bientôt d’un nouveau centre de recherche de premier plan propice aux croisements des disciplines, en plein centre de Paris.
Parlez-nous de ce grand projet de rénovation justement.
Le projet a démarré en 2012. Après de nombreux rebondissements et évolutions, la phase 1 est en cours. Le nouveau bâtiment central devrait être terminé à l’été 2023 et nos laboratoires devraient y déménager cet automne. Les anciens bâtiments seront rendus à la Ville de Paris et nous souhaiterions qu’ils soient transformés en une pépinière de startups, complémentaire à notre incubateur, déjà connu et prisé pour sa dimension deep-tech. Car aujourd’hui, lorsque nos startups incubées arrivent au stade de la levée de fond et de l’accélération de leur développement, nous n’avons plus assez de place pour les accueillir et, de fait, nous les perdons au moment où elles commencent à foisonner. Nous voulons en faire un vrai pôle d’innovation au carrefour de l’industrie, de la formation et de l’innovation.
Membre fondateur de ParisTech, pourquoi l’ESPCI a-t-elle choisi de privilégier la marque PSL dans son nom ?
ParisTech est un chœur d’écoles d’ingénieurs qui partagent un modèle commun de formation adossée à une recherche très forte. Un modèle rare qui explique d’ailleurs la renommée magistrale de ParisTech à l’international. C’est aussi une communauté de valeurs, construite autour de la figure de l’ingénieur généraliste à la française, figure que nous voulons promouvoir dans le monde. Ce qui nous permet d’ailleurs de mieux marquer l’existence des écoles d’ingénieurs au sein de PSL – regroupées dans sa School of engineering – très complémentaires de ses autres établissements, avec lesquels nous partageons deux axes forts que sont l’adossement de la formation à la recherche et la sélectivité. Une sélectivité que nous ne considérons pas antinomique de la diversification de nos recrutements, que nous souhaitons notamment accentuer, via le CPES (Cycle Pluridisciplinaire d’Études Supérieures) mis en place par PSL.
L’apprentissage à l’ESPCI, c’est pour bientôt ?
Le modèle spécifique de l’ESPCI a longtemps freiné son évolution vers l’apprentissage. Mais nous réfléchissons à investir ce modèle de formation, via des contrats de professionnalisation notamment. Cette piste n’a pas encore été exploitée, mais les industriels sont déjà prêts à nous accompagner en ce sens.