LES CÉLÈBRES ÉDITIONS DES PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE ACCOMPAGNENT LES ÉTUDIANTS DEPUIS PLUS DE QUATRE-VINGTS ANS ; ELLES REPRÉSENTENT AINSI UN MAILLON IMPORTANT DE LA DIFFUSION DU SAVOIR, PRINCIPALEMENT EN LETTRES ET EN SCIENCES HUMAINES, MAIS PAS SEULEMENT… MONIQUE LABRUNE, QUI EN EST L’ACTUELLE DIRECTRICE ÉDITORIALE, REVIENT SUR LA VOCATION ET L’ÉVOLUTION DE CETTE MAISON TRÈS ACTIVE, DONT LES COUVERTURES BIEN CONNUES DE NOS LECTEURS.
Pourriez-vous nous rappeler quelques éléments historiques : en quelle année votre maison d’édition fut-elle fondée ? Quelles ont été les personnalités à l’origine du projet, et avec quelle ambition ?
Les Presses Universitaires de France sont nées en 1921 de la volonté d’enseignants et de chercheurs soucieux de diffuser les connaissances. A partir de 1934, les Puf ont fusionné avec les éditions Rieder (littérature), Alcan (philosophie) et Leroux (Histoire). La philosophie qui a présidé à la création de la maison est celle d’une coopérative d’auteurs et de directeurs de collection dont la finalité n’était pas lucrative. Ce statut de coopérative a perduré jusqu’à l’ouverture du capital à des acteurs privés à la fin des années 1990. Aujourd’hui, les Puf, dont l’actionnaire majoritaire est le groupe Scor, demeurent une maison d’édition indépendante qui, à la différence des autres Presses universitaires, ne reçoit aucun financement de l’Etat.
Quelle est aujourd’hui votre ligne éditoriale ? On imagine qu’au cours de toutes ces années d’expérience, celle-ci s’est définie en fonction de la mutation du public estudiantin, d’une part, et de l’évolution des savoirs d’autre part…
La ligne éditoriale des Puf s’est construite au cours de l’histoire : les « Que sais-je ? », les manuels pour les étudiants et les élèves de classes préparatoires, les livres de référence (les dictionnaires notamment), les essais, les revues demeurent une dominante de notre programme. De la philosophie à l’Histoire, de la sociologie à la science politique, nous sommes présents dans toutes les disciplines des « humanités ». Bien entendu, l’évolution des savoirs et des pratiques nous conduit régulièrement à des inflexions. Ainsi, la ligne géopolitique se renforce, les couvertures évoluent, des essais tournés davantage vers le grand public voient le jour. Dans le même temps, nous proposons désormais une partie de notre fonds sous forme de livres numériques.
Pourquoi les « humanités » – littérature, philosophie et sciences humaines -, occupentelles une part majoritaire dans vos publications ? Cela reflète-t-il une prépondérance de l’activité intellectuelle dans ces domaines, ou bien trahit-il des habitudes différentes chez les étudiants des autres filières, scientifiques notamment ?
Les sciences dures ne sont pas totalement absentes de notre catalogue, mais elles ne constituent plus un axe de développement depuis de nombreuses années. L’édition scientifique et technique et l’édition de sciences humaines ne fonctionnent pas tout à fait de la même manière. Elles demandent des savoir-faire différents et s’adressent à des publics qui n’ont pas les mêmes pratiques. La prépondérance des « humanités » est un choix de cohérence et de valorisation de notre savoir-faire.
Les grandes maisons ont toutes créé leur collection de sciences humaines et sociales. Comment vous positionnez-vous par rapport à celles-ci ? Entretenezvous un lien de complémentarité plutôt que de concurrence directe ?
Les deux. De complémentarité parce qu’une partie de nos livres s’adresse à des chercheurs ou de spécialistes. De concurrence parce que nos essais grand public sont en tous points comparables à ceux des grandes maisons dites généralistes. Je vous rappelle que Lévi- Strauss, Deleuze et Foucault ont aussi publié aux Puf…
Les PUF, ce sont des collections très connues, comme les « Quesais- je ? » qui vous ont permis d’élargir votre audience au-delà du monde universitaire. Pouvezvous nous présenter brièvement l’esprit de chacune d’entre elles ?
« Que sais-je ? » et « Quadrige » sont les deux premières collections des Puf. La première, tout en gardant sa vocation encyclopédique sur les sujets de notre temps, ne négligent pas les points de vue d’auteur, bien au contraire. Si le principe est de toujours associer à un sujet le meilleur spécialiste, nous tentons, chaque fois que cela est possible, de recruter des auteurs à forte notoriété dans le grand public. Ainsi par exemple Marie-France Hirigoyen sur le harcèlement moral au travail ou Serge Tisseron sur les secrets de famille. Aujourd’hui l’ensemble des « Que sais-je ? » est également disponible en format numérique, ce qui contribue à élargir notre audience. « Quadrige », quant à elle, est une collection qui accueille les grands textes des sciences humaines dans toutes les disciplines : des classiques, comme Bergson ou Freud, à des auteurs contemporains comme Gérald Bronner, Philipe Nemo ou Serge Paugam. Par ailleurs, tous nos dictionnaires sont désormais publiés dans cette collection. Certains d’entre eux, comme le Dictionnaire philosophique d’André Comte-Sponville, connaissent beaucoup de succès auprès du grand public. Plus récemment, nous avons créé la collection « Une histoire personnelle de… », dont le premier volet, « Une histoire personnelle de la France », en sept volumes, sous la direction de Claude Gauvard, est un réel succès qui montre que les plus grands historiens français sont capables de s’attacher des lecteurs au-delà de l’université. Il n’est rare, enfin, que nous réalisions des volumes hors collections à destination d’un grand public, sans rien céder sur l’exigence scientifique : ainsi, en 2014, Un kilo de culture générale de Florence Braunstein et Jean-François Pépin, relayé par toute la presse écrite et audio-visuelle, connaît une diffusion considérable.
La plupart des étudiants ignorent qu’il y a à peine plus de dix ans, la librairie des PUF se dressait au coin de la place de la Sorbonne et boulevard Saint-Michel, lieu qui avait alors valeur d’institution. Sa fermeture n’a-t-elle pas été un coup dur pour la diffusion de votre production ? Vous appuyez-vous aujourd’hui plus particulièrement sur les ressources de l’Internet pour en faire la promotion ?
Nous avons, bien sûr, adapté nos méthodes de diffusion à l’évolution du paysage des librairies qui a connu des bouleversements. La promotion de nos livres via Internet et les réseaux sociaux fait aujourd’hui partie de notre quotidien. La géographie universitaire a, elle aussi, évolué : nombre de nouveaux sites universitaires ont vu le jour, loin de la Sorbonne. Nous y sommes attentifs. Enfin, nous développons notre diffusion numérique dans les bibliothèques universitaires qui sont de plus en plus fréquentées par les étudiants.
Propos recueillis par
Hugues Simard