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DOUBLE DIPLÔME : UN CHOIX GAGNANT ?

De plus en plus de grandes écoles proposent à leurs étudiants les plus méritants d’ajouter à leur diplôme français une formation internationale via un partenariat. Valeur ajoutée ou simple alinéa sur le CV ? Enquête.

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Dans la quête à la différenciation, les grandes écoles et les universités rivalisent d’ingéniosité pour attirer les étudiants. Depuis quelques années, les doubles diplômes en France et à l’étranger figurent en bonne place dans les programmes des établissements. Mais ces parcours s’adressent avant tout aux étudiants les mieux notés. Les critères pour y avoir droit ? Un très bon niveau de langue, d’excellents résultats et une motivation à toute épreuve. « C’est un gros investissement et une voie plus compliquée que le parcours classique, assure Nathalie Hector, responsable du programme grande école Kedge Business School à Marseille. Cela s’inscrit dans le dispositif d’excellence du Programme Grande Ecole. Seuls les meilleurs étudiants peuvent s’orienter vers un double diplôme après analyse de leur dossier. Nous avons une trentaine de partenariats (université Santiago du Chili, Université Sun Yat-sen University à Canton en Chine, University of Nottingham en Grande- Bretagne…) et, chaque année, une quinzaine d’étudiants choisissent cette voie. Ils savent que cela va être un atout dans leur carrière et qu’ils vont vivre une expérience formidable. » Et la responsable de rappeler que Kedge figure parmi les très rares business school à avoir obtenu la triple accréditation internationale AMBA, EQUIS et AACSB. « Loin du cliché américain, les entreprises recherchent désormais des étudiants qui auront vécu une expérience différenciante et seront riches de cette compétence interculturelle. » C’est ce qui a convaincu Oumeima Guessous, étudiante à Kedge, de faire un double diplôme. « J’ai choisi de faire un Master en Business international à l’Université de Vaasa en Finlande. Mon objectif : qui me fascinait le plus et valoriser cette expérience sur mon CV. » Une opportunité qu’a également saisie Raphaël Cattan. Il a intégré le campus euro-américain de Sciences Po Paris à Reims qui compte deux promotions d’étudiants du monde entier. « Après deux ans passé à Reims, j’ai postulé pour un double diplôme avec l’Université de Columbia à New York. Cette première année passée là-bas a été très enrichissante professionnellement car cela m’a permis de rencontrer des personnes qui évoluent dans le monde du conseil en stratégie, secteur qui m’intéresse particulièrement. L’université dispose également d’un centre de carrière très développé. » Raphaël compte faire sa deuxième année à Columbia après son année de césure qu’il effectue actuellement dans un cabinet de conseil à Paris. Il sera alors titulaire d’un double diplôme. « C’est une valeur ajoutée dans le monde du travail et une formidable opportunité. J’ai eu l’occasion de le mesurer lors de mes entretiens d’embauche pour des stages notamment. » Une conviction partagée par Marie Doumeng, étudiante à Kedge. « J’ai été sélectionnée en fonction de mes notes. Je ne voulais pas partir trop loin de Paris, j’ai donc choisi de suivre les cours de la Faculté d’économie de l’Universidade do Porto, au Portugal. Les cours (management des ventes, logistique, finance de marchés…) étaient tous en anglais et le niveau excellent. J’y suis restée si mois. Pour valider le diplôme, je dois encore rendre à mon tuteur mon mémoire de fin d’études. » Pour l’étudiante, tous les élèves qui profitent de ce genre d’expérience en reviennent grandit et enrichit culturellement. « Faire un double diplôme prouve sa capacité d’adaptation dans un pays dont on ne parle pas la langue. C’est une façon de se dépasser qui plait aux recruteurs. »

 

Diplômes à double tranchant ?
Si la plupart des étudiants louent les diplômes binationaux, certains responsables académiques mettent en doute sa réelle valeur ajoutée auprès des recruteurs. C’est le cas de Julien Bohdanowicz, Directeur des études Cycle ingénieurs civils Mines ParisTech. « Une entreprise qui recrute un étudiant diplômé des Mines de Paris se dit qu’il va pouvoir facilement changer de poste et s’intéresser à différents sujets. Nous le traduisons par la non spécialisation de nos étudiants. Or, dans tous les diplômes à l’international, il n’y a pas de formation généraliste, mais des spécialités, ce qui est contraire aux profils que nous formons. Du coup, les envoyer à l’étranger n’est pas notre priorité ni ce que les recruteurs attendent de nos étudiants. Certes, nous leur offrons la possibilité de choisir un double diplôme parmi les 40 accords de partenariats signés (l’université nationale de Singapour, l’école polytechnique de l’université de Sao Paulo au Brésil, l’école polytechnique de Milan en Italie….), mais seulement après avoir obtenu le diplôme des Mines. » Et le Directeur des études de rappeler que seul un étudiant par an choisit de faire un deuxième diplôme. « Dans certaines écoles où les diplômés sont plusieurs centaines, il faut avoir fait quelque chose en plus pour se distinguer. Les dirigeants d’entreprise valorisent ainsi les doubles diplômes à l’international. À l’inverse, nos étudiants ne sont que 150 par an. Nous sommes une sorte d’atelier à fabriquer des diplômés. Ainsi, quand les entreprises recrutent nos étudiants, ils savent de quoi ils sont capables et le deuxième diplôme n’entre pas en ligne de compte. Ce n’est clairement pas ça qui fait sauter un échelon dans la grille de salaire ! »
Pour Sylvain, étudiant d’une école de commerce parisienne, le double diplôme n’est pas un passage obligé. « Les étudiants français se retrouvent souvent avec d’autres occidentaux dans les universités étrangères. Du coup, l’expérience d’immersion culturelle se retrouve dans la ville autour, mais pas dans les cours. J’ai privilégié pour ma part, plusieurs stages à l’étranger dans des entreprises locales, qui ont beaucoup plus de valeur pour les dirigeants d’entreprises en quête de talents. » En la matière, c’est à chacun d’évaluer l’opportunité de faire ou non un double diplôme car il n’y a pas de chemin tout tracé sur la route des entreprises.

 

L’APPEL DES CADRES À L’INTERNATIONAL
Les doubles diplômes ne sont pas réservés à la formation initiale. De plus en plus de salariés choisissent, en cours de carrière, de faire un second diplôme à l’international pour étoffer leurs CV et gagner en compétences. « Nous proposons des MBA internationaux à des cadres expérimentés, indique Caroline Floch, MBA Programmes Manager à Kedge Business School. Nous sélectionnons environ 12 participants par an dotés d’un diplôme d’école de commerce ou d’ingénieurs qui se retrouvent bloqués car il leur manque des compétences. Le plus souvent ils recherchent une dimension managériale et business pour les ingénieurs. Le MBA a une vraie valeur qui leur permet de reprendre confiance en eux. Ils en choisissent deux au minimum pour découvrir une culture différente et construire leurs réseaux à l’étranger. » Pour la responsable, ce sont eux les véritables chouchous des recruteurs qui voient d’un bon oeil ces cadres motivés qui ont choisi de suivre un MBA tout en travaillant. « Incontestablement, cela démultiplie leur potentiel ! »

 

F.B.