On prend les mêmes et on recommence ! L’annonce du confinement fin octobre avait comme un air de déjà-vu. Les enseignants ont en effet réinvesti leurs outils de cours à distance. Mais pour beaucoup, le deuxième confinement est l’occasion de faire mieux ! Ils nous racontent.
IN-TE-RA-CTI-VI-TE. C’est le maitre mot de ce deuxième confinement. Fini les cours magistraux derrière son ordinateur, caméras éteintes. Après un premier confinement qui a permis de se roder aux outils de cours à distance tels que Zoom ou Teams, les enseignants redoublent de créativité pour proposer des cours bien plus interactifs à leurs étudiants.
Varier les contenus
« Je commence la séance avec une question qui n’est pas forcément liée au cours, « Comment vous sentez-vous ? » par exemple. Je veux qu’ils voient qu’il n’y a pas que la matière qui est importante mais également la relation élève-professeur, explique Christine Naschberger. La professeure de RH à Audencia avait déjà expérimenté les cours à distance bien avant la crise sanitaire, puisqu’elle donne des cours en ligne depuis 15 ans ! Ce qui ne l’a pas empêchée de s’interroger sur la manière d’upgrader ses cours entre les deux confinements. « Pour mon premier cours en ligne, je ne savais pas comment faire des travaux de groupes par exemple. » Christine Naschberger utilise également beaucoup le chat pour faire participer ses étudiants et surtout, varie les formats de ses cours pour les stimuler. « Je commence par une présentation des élèves puis je fais 20 minutes de cours avant de passer à des vidéos. Ils travaillent ensuite sur une étude de cas. Le « learning by doing » est très important sinon ils zappent vite ! ».
Une stratégie adoptée aussi à l’IAE Caen. « Une journée d’enseignement s’articule autour d’apprentissages individuels et collectifs (supports classiques ou interactifs conçus par nos spécialistes e-learning), d’activités pédagogiques (exercices, cas pratiques, serious games), d’échanges et d’interactions en visio, expose Claire El Moudden, Maître de Conférences à l’IAE Caen, chargée de mission e-formation, et Chef de projet Pédagogie Agile. Avec un tel dispositif, l’objectif est de rendre l’étudiant acteur de sa formation en l’impliquant activement dans les enseignements. Cette approche vise aussi à rompre l’isolement des étudiants en maintenant le lien au sein des promotions grâce aux classes virtuelles, chats, échanges sur les réseaux sociaux, travaux collaboratifs et moments d’échanges informels. »
Solidarité
A l’EM Strasbourg, Ridha Derrouiche a profité de ses connaissances pour aider ses collègues. L’enseignant-chercheur tournait en effet, bien avant le confinement, des vidéos pédagogiques accessibles sur Youtube. Un condensé de ses cours de 15 minutes, pour les étudiants absents, en difficultés ou qui souhaitaient réviser. « J’ai aujourd’hui 4 000 abonnés à ma chaine YouTube. Ça m’a beaucoup aidé, lors du confinement puisque j’en avais déjà l’expérience avec mes vidéos, explique-t-il. J’ai enregistré mes cours sur Zoom et j’ai complété mon enseignement avec la plateforme Moodle, qui permet de partager des supports de cours, récupérer les corrigés ou partager du contenu ». Pour utiliser Zoom du mieux possible, l’enseignant-chercheur s’est auto-formé et a utilisé les fonctionnalités permettant d’augmenter l’interaction avec les étudiants. Et bien sûr… il en a fait une vidéo ! « J’ai voulu partager mon expérience car il y avait une forte demande de la part des professeurs. » Une vidéo vue 180 000 fois sur YouTube, qui lui a même donné l’idée d’écrire un livre sur l’outil de conférence à distance. Pour le second confinement, Ridha Derrrouiche continue d’améliorer son utilisation des outils en mettant en place des petits groupes, des questionnaires, des QCM, etc.
L’ISAE-SUPAERO a mis en place un dispositif de tutorat à distance
Dans un souci de contribution à la continuité pédagogique des lycéens de la Préfecture de Toulouse dans ce contexte de crise sanitaire, l’ISAE-SUPAERO a mis en place un dispositif de tutorat à distance qui mobilise une cinquantaine d’étudiants, doctorants et personnels de l’Institut. A date, 200 élèves issus de 5 lycées bénéficient de ce tutorat destiné à éviter le décrochage scolaire. Ce dispositif va se renforcer compte tenu des mesures sanitaires appliquées dans les établissements et va concerner 10 lycées et 250 élèves d’ici le mois de décembre.
Testé… et approuvé ?
A l’EDHEC, la direction pédagogique s’est beaucoup appuyée sur le retour des étudiants pour améliorer les cours en ligne. « Lors du 1er confinement, nous avons fait des enquêtes toutes les semaines auprès des professeurs et des étudiants sur lesquelles l’équipe pédagogique a travaillé cet été. « A partir de septembre, les étudiants s’attendaient à un niveau de cours upgradé, confie Anne Zuccarelli, directrice de l’expérience étudiante. Ils ont par exemple demandé à ce que les professeurs mettent tous les documents nécessaires aux cours au même endroit et structurent leurs instructions. Ils nous ont aussi demandé d’enregistrer les cours pour pouvoir réviser, ce que nous faisons maintenant de manière automatique. » La période estivale a également permis aux professeurs de travailler sur l’interactivité. « Nous avons repensé les cours en salle de classe virtuelle en proposant des sondages en live, des travaux par petits groupes, etc ».
Aux Mines Nancy aussi, l’été a permis de prendre du recul sur la manière dont s’était déroulé le 1er confinement. « Au premier confinement, nous avons réussi à maintenir la quasi totalité des cours en distanciel dès le départ. Mais avec quelques interrogations : quels outils informatiques utiliser ? Comment maintenir une interaction ? Par quoi remplacer le tableau ? », se rappelle Olivier Deck, responsable du département géoingénierie et chercheur au labo géoressources. Nous avons beaucoup échangé entre enseignants pour faire remonter les expériences des uns et des autres, des idées, etc ».
Pour le deuxième confinement, la volonté a été d’harmoniser les pratiques, afin que chaque professeur utilise le même outil, en l’occurrence Teams. « Ce qui me manque le plus, c’est une feuille pour écrire afin d’expliquer le cours aux élèves. Pour un cours magistral ça va, mais lorsqu’on fait un TD ou qu’on doit montrer des choses aux étudiants, c’est plus compliqué. J’ai alors décidé de filmer ma feuille », explique Olivier Deck.
A NEOMA Business School aussi, des tests ont été faits pour impliquer davantage les étudiants. Si lors du premier confinement, les enseignants ont utilisé les fonctionnalités basiques de Zoom, petit à petit, des étapes ont été franchies. « Nous avons adapté notre stratégie d’enseignement online en demandant aux professeurs d’appeler les étudiants par leur nom, de leur poser des questions, de leur demander d’allumer leur caméra pour répondre, de réadapter le rythme des cours, etc », explique Haithem Marzouki, directeur de la Pédagogie innovante chez NEOMA BS.
Des formations pour accompagner les enseignants
Des enseignants de cette business school ont même suivi cet été des formations données par la prestigieuse université américaine Harvard, pour apprendre à convertir leurs cours face to face en cours online et ainsi réadapter leur cours à la rentrée.
A l’EBI, des professeurs ont eu l’opportunité de participer à une formation de l’UGEI (Union des grandes écoles indépendantes) sur les innovations pédagogiques et l’enseignement hybride. C’est le cas notamment de Clémence Bernard, PhD, directrice adjointe et professeur de techniques analytiques et industrielles. Avant cette formation, l’enseignante avait déjà dû adapter ses cours. « Je faisais un cours sur la gestion de projets, en pédagogie inversée et participative. J’avais divisé la promotion par groupes de projets. Chaque groupe devait me présenter à l’oral son projet devant l’ensemble de la classe en se mettant en situation, de manière théâtrale. Mais le confinement est arrivé et nous n’avons pas pu le faire ». Qu’à cela ne tienne, l’enseignante a demandé à ses étudiants de préparer leur présentation sous forme de vidéos. « Ils ont produit des choses bluffantes que je pourrai réutiliser ! Je leur ai ensuite préparé un quizz pour tester leur niveau de compréhension et nous avons terminé par une évaluation des points forts et des points à améliorer. Nous avons tiré du positif de cette expérience. »
Entre temps, Clémence Bernard a suivi la formation et en a retenu des outils pour améliorer l’expérience de ses cours. « Je me suis pas exemple rendu compte avec le premier confinement qu’il y avait un temps d’attente au début du cours, le temps que je me mette en place, qui était assez stressant alors que les étudiants et moi-même avions besoin d’être calmes et détendus. En septembre, j’ai alors commencé à mettre une petit musique en relation avec mon cours ainsi qu’une vidéo pour l’introduire Cela permet de faire descendre la pression, de se concentrer. »
Quelles leçons tirer de ce second confinement ?
Si les cours à distance demandent une grosse part d’adaptation pour les enseignants, beaucoup constatent des effets positifs, sur les élèves timides notamment. « Derrière leur écran, les étudiants osent davantage participer qu’en présentiel. Pour la dynamique du groupe, être en classe c’est mieux, mais pour les étudiants individuellement, le distanciel peut être un avantage », remarque Christine Naschberger. Un élément qu’a aussi noté Clémence Bernard à l’EBI. « Ils osent davantage poser des questions et leurs camarades leur répondent sur le chat. On s’encourage aussi grâce au fil de discussion avec des likes, des smileys. Il y a une vraie émulation. On perçoit beaucoup plus leur plaisir d’être en cours. »
Autre avantage pour la professeur de RH à Audencia : apprendre à s’adapter dans leur future carrière de manager. « Ils vivent aujourd’hui une situation à laquelle ils seront aussi confrontés dans leur vie professionnelle : le management hybride avec des personnes présentes au bureau, d’autres en télétravail ou à l’étranger ».
Si pour Olivier Deck les cours en présentiel sont indispensables pour maintenir les liens sociaux, les cours à distance ont, selon lui également, eu des retombées positives. « Cela nous a obligé à adapter notre pédagogie et à trouver des stratégies pour que tout le monde suive ». Pour les enseignants, l’expérience du distanciel est d’ailleurs capitalisable pour la suite. « Cela nous a obligés à évoluer. Il est possible que j’adapte ma pédagogie entre le distanciel et le présentiel et que je maintienne certains cours en 100 % à distance », confie Clémence Bernard.