« Les ingénieurs se portent très bien », déclare Bernard Ramanantsoa, président de la commission Aval, commission chargée, entre autres, d’étudier les conditions d’insertion professionnelle des jeunes diplômés de la CGE. Un taux d’emploi à 98 % pour les diplômés des cinq dernières promotions de l’ECE, plus de 80 % des élèves des Mines employés avant même leur sortie d’école (Enquête emploi 2011) : pas de doute, les jeunes diplômés d’écoles d’ingénieurs constituent « une population relativement protégée dans la conjoncture actuelle », pour reprendre les termes de Sophie Ak, directrice marketing de Cadremploi. Quels sont donc les postes qui leur sont proposés, les secteurs qui recherchent ce sang neuf ?
L’enquête insertion des jeunes diplômés 2011 réalisée par la CGE identifie les cinq secteurs dans lesquels on retrouve la majorité des ingénieurs fraîchement sortis d’école.
Bureaux d’études et conseil : 18 % des jeunes diplômés
Les sociétés d’études et de conseil représentent le principal débouché des jeunes ingénieurs, débouché dont l’importance ne cesse d’augmenter : 10 % des diplômés en 2007, 12 % en 2008, 14 % en 2010 et 18 % en 2011. A l’ECE, c’est ainsi un quart des élèves qui se dirigent vers le conseil (Enquête premier emploi 2012). « Les sociétés de conseil permettent aux jeunes diplômés de se rapprocher d’activités qui les intéressent, de se faire un carnet d’adresses, de développer des compétences relationnelles », considère Sophie Ak. « Bien évidemment les compétences techniques sont importantes mais la différence pour l’entreprise va se faire dans la capacité à communiquer, à s’adapter à la culture d’entreprise. »
Industrie automobile, aéronautique, navale, ferroviaire : 12,5 %
« L’industrie lourde se porte bien », rappelle Bernard Ramanantsoa. Un constat que corroborent les études menées par les sites de recherche d’emploi. Ainsi, Pierre Lamblin, directeur des études et recherche de l’Apec, révèle que l’industrie recrute 51 % des jeunes ingénieurs (surtout dans l’automobile, l’aéronautique, le ferroviaire). Du côté de Cadremploi, Sophie Ak déclare : « On parle beaucoup d’une industrie qui est laminée mais c’est un secteur qui recrutebeaucoup d’ingénieurs, avec un quart des offres. Les jeunes diplômés ont peut-être parfois tendance à sous-estimer le potentiel de recrutement de l’industrie. » Conséquence : l’industrie peine parfois à attirer les talents de demain et manque d’ingénieurs. « Il y a une compétition entre industrie et sociétés de conseil », explique Martine de Maintenant, responsable du département industrie chez Mercuri Urval. « Les jeunes diplômés préfèrentse diriger vers les sociétés de conseil parce que c’est mieux payé, que ce n’est pas en province. »
Technologies de l’information : 9 %
Un secteur en chute, qui, en 2007, représentait encore 12,5 % des débouchés à la sortie d’une école d’ingénieurs. Toutefois, le numérique reste une voie porteuse, dont la moitié des offres sur Cadremploi est ouverte aux jeunes diplômés. « C’est une croissance qui est portée par la mobilité, la modernisation des systèmes d’information, le Cloud et les agences Web qui cherchent des ingénieurs particuliers (php, architectes java…) dont on manque », constate Sophie Ak. « Le numérique est particulièrement demandeur de jeunes diplômés car c’est là qu’on identifie de réelles pénuries. »
BTP : 9 %
Derrière ce chiffre, la réalité varie considérablement d’une école à l’autre, en fonction de la (ou des) spécialité(s) de l’établissement. Ainsi, si seulement 2 % des diplômés des Mines se dirigent vers le BTP (Enquête emploi 2011), en revanche 21 % de ceux des Ponts s’orientent vers la construction (Enquête 2011).
Energie : 8 %
« On pourrait croire que le pétrole c’est fini. Pas du tout », lance Maurice Courbatieu, responsable du pôle emploi et carrière aux Arts et Métiers. « Il emploie de plus en plus, et l’énergie aussi de façon plus générale. » Aux Mines ParisTech, l’énergie se positionne ainsi comme le premier débouché à la sortie d’école, qui concerne 24 % d’une promotion. La part croissante des bureaux d’études et sociétés de conseil constitue pour la CGE l’une des informations principales à retenir de l’enquête. « Ce phénomène traduit une tendance lourde à l’externalisation des activités. Certains secteurs d’activité paraissent perdre de leur attrait alors qu’il s‘agit d’un changement de statut. Des diplômés peuvent exercer le même travail que leurs prédécesseurs mais sont recrutés par une société de conseil » alertent lesrédacteurs de l’étude. Ainsi, si l’on redistribue la part des emplois dans les bureaux d’études et conseil dans les secteurs où ils interviennent, on obtient la répartition suivante : Industrie 16 %, Technologies de l’info 10,5 %, BTP 10,5 % et Energie 9,5 %. Maurice Courbatieu rappelle donc que l’externalisation rend difficile le classement des offres d’emploi selon les domaines d’activité, ajoutant que les frontières sont floues d’un secteur à l’autre et qu’il faut donc manier les chiffres avec prudence.
Quatre métiers types pour les jeunes ingénieurs
Ingénieur Etudes
C’est un poste qui recrute beaucoup, puisque, selon Pierre Lamblin, 47 % des jeunes sortis d’écoles d’ingénieur en 2010 se sont dirigés vers la fonction études R&D. L’ingénieur études oeuvre soit en bureaux d’études, soit dans l’industrie, notamment chez les équipementiers automobiles comme Valeo ou Faurecia. Les compétences exigées ? Tout d’abord, posséder « une expertise technique assez prononcée », explique Martine de Maintenant. Ensuite, savoir travailler en gestion de projet et coordonner une équipe. « L’ingénieur études va travailler en coordination avec d’autres départements, localement ou à l’étranger. On va donc lui demander une capacité à travailler en équipe et à affirmer ses convictions, à vendre son projet, alors qu’il y a une dizaine d’années il était seul devant son ordinateur. » La capacité à appréhender un problème dans son sens large, et à bien communiquer sont également deux atouts pour ce poste.
Ingénieur méthodes
Le jeune diplômé se trouve cette fois davantage plongé au coeur des opérations. Il commence en usine, apprend à comprendre comment elle fonctionne et par la suite sera amené à manager. « Cela demande en premier lieu une capacité à s’affirmer assez importante », avertit Martine de Maintenant. « Le jeune ingénieurrejoint des équipes assez stables, anciennes, où on le voit arriver sans avoir forcément envie de lui faciliter la vie. On se dit : “ Il veut changer nos habitudes et nous, on ne veut pas. “ » L’ingénieurdoit savoir bien comprendre une problématique et la décliner en axes concrets vis-à-vis des équipes. Le poste exige donc de lui qu’il fasse preuve d’un sens pédagogique développé mais, à l’inverse, ne demande pas de compétences techniques particulières.
Consultant interne
Souvent réservé aux diplômés de grandes écoles d’ingénieurs, ce type de carrière permet à la nouvelle recrue de rejoindre les équipes dirigeantes de grosses entreprises, notamment du CAC 40. Ce que l’on attend de lui ? « Un bon niveau de compréhension des sujets de manière globale, une capacité analytique et de synthèse très forte et bien sûr de communication parce qu’il est transversal. »
Conseil/audit
C’est une fonction qui « avale les jeunes ingénieurs » depuis quatre-cinq ans, où ils sont très appréciés. « On les utilise beaucoup dans les environnements industriels parce qu’ils ont une très bonne compréhension des process. De plus ils ont une rigueur et une capacité d’analyse très reconnues des entreprises. »
Pourquoi pas l’entrepreneuriat ?
En parallèle des secteurs traditionnels, Anne-Marie Patard, responsable marketing et communication de l’ECE, rappelle que l’entrepreneuriat représente un débouché que les jeunes ingénieurs ne doivent pas hésiter à envisager. Sur les cinq dernières années, une quarantaine d’entreprises ont ainsi été créées par des diplômés de l’ECE. Dont celle de Mehdi Cheddadi et Fabien Barrois (2006), qui, dès 2007, ont lancé Pernac, leur marque de costume sur mesure. « Pernac est née d’une envie d’entreprendre qui prédominait avant tout, plus que d’un projet précis », raconte Mehdi. « On avait la prétention de penser qu’en tant qu’ingénieurs, on avait des capacités étendues et non limitées spécialement à certaines thématiques. ECE est une école assez large : on a des cours de gestion, de comptabilité (…) qui nous ont permis de devenir chefs d’entreprise. On a commencé dans ma chambre (rires). Au début, on était autant le service informatique, que la comptabilité ou la vente. Aujourd’hui, nous sommes une équipe d’une douzaine de personnes, avec un chiffre d’affaires d’environ deux millions d’euro. Nous avons trois magasins : deux à Paris, un à Lyon. Notre site est très bien référencé. » A ceux qui diraient que l’entrepreneuriat est réservé aux élèves d’écoles de commerce, Medhi rétorque : « Je connais beaucoup de sociétés qui ont réussi avec des ingénieurs. Etre entrepreneur, c’est un projet de vie, c’est beaucoup de motivation, de travail. Si on a l’envie d’être entrepreneur, on y arrive : c’est plus l’envie que la formation qui compte. »
Claire Bouleau
Twitter @ClaireBouleau