Le handicap n’est ni une faiblesse à éradiquer ni une force à promouvoir. Plutôt que de se focaliser sur les différences, les politiques de la diversité et de l’inclusion pourraient davantage s’appuyer sur une prise de conscience des vulnérabilités communes à l’ensemble des êtres humains.
Au-delà des différences
S’agit-il de vouloir à tout prix réduire ou supprimer le handicap grâce aux nouvelles possibilités offertes par les sciences ? S’agit-il de promouvoir une politique de la tolérance qui accepterait le handicap perçu comme une faiblesse ? S’agit-il de valoriser le handicap envisagé comme une force dont pourraient se servir les organisations ? L’ensemble de ces approches présentent des limites, car il y aurait un danger à trop vouloir se focaliser sur les différences. Les sociétés à venir risqueraient d’être transhumanistes cherchant à transformer l’homme en un corps technologique avec des capacités augmentées. Mais plus probablement, elles auraient tendance à stigmatiser, voire même à instrumentaliser, les personnes en situation de handicap dans les organisations. Déjà, dans bon nombre d’entreprises, on les recrute pour leur handicap, on les invite à se déclarer, on loue leurs mérites, on cherche à les présenter comme des facteurs de performance… Espérons plutôt que les sociétés à venir résistent à une politique catégorielle et instrumentale de la diversité et à une considération exclusive des différences. Comme le remarque Maurice Thévenet (2007, Tous les mêmes ?, in Peretti (dir), Tous différents, Eyrolles), « l’identité renvoie à ce que l’on est et son identité ne se réduit pas à ce qui différencie des autres ». Au-delà des différences, apprenons à regarder les similitudes entre les êtres humains, ce qui les rapproche et leur permet de faire communauté.
Tous vulnérables
C’est donc une réflexion anthropologique portant sur les vulnérabilités communes qui peut nous aider à penser l’intégration des plus vulnérables dans la société. Il y a des vulnérabilités communes propres à l’être humain, la vulnérabilité liée à la finitude humaine ou encore la vulnérabilité relationnelle : l’être humain ne peut entrer en relation avec d’autres qu’en prenant le risque de subir un échec relationnel, par exemple en donnant sans avoir la certitude de recevoir (Bruni, 2014, La blessure de la rencontre. L’économie au risque de la relation, Nouvelle Cité). Il y a des vulnérabilités communes extrinsèques qui sont notamment liées aux risques environnementaux. La pollution de la terre, de l’eau et de l’air ainsi que le réchauffement climatique ne concernent-ils pas tous les êtres humains ?
Une fois conscients de ces vulnérabilités communes, comment les individus peuvent-ils coopérer en portant leur attention sur la situation des plus vulnérables ?
Des mini-écosystèmes humains
C’est au sein de certaines communautés, en particulier des communautés de travail soucieuses du bien commun, que l’acceptation des vulnérabilités communes ainsi que l’accueil des plus vulnérables peuvent être rendus possibles. Encore faut-il que ces communautés cherchent à répondre à des besoins sociétaux bien réels (et non des besoins artificiels) et accordent une importance particulière à la contribution de chacun dans la construction communautaire. Ces communautés peuvent favoriser la coopération entre tous tout en portant une attention particulière aux plus vulnérables. Il se peut ainsi que la création et le développement de mini-écosystèmes humains soient le meilleur moyen d’aider à l’intégration communautaire des personnes en situation de handicap.
Sur l’auteur
|
Sandrine Frémeaux, Professeure à Audencia Business School |