Former des chefs prêts à faire face aux chocs les plus durs, dans un monde imprévisible et en pleine mutation : telle est la mission défendue par l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Un modèle de leadership inspirationnel dans une période aussi tumultueuse que celle que nous traversons. La preuve avec le Général de division Emmanuel Charpy, Commandant de l’Académie.
Former les chefs militaires de demain, une mission singulière !
Absolument. De fait, elle engendre un modèle de formation lui aussi singulier, pour donner à l’Armée de Terre des officiers complets qui savent s’adapter. Nous les aidons à construire la colonne vertébrale morale, mentale, physique et intellectuelle qui leur permettra, le moment venu (souvent dans la tourmente), de rester des chefs debout, capables de raisonner dans le brouillard de la guerre, de décider dans l’incertitude et de s’adapter aux évolutions technologiques, géostratégiques, tactiques, etc.
Justement, qui sont ces chefs, ces meneurs d’hommes à même d’affronter un monde dont les schémas sont en train de radicalement changer ?
Plus que des meneurs d’hommes, ce sont des meneurs chargés d’âmes. Pour entrainer son unité et la mettre en mouvement, un chef doit savoir anticiper, décider, commander, et ce avec un esprit innovant qui permet de ne jamais rester immobile. Un chef doit avancer en s’adaptant à son environnement et c’est pour cela que nous dispensons une formation académique, militaire et humaine intégrée. Le but étant de mettre nos élèves-officiers dans les conditions pour faire preuve d’inventivité, trouver des solutions tactiques, intellectuelles et de commandement, tout en développant leur ingéniosité technologique à travers la conduite de projets de recherche appliquée. Drones, électronique, guerre informationnelle, IA, sociologie : nous cultivons un esprit pionnier dans tous les domaines pour avancer.
Humanité, combativité, autorité et complexité sont les quatre défis du commandement revendiqués par la formation de l’Académie. Mais ces défis ne devraient-ils pas être ceux de tout bon leader ?
Certainement ! Mais je tiens à rappeler que ces valeurs s’expriment ici dans la singularité du métier qui est le nôtre, qui peut nous amener à prendre des vies au nom de la protection du pays. Je parlerais d’abord de l’humanité. Les femmes et les hommes sont la richesse de l’Armée de Terre : le chef doit aimer ses subordonnés, les considérer, pour former l’équipe, l’unité, la plus performante quand tout est difficile et que les choses peuvent mal se passer. Ce chef doit aussi comprendre et apprécier le monde qui l’entoure, les acteurs qu’il côtoie en service ou au combat. Il est donc indispensable qu’il ait cette compréhension du monde, de la société et des institutions, pour mener son action correctement. J’aborderais ensuite la question de la combativité, plus que jamais déterminante aujourd’hui. Le retour de la guerre aux portes de l’Europe et la dureté des combats de tranchés, nous rappellent que le chef est d’abord un combattant endurci, qui a acquis les forces morales lui permettant d’avoir le courage physique, intellectuel et éthique. De fait, l’officier a besoin d’aborder la complexité à travers une culture générale solide (dont fait partie le numérique) pour comprendre le monde, voir réellement quels sont les points sur lesquels il peut s’appuyer et qui vont rendre sa décision la meilleure possible.
Et l’autorité ?
On parle beaucoup de crise de l’autorité. Mais il ne faut pas oublier que l’autorité s’apprend d’abord en se connaissant soi-même. D’autant que la formation militaire n’est pas une annihilation de la personnalité. Au contraire, elle s’appuie sur la personnalité de chacun pour la développer et lui apporter cette capacité à la mettre dans une action et un sens particuliers. Un chef doit d’abord être lui-même pour appliquer un commandement autour de grands axes, d’un sens, d’une vision claire, définir une intention et, ensuite, laisser de l’esprit d’initiative à ses équipes. On voit toujours l’autorité militaire comme très verticale, mais c’est beaucoup moins vrai qu’on ne l’imagine : le dialogue de commandement entre le chef et ses subordonnés est primordial. Nous sommes loin des caricatures : les notions d’unité, de cohésion et d’adhésion sont primordiales.
L’Académie a noué des partenariats privilégiés avec Sciences Po, l’ESSEC, l’ESCP et CentraleSupélec. Quelles synergies positives en découlent ?
Nous avons mis en place de nombreux partenariats, importants pour soutenir notre enseignement académique et favoriser des échanges toujours très enrichissants pour nos élèves-officiers. Il ne faut pas oublier qu’en tant que membre de la Conférence des Grandes Ecoles, l’Académie pratique l’externalisation, qui permet à nos élèves-officiers de passer un semestre dans un autre établissement, et ainsi de se frotter concrètement à la société civile. Les partenariats que vous citez se concrétisent en doubles diplômes, la forme de partenariat la plus aboutie en termes d’enseignement. A travers ces doubles diplômes, une vingtaine élèves officiers passent un an dans un de ces établissements et une vingtaine d’étudiants civils nous rejoignent pour un semestre de formation militaire et un semestre académique. Je citerais aussi nos nombreux partenariats à l’international qui nous permettent d’envoyer, pour un semestre, près de 200 élèves-officiers aux quatre coins du monde. Un moment très formateur pour eux.
Vous formez des officiers pour l’Armée de Terre. Mais certains font le choix du civil dans une seconde partie de carrière. Quels sont leurs atouts en dehors de la sphère militaire ?
La capacité à être un chef ! Un chef humain, qui valorise et considère ses équipes, mais qui a le résultat et sa mission comme objectifs principaux. Ils apportent cette aptitude à anticiper, à prendre des décisions sous pression, dans l’incertitude, à travailler avec leurs équipes pour arriver à un produit du collectif, et non un produit du chef. Ils ont aussi la capacité d’encaisser la friction. Lors d’un conflit, on fait des plans, mais ça ne se passe jamais comme on le veut. Nous formons donc nos élèves-officiers à s’adapter, à rebondir avec résilience et adaptation pour atteindre le résultat visé, quelle que soit l’ampleur de la friction. Et ce sur un socle de valeurs qui est le nôtre : rigueur, intégrité, courage et honneur.
Alors que les questions d’économie de guerre (ou de paix) sont au cœur des débats aujourd’hui, que diriez-vous à celles et ceux qui hésitent à se lancer dans une carrière militaire à vos côtés ?
A travers notre histoire d’officier, nous servons une cause qui nous dépasse : nous participons à l’Histoire. C’est aussi une expérience humaine exceptionnelle, où on travaille avec les autres dans une atmosphère de cohésion, où le sens est donné et la mission claire. Notre devise est Qui ose gagne… alors si vous avez envie de servir votre pays, osez et rejoignez-nous !
« A travers notre histoire d’officier, nous servons une cause qui nous dépasse : nous participons à l’Histoire »