La Chine, sa culture, ses coutumes ou bien son système politique reste souvent bien mystérieuse aux yeux des occidentaux. Bien conscient de cette différence, il est pourtant parfois difficile de franchir le cap qui nous aidera à mieux comprendre nos voisins venus d’Asie. En ce sens, le chef d’oeuvre du réalisateur chinois Zhang Yimou est une introspection à la fois subtile et intelligente dans la Chine du siècle dernier, moins connue du grand public. Peu importe votre degré de connaissance ou d’intérêt envers la culture chinoise, car avec ce petit diamant du 7e Art, Zhang Yimou captive son audience par un précieux témoignage très personnel de la vie dans l’empire du milieu au temps de Mao Zedong. Je ne saurais vous encourager davantage à le regarder !
Ce film raconte les péripéties d’une famille très modeste tout au long du 20e siècle. L’épopée commence dans le années 40 ; le personnage principal Xu Fugui marié et père de deux enfants, riche héritier et joueur compulsif, perd sa fortune et sa demeure aux jeux d’argent. En plein désarroi, n’ayant jusqu’alors jamais exercé de métier, il se résout à reprendre une vieille tradition familiale en s’improvisant aux théâtres mobiles d’ombres chinoises. C’est donc dans le cadre burlesque des spectacles de rue que le spectateur est témoin de l’évolution de la famille, dans un contexte social de plus en plus difficile. En effet, de nombreux évènements frappent le pays, affectant la population et la culture, dont on voit encore les séquelles aujourd’hui. « Vivre ! » se concentre en particulier sur trois périodes : le début de la Guerre Civile et la naissance de la République Populaire de Chine à la fin des années 40, la tentative malheureuse de redressement économique du Grand Bond débouchant sur une famine dévastatrice entre 1958 et 1962 et enfin, la chute progressive du régime accompagnée des délires révolutionnaires de la Révolution Culturelle lancée en 1966 – notamment l’enrôlement de la jeunesse, les actions purgatoires par les gardes rouges, une propagande ou une censure excessive. Loin d’exposer au spectateur une histoire tragique, la saveur du film réside dans sa qualité à aborder avec finesse des sujets encore extrêmement tabous. Les attaques envers le gouvernement ne sont jamais directes ; les membres du parti ou les soldats, par exemple, ne sont pas montrés comme des bourreaux. Bien au contraire, en regardant les images, on se surprend à rire, à partager des moments de complicité avec les personnages principaux. Le scénario et les dialogues sont remplis d’ironie, les scènes cocasses et fourbes. Avec cette légèreté, le réalisateur gagne l’adhésion du spectateur qui, sans hésiter, adhère à l’histoire touchante de Xu Fugui et sa famille. La réception du film est tout aussi intéressante à mentionner puisqu’elle informe sur sa qualité ainsi que sur le contexte dans lequel ce dernier fut monté. Tout d’abord, il est à noter que le film fut censuré en Chine et demeure sur la liste des films interdit à la projection. En 1994, année de sortie du film, son réalisateur Zhang Yimou fut d’ailleurs interdit d’exercer son métier pendant 2 ans par le gouvernement chinois. La même année au Festival de Cannes, le chef d’oeuvre recevait cependant le Grand Prix du Jury, le Prix de l’Humanité ainsi que le prix du meilleur acteur pour Ge You interprète du père de famille.
RAID DE L’X
Thomas Trinelle (X2011)