Le MEDEF et l’Association des Centraliens (AE CP) proposent dix mesures pour renouer avec l’esprit de conquête scientifique et technologique et le dynamisme industriel.
L’EFFORT DE MOBILISATION POUR L’INNOVATION EST À POURSUIVRE. DE NOMBREUSES RÉFORMES ONT EU
LIEU ET VONT DANS LE BON SENS (PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ, JEI, CIR…) MAIS LE DÉFI DE LA COMPÉTITIVITÉ PAR L’INNOVATION N’EST PAS GAGNÉ. LES RÉFORMES STRUCTURELLES PEINENT À DONNER DES RÉSULTATS FAUTE D’UNE CULTURE DE L’INNOVATION SUFFISAMMENT PARTAGÉE ET D’UN FINANCEMENT PLUS SOLIDE.
Dix mesures interdépendantes qui reposent sur trois axes essentiels sont à appliquer à court terme :
Une réglementation qui incite à l’investissement dans l’innovation et reconnait la prise de risque
Une culture qui prépare à l’adversité de la compétition et aux bonnes pratiques de pilotage de l’innovation
Un bon équilibre public/privé pour un juste partage de l’effort d’investissement et une meilleure stratégie commerciale
Propositions sur la culture de l’innovation :
■ 1. Instaurer, au niveau des enseignements secondaire et supérieur, des sensibilisations et des cours sur l’entrepreneuriat et l’innovation
■ 2. Créer, pour chaque enseignant-chercheur, une troisième mission : le transfert de savoir pour les entreprises
■ 3. Développer la formation par la recherche et l’intégration des docteurs dans l’entreprise
■ 4. Mettre en oeuvre un pacte entre les grandes entreprises et les PME pour « l’innovation ouverte »
■ 5. Amplifier le soutien aux pôles de compétitivité qui créent de nouveaux produits et de nouvelles entreprises
Propositions sur le financement de l’innovation :
■ 6. Orienter la commande publique vers des innovations de nouveaux produits et des prototypes élaborés par des PME et des chercheurs-entrepreneurs
■ 7. Doubler en 5 ans la capacité de France-Investissement (BPI) à développer des partenariats public-privé dans le domaine du capital investissement
■ 8. Multiplier par 6 le nombre de business-angels en leur accordant une reconnaissance institutionnelle et des avantages fiscaux
■ 9. Créer dans chaque grand site de recherche et d’enseignement supérieur, des fonds d’amorçage associant les divers acteurs du financement
■ 10. Favoriser fiscalement la prise de risque des innovateurs et des entrepreneurs
DIFFUSER UNE CULT URE DE L’INNOVATI ON
■ 1. Instaurer au niveau des enseignements secondaire et supérieur des sensibilisations et des cours sur l’entrepreneuriat et l’innovation
L’absence de formation entrepreneuriale au sein des établissements de l’enseignement supérieur (tant dans les universités que dans les grandes écoles), prolongement de la faible sensibilisation à l’entreprise et à ses enjeux dans le secondaire pose problème. Elle se traduit par un faible taux de création d’entreprises par les diplômés des plus hauts niveaux ou par une moindre préoccupation que dans d’autres pays de l’OCDE, de l’orientation des thèses sur des domaines d’application économiques. pays porté vers l’innovation et la créativité, les pays émergents devenant de plus en plus créateurs et de moins en moins imitateurs. Cette mesure est indispensable pour diffuser la culture de l’entrepreneuriat et de l’innovation dans toutes les formations de l’enseignement supérieur (universités, grandes écoles, IUT). Elle est d’ailleurs également préconisée dans le rapport Tambourin-Beylat (mesure 7). Sa mise en oeuvre pose cependant des problèmes de ressources. Les professionnels capables de dispenser cet enseignement sont en général peu disponibles. C’est pourquoi il importe de s’appuyer sur les organisations professionnelles pour élaborer et valider les maquettes d’initiation à l’innovation et à l’entrepreneuriat et les modules de formation au management de l’innovation (intelligence économique, gestion de la propriété intellectuelle, conduite du changement…). En amont, dès l’enseignement secondaire (par exemple, à partir du niveau de 3ème) il apparait important de sensibiliser les élèves sur les missions et les fonctions des entreprises de toute nature, tout en développant leur potentiel d’initiative et de créativité
■ 2. Créer, pour l’enseignant-chercheur, une troisième mission : le transfert de savoir pour les entreprises
Les contributions aux coopérations avec les entreprises menées par les enseignants-chercheurs sont encore peu valorisées dans leur évaluation, alors même qu’un décret de 1984 prévoit cette prise en compte pour l’évolution des carrières. De même, la loi Allègre de 1999 encourage la mobilité des enseignants-chercheurs, en vue de leur participation à la création d’entreprises mais sans avoir beaucoup suscité de vocations. Les Instituts de recherche technologique, mis en place avec les investissements d’avenir, sont en revanche un bon exemple de diffusion rapide et d’intégration dans des projets innovants des résultats des recherches réalisées par les enseignants-chercheurs.
Un bon équilibre entre les trois missions des universitaires est donc à trouver, à l’appui du projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, dont l’objectif est d’ailleurs d’assigner clairement aux universités l’innovation par la réponse aux défis économiques et sociaux (santé, transition énergétique, sécurité alimentaire… ) et par l’amplification du transfert des résultats de la recherche vers les entreprises. Le poids des brevets dans la mesure de la performance de la recherche publique sans tenir compte des potentialités du marché, doit en effet également être rééquilibré avec le transfert de savoir-faire. Nous proposons notamment de renforcer ce lien entre la recherche publique et l’entreprise par la création d’un statut d’enseignant-chercheur. Ce statut permettrait aux chercheurs expérimentés de pouvoir exécuter des missions de conseil auprès d’une entreprise. Cette mission serait rémunérée par l’entreprise et se ferait sous contrôle du Ministère de l’enseignement Supérieur et de la Recherche.
■ 3. Développer la formation par la recherche et l’intégration des docteurs dans l’entreprise
Le docteur ou l’ingénieur-docteur joue un rôle déterminant d’interface et de facilitateur de diffusion des connaissances entre les universités et les entreprises, et de passeur de la recherche fondamentale au développement applicatif. Ces échanges sont importants à développer, notamment entre docteurs en sciences sociales qui sont plus en retard dans leur insertion en entreprise. Ils jouent un rôle important dans les nouveaux types d’innovation liés aux usages et aux services.
Les entreprises doivent accentuer leurs échanges avec l’enseignement supérieur pour promouvoir et enrichir le diplôme de docteur afin de développer leur valorisation et leur insertion professionnelle. Cela contribuera à rejoindre de nombreux autres pays de l’OCDE pour lesquels le doctorat est un standard de référence au niveau international et un véritable vecteur pour davantage d’innovations. Plusieurs actions sont donc à développer pour faciliter la reconnaissance du doctorat et son intégration dans l’entreprise :
• Favoriser une meilleure reconnaissance du doctorat par d’autres voies que la convention collective :
Partager entre les universités et les entreprises un référentiel commun des compétences attendues des docteurs et initier les doctorants à la réalisation de portfolio, mettant en perspective la valeur ajoutée que peut apporter un docteur à l’entreprise pour relever les défis de la compétitivité, de la conduite du changement et de l’innovation.
• Continuer à développer tant au niveau national qu’européen, le nombre de Conventions Industrielles de Formation par la Recherche/ CIFRE. Ce dispositif permet de préparer sur 3 ans une thèse en entreprise. Le réseau des 3.700 doctorants CIFRE qui travaillent actuellement avec 1.500 entreprises et 1.500 laboratoires représente une véritable « école doctorale de l’entreprise ».
■ 4. Mettre en oeuvre un partenariat entre les grandes entreprises et les PME pour « l’innovation ouverte »
Les relations établies entre grandes entreprises et PME, qui peuvent être des fournisseurs, des sous-traitants, des prestataires d’études, des partenaires commerciaux, offrent le socle pour la conduite de projets innovants en collaboration. Cela ouvre la voie au développement d’une culture de l’innovation au sein des PME, impliquant à terme une diversification de leurs activités et une évolution des PME en ETI. Pour promouvoir ces évolutions, il faut s’appuyer sur les acquis en la matière des grandes entreprises et sur la créativité des PME. L’expérience démontre la nécessité d’une approche globale des partenariats, visant la satisfaction des objectifs de chacun des partenaires et intégrant toutes les fonctions, notamment la propriété intellectuelle pour sécuriser les relations et les coopérations entre entreprises. L’enjeu est de favoriser un écosystème qui permet dans une dynamique de réseau une diffusion rapide des connaissances, un transfert aisé des compétences (par exemple par un développement de l’essaimage), ou encore un assouplissement des conditions d’achat. Il convient à ce sujet d’assouplir sensiblement la clause de dépendance qui empêche de passer commande à des entreprises pour un montant supérieur à 30 % de leur chiffre d’affaires. Cette mesure pourrait dans un premier temps bénéficier au moins aux entreprises relevant du statut de JEI et sous contrôle (avis favorable) d’Oséo ou de la BPI. La création d’un fonds garantie « innovation » BPI permettrait en outre de compléter ce dispositif en proposant des garanties en cas de défaillance d’un fournisseur innovant.
■ 5. Amplifier le soutien aux pôles de compétitivité qui créent de nouveaux produits et de nouvelles entreprises
Les pôles de compétitivité jouent un rôle positif largement reconnu. Ils ont motivé les entreprises à s’impliquer dans la durée dans un travail collaboratif entre entreprises et recherche publique et jouent un rôle utile de mise en relation. Cependant, il convient de renforcer les actions de ces pôles qui ont un fort impact sur la compétitivité par l’innovation et qui contribuent à créer de nouveaux produits et/ou de nouvelles entreprises. Il est proposé d’abonder d’une part les fonds du FUI (en les doublant) lorsqu’il y a à la clef la mise sur le marché de produits de rupture, la création d’une start-up innovante ou encore la création d’emplois.
FINANCER PLUS EFFICACEMENT L’INNOVATI ON
■ 6. Orienter la commande publique vers des innovations de nouveaux produits et des prototypes élaborés par des PME et des chercheurs entrepreneurs
Cette mesure, proposée par le rapport Gallois (8ème proposition), doit s’inspirer de la réussite américaine du SBIR (Small Business Innovation Research) et de son équivalent anglais SBRI (Small Business Research Initiative). L’objectif est de consacrer annuellement 2,5 % de la R&D publique (comme aux Etats-Unis) soit 500 millions d’€ à l’amorçage technologique en subventionnant des projets de recherche de PME ou de chercheurs afin de mettre au point de nouveaux produits très innovants. Les projets les plus prometteurs seraient sélectionnés et bénéficieraient de commandes pré-commerciales de la part des pouvoirs publics. Cette nouvelle mission serait confiée à la BPI ; une expérimentation pourrait être menée en collaboration avec les régions volontaires.
■ 7. Doubler en 5 ans la capacité de France-Investissement (BPI) à développer des partenariats public-privé dans le domaine du capital investissement
Cette proposition émise également dans le pacte pour la compétitivité de Louis Gallois, doit permettre de renforcer la capacité de co-financement de la BPI entre fonds publics et fonds privés au travers de « France- Investissement » pour soutenir les entreprises ayant de forts besoins d’investissements au moment de l’industrialisation de leurs innovations. Il convient d’accélérer le doublement des capacités de la BPI d’ici 2017, au lieu de l’atteindre seulement en 2020.
■ 8. Multiplier par 6 le nombre de business-angels en leur accordant une reconnaissance institutionnelle et des avantages fiscaux
Cette mesure, doit faire passer le nombre actuel de business-angels (environ 8.000 investisseurs) au niveau anglais (environ 50.000). Des mesures fiscales très attractives sont justifiées par des investissements très risqués dans des start-up de haute technologie, lors de la phase d’amorçage, là où les sociétés de capital-risque ne s’aventurent pas. A l’avenir, il faut systématiquement reconnaître les business-angels comme des partenaires dans le financement des start-up issues des milieux universitaires et des grandes écoles, les associations de business-angels devant être systématiquement consultées.
■ 9. Créer, dans chaque grand site de recherche et d’enseignement supérieur, des fonds d’amorçage associant les divers acteurs du financement
Comme le reconnaissent les différents rapports, l’amorçage technologique est une phase insuffisamment soutenue par les pouvoirs publics français alors que c’est une phase à haut-risque difficilement soutenable par les seuls fonds privés. Il est nécessaire de créer un fonds d’amorçage dans chaque grand site (en liaison avec les pôles de compétitivité et/ou avec les pôles de recherche de l’enseignement supérieur), combinant les apports complémentaires des leviers que constituent aussi bien les fonds publics et les businessangels que le capital-risque ou le capital-développement. Un tel fonds est à créer en liaison et en concertation avec les pôles de compétitivité afin d’éviter la dispersion des moyens. Ce fonds d’amorçage, à l’initiative des pouvoirs publics, doit associer des acteurs privés du financement. Les régions doivent participer à la création de ces fonds d’amorçage.
■ 10. Favoriser fiscalement la prise de risque des entrepreneurs innovants
L’investissement dans l’innovation est reconnu très risqué, notamment dans la phase d’amorçage, alors qu’il est indispensable au dynamisme économique et au rétablissement de la compétitivité. Aussi, il est important de donner un avantage fiscal conséquent aux entrepreneurs innovants (ou aux investisseurs individuels) par rapport aux investissements dans les valeurs mobilières ou immobilières. L’enjeu est de rémunérer davantage le risque que la rente. Cet avantage doit aussi être réel par rapport aux autres pays développés qui nous entourent ; rappelons que les pays européens imposent la plus-value à hauteur de 26 % en moyenne.