N’y aurait–il pas une certaine forme d’inconscience à vouloir se former aux métiers de la culture en cette période de crise ? Quand je reçois des parents, qui évoluent dans des univers professionnels souvent différents, je ressens leur légitime anxiété. Ils savent que les métiers de la culture ne sont pas les mieux payés. Je ne leur cache pas que le salariat dans ce secteur n’est pas caractérisé par la stabilité mais plutôt par une grande flexibilité et un taux important de contrats à durée déterminée. La baisse du budget du ministère de la culture et de la Communication et la diminution visiblement durable des subventions ne les rassurent pas, c’est bien naturel ! La culture reste vécue comme un luxe dont la ligne budgétaire serait la première à être biffée.
Toujours autant d’étudiants
Pourtant, le nombre de candidats qui poussent les portes de l’IESA art&culture pour suivre les formations aux métiers de la culture et du marché de l’art ne cesse de croître. Nous ne sommes pas une exception, le goût des étudiants pour les filières culturelles et de communication s’est développé en dix ans, l’offre de formation également. Il s’appuie sur une passion pour les diverses formes de créations mais aussi sur le souhait de porter des projets qui s’apparentent souvent à de l’entreprenariat culturel.
Les projets culturels indispensables au lien social
Si nos formations sont presque toutes structurées sur le développement de projets de groupe et d’un projet personnel, ce n’est pas simplement pour répondre à ce désir ou à la logique de la formation professionnelle qui structure de plus en plus les enseignements par l’acquisition de compétences clé représentatives des métiers. C’est surtout parce que le projet est la forme de l’action culturelle viable, associant une initiative individuelle au public auquel elle est destinée. Le projet n’est donc pas qu’une initiative, aussi intéressant que soit le travail artistique soutenu, il est intrinsèquement un lien social qui prend forme dans une offre culturelle (exposition, spectacle, valorisation du patrimoine, ateliers artistiques, pratiques amateurs, formation…).
Des financeurs bien présents
Non, les projets culturels n’ont pas disparu avec la crise. De nouvelles sources de financement qui se rapprochent de cette appréhension sociale se sont consolidées. Elles croisent les obligations citoyennes des collectivités territoriales et des entreprises. Ce n’est pas un hasard si les associations d’élus ont réitéré en 2012 leur engagement solidaire en faveur de l’art et de la culture signé avec la Fédération nationale des centres culturels. De même, après une frayeur en 2010, le budget du mécénat culturel est, selon les chiffres de l’Admical, à nouveau à la hausse, représentant 26 % du budget total du mécénat des entreprises, avec une importance accrue des PME, présentes au coeur du tissu social. Enfin, et c’est peut-être le plus important, les années de crise ont fait émerger une nouvelle source de financement, le crowdfunding, qui permet au public de participer directement au financement du projet. Depuis un an, l’IESA art&culture a monté un partenariat avec KissKissBankBank, l’une des principales plateformes de financement participatif, et plus de la moitié des projets de nos étudiants ont bénéficié de financements de ce type.
Pluridisciplinarité et esprit d’entreprendre
Dans ce contexte, les étudiants qui souhaitent se former aux métiers de la culture n’ont pas à avoir peur. Certes le marché de l’emploi culturel n’est pas simple mais le besoin de projets culturels est quasi inépuisable. A nous de savoir leur donner les compétences nécessaires à l’administration, la gestion, le financement, la communication et la médiation de ces projets. De leur donner les moyens de convaincre des partenaires publics et privés de leur faire confiance, d’identifier les besoins culturels des publics tout en innovant dans les propositions artistiques, d’accompagner ceux qui finalement font naître ces projets, les artistes, sans oublier de leur permettre d’en vivre. Porter un projet culturel, seul ou dans le cadre d’une structure publique ou privée, c’est toujours entreprendre. Développer chez nos étudiants la curiosité, la conviction, la rigueur, l’opiniâtreté, mais surtout le plaisir de faire se rencontrer des publics variés autour de projets de qualité, c’est leur assurer, je crois, un avenir professionnel plus durable qu’incertain.
Par Boris Grebille,
Directeur de l’IESA art&culture
b.grebille@iesa.fr