Si Sciences Po reste très associé aux carrières du secteur public, c’est aussi depuis 1893 un lieu de formation des jeunes destinés à toutes les fonctions de l’entreprise. En témoignent les 73 % de ses jeunes diplômés qui se dirigent vers le secteur privé. Ne restait plus à l’école qu’à doter ses formations d’une meilleure visibilité et reconnaissance auprès des recruteurs. C’est maintenant chose faite avec la création de l’école du management de l’innovation, opérationnelle à la rentrée 2017.
Par Violaine Cherrier
« Nous avons souhaité mettre en place une véritable démarche réflexive. Nous avons donc confié la création de l’école à un comité de préfiguration qui a œuvré pendant plusieurs mois sous la présidence d’Alexandre Bompard, ancien de Sciences Po et PDG du groupe FNAC Darty, entouré de cadres et dirigeants d’entreprises de tailles diverses, et d’enseignants », précise Frédéric Mion, directeur de Sciences Po.
Il a confié les rênes de cette nouvelle école à un binôme de codoyens, Marie-Laure Djelic – PhD Harvard en 1996 et ex-professeur à l’ESSEC – et Benoît Thieulin, enseignant à Sciences Po depuis 2010 et spécialiste des questions d’innovation numérique.
« Nous avons choisi une direction bicéphale car nous souhaitons que les élèves puissent observer des modes de direction qui ne répondent pas au traditionnel management pyramidal. Nous souhaitons enseigner à nos étudiants ces nouveaux modes collaboratifs et hybrides de collaboration, de plus en plus fréquents dans un contexte de mutation digitale et technologique. »
3C pour former les entrepreneurs du changement
Le monde change de manière imprévisible et l’entreprise est un objet en mutation profonde. Voilà le double constat qui a conduit Sciences Po à repenser son enseignement. L’innovation redevient centrale dans l’organisation des entreprises. Il est donc nécessaire de préparer de nouveaux leaders de demain en phase avec les changements socio-économiques d’aujourd’hui.
Un challenge qui repose sur 3 C :
- Créativité : attirer des profils de jeunes qui se vivent eux-mêmes comme des entrepreneurs de leur vie, de leur entreprise avec une volonté de faire bouger les choses. À la clé : développer leur curiosité, la culture d’entreprise et la collaboration dans un monde numérique.
- Complexité : favoriser le développement de l’esprit critique, la capacité à penser complexe et à apprendre à apprendre. À la clé : doter les étudiants des outils pour comprendre la complexité des organisations.
- Commun : stimuler un esprit d’initiatives et de responsabilités, la compréhension des différences cultuelles et un sens de l’humain. À la clé : leur donner une vision de leur future entreprise dans un cadre plus global pour faire valoir des objectifs d’intérêt général.
« Nous avons la chance unique d’être à Sciences Po et donc nous allons bâtir sur cet ADN, poursuit Marie-Laure Djelic. En 2011, la Carnegie Fondation a établi un rapport en faveur d’une formation ancrée sur une approche transdisciplinaire ! Voilà le projet que nous allons mettre en place à travers nos 11 centres de recherche et nos 220 enseignants chercheurs. »
L’international au centre du projet
Sciences Po a d’ores et déjà une vraie ouverture internationale dans son recrutement puisque 30 % des élèves en master sont internationaux. À terme, les étudiants pourront même suivre l’ensemble du cursus en anglais. L’école dispose déjà d’une trentaine de doubles diplômes avec des institutions à l’étranger. Son ambition : s’appuyer sur un réseau plus dense de doubles diplômes et de relais à l’international.
Un enseignement transdisciplinaire
Qu’est-ce qui différencie Sciences Po des autres écoles ? C’est qu’elle n’est pas qu’une école du management et de l’innovation. Elle propose une vision différente de celle des écoles de commerce plus orientée sciences de gestion.
« Nous avons une vraie faculté de sciences humaines et sociales transdisciplinaires. Une bonne partie des sciences de gestion reposent sur des travaux de sciences sociales. 43 % des jeunes diplômés débutent leur carrière à l’international. Notre connaissance des sciences sociales et notre enseignement depuis plus de cent ans vont ainsi dans le bon sens et se montrent efficaces, parfois plus que ceux des business schools », rappelle Marie-Laure Djelic.
« Cette école est profondément enracinée dans ce qui a fait Sciences Po, l’interdisciplinarité. Elle s’intègre pleinement dans notre volonté de transformation initiée il y a déjà plusieurs années. »
Frédéric Mion, directeur de Sciences Po
« Le numérique dévore le monde »
Les humanités numériques, sous l’impulsion de Benoît Thieulin, seront également au cœur des enseignements. La question de la créativité et de l’innovation reste centrale. « En venant à Sciences Po, on a toujours envie de changer le monde mais ici on peut le faire en étant entrepreneur ne serait-ce que de sa vie avec des objets qui ne sont pas ceux de la politique traditionnelle », déclare avec enthousiasme Benoît Thieulin.
Comment y parvenir ? En enseignant à tous les rudiments de la technologie web pour leur donner cette culture numérique et permettre même à ceux qui en sont éloignés de se connecter. La révolution se fait plus au niveau des usages que de la technologie.
Ainsi, 80 % des entreprises qui se créent amènent autant des ruptures d’usages que high-tech.
Le design thinking pour des développer des formats originaux
L’école entreprend un changement pédagogique pour apprendre à apprendre. Face à une obsolescence programmée des savoirs, il est nécessaire d’apprendre à travailler dans un environnement, à collaborer… C’est pourquoi, cela implique de repenser la formation des managers aussi à travers la capacité à penser critique. « Nous cherchons à diversifier le profil des étudiants. 5 à 10 % des étudiants chaque année viennent des écoles d’art et lorsque l’on mélange tous ces différents profils – artistique, social, économique… –, ça donne un cocktail détonnant », confirme Benoît Thieulin.
L’école du management et de l’innovation en quelques mots
- L’école de communication va disparaître à la rentrée 2017 pour intégrer l’école du management et de l’innovation.
- Des droits d’inscription identiques à ceux d’un enseignement en mastère : entre 0 et 13 500 euros selon les profils. Sciences Po accueille 30 % de boursiers.
- L’école se situera sur le campus parisien.
- Recrutement : être issu du 1er cycle de Sciences Po ou entrée directe en M1 avec examen national ou procédure internationale.
- Rentrée : septembre 2017