skema BUSINESS SCHOOL
Les débats entre les tenants de la gestion active et ceux de la gestion passive de portefeuille ressurgissent à chaque changement de conjoncture boursière.
La reprise des marchés observée depuis le début de l’année 2012 est ainsi propice pour faire un rapide tour des arguments des uns et des autres. Commençons par mieux définir les termes du débat. La gestion passive a pour objectif de répliquer l’évolution d’un indice boursier. En phase de hausse, l’idée est donc de bénéficier de toute la hausse du marché. Bien évidemment, le marché est volatil et il arrive que les cours soient orientés à la baisse parfois même pendant plusieurs années consécutives mais comme globalement l’historique des cours boursiers montre que sur longue période les cours s’apprécient, un investissement passif permet de bénéficier de la hausse du marché sur longue période. Au contraire, la gestion active a pour objectif de faire mieux que les indices de référence (1). L’objectif est alors de « battre » le marché en choisissant une composition du portefeuille qui s’éloigne de celle des indices. L’objectif de la gestion passive ou indicielle n’est donc pas de maximiser un niveau de performance mais de minimiser les déviations entre la rentabilité du portefeuille et celle de l’indice suivi. Il s’agit de minimiser la « tracking error », seul critère d’appréciation du talent d’un gérant dans ce cas. Les techniques de gestion permettant d’atteindre cet objectif sont peu coûteuses et permettent d’offrir des fonds d’investissement avec des frais de gestion très faibles et une rentabilité nette très proche de celle des marchés.
La gestion active des portefeuilles d’actions consiste à faire des paris fondés sur les anticipations du gérant tant en ce qui concerne l’évolution du marché que l’évolution des actifs pris individuellement. On lui demande donc de faire preuve d’un bon market-timing pour avoir la meilleure allocation tactique possible et d’un bon stockpicking pour faire les meilleurs choix de valeurs possibles. La littérature académique montre que ces deux compétences sont rarement réunies chez le même gérant (2) ! Il est d’ailleurs plus facile de trouver des gérants, ayant sur longue période, réussi un bon stock picking qu’un bon market-timing. Remarquons aussi que si le gérant reste investi en actions, le market-timing se limite à faire des choix de réallocation entre grandes catégories de valeurs sur la base des distinctions traditionnelles (large versus small caps, growth stocks versus value, allocation sectorielle, valeur de rendement ou pas, etc.). Les moyens nécessaires à une gestion active de qualité sont plus élevés que pour la gestion passive. Une bonne gestion active nécessite de la recherche de qualité et les frais de gestion et de transaction sont plus élevés que pour la gestion passive puisque la rotation des valeurs dans le portefeuille est nécessairement plus élevée. La gestion active est donc plus coûteuse en termes de frais de gestion pour l’investisseur et nécessite donc une rentabilité brute plus élevée toutes choses égales par ailleurs pour couvrir ces frais.
Alors, gestion active ou gestion passive ?
Les études académiques montrent que si le gérant est à même de faire des choix pertinents tant en termes d’allocation que de sélectivité, malheureusement la rentabilité en excès du marché qu’il est capable de générer est plus que compensée en moyenne par les frais de gestion. La rentabilité nette est ainsi en moyenne inférieure à celle du marché. Par ailleurs, la très grande majorité des études montre que les performances sont très instables dans le temps et qu’il est illusoire de détecter un gérant capable de battre le marché de façon systématique dans la durée. Bien évidemment, cela est possible sur quelques années consécutives, de même il est possible ex-post de montrer que des gérants ont été meilleurs que d’autres en moyenne mais là n’est pas la question ! A l’avantage de la gestion active, il faut noter qu’elle a vu ses coûts diminuer durant les 15 dernières années en devenant plus efficiente. Plus exactement, elle s’est industrialisée. Une gestion active pure s’est aussi développée sous la forme de fonds alternatifs et il est aujourd’hui possible d’investir dans des fonds dont l’exposition au marché est nulle (fonds zéro-bêta) ou étroitement contrôlée. Ainsi, ces deux approches peuvent se révéler complémentaires. Il est par exemple possible d’avoir une allocation dans des fonds indiciels complétée à la marge dans des fonds actifs purs laissant toujours l’espoir à l’investisseur debattre le marché. L’investisseur ne supporte les coûts plus élevés de la gestion active que sur la part des fonds non exposés au risque de marché. La gestion active a donc toujours de beaux jours devant elle.
(1) Nous restreignons nos réflexions à la gestion actions.
(2) Pour une revue des concepts de base de la gestion active et de la performance des fonds, voir : Alphonse Pascal, Gérard Desmuliers, Pascal Grandin et Michel Levasseur : « Gestion de portefeuille et marchés financiers », 2010, Pearson, et Bobson Laurent, Pascal Grandin, Georges Hübner et Marie lambert : « Performance de portefeuille », 2ème éd., 2010, Pearson.
Par Pascal Grandin Professeur, SKEMA Business School et Université Lille 2
Pascal.grandin@skema.edu