Yves Poilane livre sa vision des leçons à tirer de l’engagement de Télécom ParisTech dans ParisTech, l’Université Paris-Saclay et maintenant NewUni (devenu Institut Polytechnique de Paris le 07/02/2019).
Alors que les 5 écoles – Ecole polytechnique, ENSTA ParisTech, ENSAE ParisTech, Télécom ParisTech, Télécom SudParis – s’apprêtent à signer leur convention de coopération, Yves Poilane livre une vision très personnelle des leçons à tirer de l’engagement de Télécom ParisTech dans ParisTech, l’Université Paris-Saclay et maintenant NewUni. La fondation de regroupements de statuts et périmètres variés depuis 2007 n’a été un long fleuve tranquille pour personne. L’objectif est toujours le même : réduire le nombre d’acteurs, rendre les institutions plus visibles mondialement, créer de la pluridisciplinarité. Cette troisième fois sera-t-elle la bonne ? Selon lui, oui, si 4 facteurs sont réunis.
#1 L’alignement des tutelles
L’engagement et l’alignement constants et sur la durée des ministres de tutelle (économie et finances – armées – enseignement supérieur, recherche et innovation), sera selon moi, le premier facteur clé de succès. Nous avons constaté l’impact et la portée d’un tel soutien suite à l’annonce par le Président Macron lui-même de la structuration du Plateau de Saclay en deux pôles, l’Université Paris-Saclay et NewUni. Le fait que Jean-Lou Chameau ait été missionné par les 3 ministères a été également un très bon signal à cet égard.
Que dit le rapport de Jean-Lou Chameau ?
Jean-Lou Chameau, président émérite du California Institute of Technology (Caltech) a remis en juin 2018 les conclusions de sa mission sur NewUni :
Créer un institut de sciences de rang mondial
Animer la recherche au sein de facultés multidisciplinaires
Encourager les liens entre la recherche et les entreprises
Nouer des partenariats privilégiés avec de grands organismes de recherche (CNRS, CEA, Inria, ONERA)
Développer une approche internationale de la formation avec des bachelors, masters et doctorats
Mener un recrutement sélectif des étudiants couplé à une politique sociale avec un soutien financier à la clé
Mettre en place un fonctionnement intégré du regroupement avec un recrutement coordonné des enseignants-chercheurs et la mutualisation des activités stratégiques
Et une organisation « aussi souple que possible », un statut d’EPSCP au sein duquel « l’Ecole polytechnique devra jouer un rôle moteur »
Approfondir les discussions entre NewUni et HEC Paris
#2 La clarté du rôle de chacun
Le projet NewUni préserve les personnalités morales des écoles. Pour moi, consacrer la pérennité des écoles, c’est consacrer leur existence. Elles ne se fondent pas dans un ensemble qui les absorberait. Le projet doit selon moi indiquer clairement quel sera le rôle de chacune au sein du collectif. Il faut définir leur positionnement, fonction de leurs expertises disciplinaires respectives. Nos écoles ne sont pas identiques, et apportent chacune quelque chose de singulier au groupement. A cet égard, il est manifeste que Polytechnique y tiendra une place particulière.
Les gens s’inquiètent légitimement de leur avenir lors d’un regroupement. Plus on est clair, plus cela rassure et donne de la perspective. Il est difficile d’imaginer que l’entité pour laquelle on travaille, à laquelle on est attaché, peut disparaître. Le chantier de la réflexion sur la fondation d’autre chose, dans lequel chaque école a sa place doit être mené.
#3 Le transfert des compétences
Selon moi, au moment où nous déciderons de mutualiser et transférer les compétences, il faudra le faire réellement dans le sens d’un transfert de pouvoirs décisionnels des écoles vers NewUni. Faute de quoi, les processus décisionnels seront ralentis voire paralysés. Or, l’une des grandes vertus attendues de NewUni est l’agilité. Cette même agilité qui fait la valeur de nos écoles.
La dévolution de compétences au profit d’une entité supérieure demandera un réel courage politique de la part des directeurs des établissements de NewUni, de leurs CA et de leurs tutelles. Ce 3ème facteur de réussite est délicat et il a clairement manqué dans les deux regroupements dans lesquels Télécom ParisTech a été impliquée.
#4 Le financement
Je n’ai jamais été et ne serai jamais dans une posture de quémander des fonds à l’Etat. Le statut d’établissement public induit une grande responsabilité sur l’utilisation des fonds publics. Pour une double finalité : former des ingénieurs et conduire la recherche ; en veillant au meilleur usage de l’argent que la collectivité nous alloue. Je suis très conscient des 58 % de mon budget émanant de fonds publics. Nous allons chercher les 42 % restants de nos ressources propres.
Nos écoles ont un objet économique et social : elles contribuent au développement du pays. Il serait donc souhaitable que les entreprises abondent plus au financement des institutions qui forment les ingénieurs dont elles ont besoin, qui produisent la recherche qui leur permet de se développer et d’innover. La marge de progrès de la contribution financière de nos alumni est également considérable. Jean-Lou Chameau a d’ailleurs souligné l’importance d’installer un collectif avec les entreprises partenaires et alumni de NewUni.
Ces 4 facteurs clés sont essentiels. Et il va falloir s’assurer qu’ils sont présents dans la durée, pas uniquement au moment de la fondation de NewUni !