La présentation de l’ouvrage célébrant les 40 ans de l’entrée des filles à l’Ecole polytechnique a été l’occasion pour des pionnières et des plus jeunes, d’échanger sur la place des femmes à l’X. Il reste du chemin à parcourir alors que le taux de féminisation plafonne à 20 %.
La nécessité de se diversifier
Pour arriver au sommet, ces femmes de progrès expliquent qu’il leur a fallu beaucoup de diplomatie et d’imagination. « Cela demande de la concentration, de la réflexion mais aussi de trouver un équilibre pour réserver du temps à construire sa vie personnelle » a résumé Dominique Senequier. Ancienne présidente de l’INRA, Marion Guillou a rappelé que « la biodiversité est une condition de la résilience ! Il est nécessaire d’augmenter la diversité sociale, de genre, intellectuelle. L’Ecole a tout à gagner à se diversifier. »
Pionnière : une aventure
« Il y a 40 ans nous avons entrebâillé une porte, les jeunes générations feront beaucoup mieux que nous ! » a annoncé en préambule Dominique Senequier (72). Elle raconte qu’elle était étudiante en prépa et se destinait à devenir professeur de mathématiques lorsque « Michel Debré a fait passer la loi ouvrant l’Ecole aux femmes. Impossible de rater une telle occasion. En même temps qu’il changeait le cours de ma vie, ce printemps 1972 marquait une étape symbolique de l’histoire des Femmes en France.» Ces souvenirs, Dominique Senequier les raconte dans l’ouvrage anniversaire intitulé « Femmes de progrès Femmes de Polytechnique ». Son objectif est de dire aux plus jeunes « Osez » et de leur montrer la réussite dans les sciences et à la tête des entreprises de 40 Femmes de progrès. La présidente du directoire d’AXA Private Equity partage avec humour la manière dont avec ses 6 camarades elles ont ouvert la voie. « Il n’y avait ni uniforme ni chambres pour les filles, les hommes se disaient qu’ils n’y auraient pas de reçues… Nous avons d’abord dormi à l’infirmerie et porté un survêtement ! Au bout d’un mois, nous nous sommes rebellées car on nous avait réservé la corvée de pommes de terre. Nous avons rencontré le DG pour lui que nous n’étions pas entrées à l’X pour cela ! »
Lutter contre les stéréotypes
Michèle Cyna (76), PDG de BURGEAP, présidente de Polytechnique au féminin s’intéresse au déficit d’étudiantes à l’Ecole. « Je suis interpelée par le fait que femmes et hommes n’ont pas les mêmes parcours, qu’elles sont peu nombreuses au sommet et que Polytechnique attire moins les filles que d’autres écoles d’ingénieurs. Les filles font des choix raisonnés, elles vont dans les filières où elles sont attendues. Notre livre doit permettre de lutter contre les stéréotypes, de montrer que les femmes ont leur place au plus haut niveau et sont épanouies dans leurs métiers. C’est ce message que nous portons dans les collèges et lycées auprès des jeunes-filles. Nous y allons en jean, décontractées, pour leur montrer que les femmes ingénieurs sont des femmes comme les autres ! » Marion Guillou (73) a été présidente du conseil d’administration de l’Ecole polytechnique pendant 5 ans. Elle s’est attachée à éclaircir ce désamour des filles pour l’Ecole. « Nous avons cherché si les épreuves du concours ou le sport pouvaient être des freins. Chaque facteur a été étudié par des sociologues, et ce n’est pas le cas. Comme d’autres écoles d’ingénieurs nous subissons le manque de places en internat de CPGE pour les filles, l’image des métiers d’ingénieur et l’autocensure. La seule solution est d’aller parler de nos métiers, de rencontrer les jeunes-filles pour évoquer les thèmes qui leurs sont chers et des atouts de nos métiers : la diversité, la notion de progrès, de service, d’évolution professionnelle, d’accès à l’emploi, d’épanouissement ; et de faire la promotion de femmes qui réussissent. »