Ni diable ni messie, la première monnaie virtuelle à faire parler d’elle est tout simplement… une première. Et au vu des avantages techniques offerts comme des institutions qui s’y intéressent, il serait naïf de penser que les incidents rencontrés à l’allumage suffiront à enrayer ce qui, d’évidence, est l’amorce d’une mutation numérique de plus…
Créés en 2008 par le mystérieux Satoshi Nakamoto, le Bitcoin (majuscule pour la monnaie, minuscule pour une pièce ou une somme) est une monnaie virtuelle se transmettant via internet de façon anonyme, d’un utilisateur à un autre, sans intermédiaire. Ni frappés ni gérés par quelque banque centrale que ce soit, les bitcoins sont générés par des algorithmes et portent chacun en mémoire toutes les transactions dont ils ont été le centre ; l’ensemble étant automatiquement enregistré dans un immense livre de comptes public, infalsifiable : la blockchain.
21 millions en tout et pour tout
Les bitcoins ne naissent pas ex-nihilo. Toutes les dix minutes, des calculs compliqués sont proposés aux volontaires du monde entier qui, s’ils sont les plus rapides à en venir à bout, « minent » ainsi de nouveaux bitcoins ; 25 unités leur revenant en prime. Sur les 21 millions totaux fixés par le créateur, plus de 13 ont déjà ainsi été « émis ». Mais, s’il y a quelques années, un bon processeur suffisait pour participer à cette ruée vers l’or virtuelle (plusieurs fortunes notables s’y sont faites !), la course est depuis longtemps réservée aux machines les plus performantes. Si l’on veut aujourd’hui des bitcoins, il faut les acheter ! Où donc ?… Sur l’une des nombreuses plateformes d’échange dédiées, telle la célèbre Mt Gox (française !) qui a fait faillite pour s’être fait « hacker en ligne » – prétend-elle – quelque 750 000 bitcoins. 300 millions d’euros au taux de change actuel d’1 BTC pour 440 €.
So what ?!…
Tout l’intérêt du système est de pouvoir utiliser cette valeur, la plus simple d’utilisation qui soit (elle s’envoie comme un mail à raison de 70 000 transactions/jour actuellement) le plus largement possible et surtout, sans aucun intermédiaire. Zéro tiers égale zéro commission ! Raison pour laquelle des millions d’entreprises l’acceptent déjà, parmi lesquelles Virgin, China Mobile (1er opérateur téléphonique chinois) ou la Commission Electorale Américaine. Raison pour laquelle encore, en dépit de couacs média-dramatisés pour les besoins du genre (taux de change volatile rendant effectivement les placements risqués, hackage possible de son compte en ligne ou encore blanchiment d’argent favorisé par l’anonymat des transactions), cette nouvelle monnaie n’a, au final, été interdite que par deux états : la Russie et la Thaïlande.
Un « haro ! » de façade
En accord au contraire avec Ben Bernanke, patron de la Réserve Fédérale des Etats-Unis qui considère la devise comme « prometteuse à long terme, en particulier pour mettre en place des moyens de paiement plus rapides, efficaces et sûrs », la Banque Centrale américaine a ouvert une enquête pour « analyser avantages et inconvénients du système ». Et si les gouvernements poussent à raison leurs concitoyens à la prudence, les milieux financiers observent plutôt le phénomène avec intérêt. Certes, les monnaies virtuelles en sont encore à leurs balbutiements, mais, derrière le bitcoin, une bonne centaine (!) d’autres sont en lisse pour prendre le relai, apportant au passage des fonctionnalités nouvelles qui facilitent considérablement micro-transactions, crowfunding sans intermédiaire, paiements récurrents… Tandis que, plus généralement, d’autres acteurs réfléchissent à la manière d’utiliser la blockchain Bitcoin (ce fameux registre publique infalsifiable) pour réaliser TOUS les transferts d’actifs : immobilier, matières premières, devises…. L’ensemble du système financier « intermédié » de l’ère industrielle se trouvant, de fait, sur la sellette ; voire même, au-delà, le droit contractuel ! Les Jacques Attali, Laurence Parisot, Gavis Andresen et consorts n’auraient pas, sinon, accepté d’être les invités vedettes de la grande conférence organisée par Bitcoin à la Défense en octobre.La révolution numérique est loin d’avoir achevé son oeuvre transformatrice…
JB