Alors que la pratique des réseaux sociaux par le grand public et les annonceurs entre dans sa phase de maturité, le marketing y a-t-il toute sa place ?
L’éternelle question du retour sur investissement
Difficile d’avoir une source d’information fiable quand on parle de ROI sur les réseaux sociaux (RS), tant chacun semble avoir sa propre recette. Ou, dans la plupart des cas, aucune recette du tout. Selon les résultats d’une enquête sur les principaux bénéfices des RS1 comme outil marketing :
■ 64% constatent une augmentation du nombre de prospects en ayant recours aux RS six heures ou moins par semaine : il est question ici de prospects et non de clients et la corrélation reste à établir.
■ 62% des professionnels du marketing qui utilisent les RS depuis au moins deux ans constatent une amélioration des positions sur les moteurs de recherche : l’origine de cette hausse serait plutôt à chercher du côté de la multiplication des contenus que de l’utilisation seule des RS (dont l’influence sur les résultats des moteurs de recherche est encore floue). Là où le bât blesse, c’est que 57 % du panel interrogé admet que les RS n’ont eu aucune influence sur leurs ventes. mesures d’efficacité des actions sur les RS intéressent 87 % des répondants. Cette question arrive en tête depuis trois ans : clairement, très peu de professionnels ne mesurent l’efficacité de leurs actions. Les RS et le marketing sur les RS sont deux choses très différentes : alors que les RS ont connu un succès mondial fulgurant, l’existence d’actions marketing rentables et documentées sur ces réseaux reste rare.
Le mythe du « tout social »
En 2010, Pepsi Cola décide de ne pas reconduire ses budgets sur les supports “traditionnels” et de tout miser sur les RS : des dizaines de millions de dollars sont détournés au profit d’une unique opération en ligne. Un succès selon les standards du web social : 80 millions de votes, 3,5 millions de likes, 60 000 followers. Un succès sur le web social seulement, car Pepsi fait l’impasse sur l’essentiel : vendre du Pepsi. L’année suivante, la marque fait machine arrière devant une perte de parts de marché estimée à 5 % par le Wall Street Journal, l’équivalent de 350 millions de dollars. Les entreprises qui dominent aujourd’hui les RS sont encore et toujours les produits grand public (Coca Cola, Disney, Starbucks, …) qui ont construit leur marque avec les medias traditionnels. Les RS n’ont pas augmenté la portée de ces marques, ils leur ont permis d’établir leur domination, de façon différente, sur ce nouveau terrain.
Le problème du spam
La facilité d’accès à ces canaux de communication “gratuits” mène à des excès qui ne sont jamais très loin du spam. L’ennuyeux, c’est que même si les RS ne sont pas une science exacte, une des seules règles sur laquelle tout le monde tombe d’accord est : pas de spam. Imaginez les RS comme un monde parallèle au notre. Iriez-vous à un événement professionnel en commençant à vendre vos produits à tous les gens à qui vous serrez la main sans avoir pris le temps d’établir une relation avec eux ? Certainement pas : vous commenceriez par entamer une conversation, à les écouter, etc. De la même façon que le public sait maintenant faire la différence entre un communiqué de presse et une actualité, il sait aussi détecter les actions de marketing déguisées plus ou moins habilement en “conversations”2. Les RS sont importants pour établir des relations, renforcer son image et sa crédibilité, mais pas nécessairement pour attirer rapidement des clients qui paient. Il est facile d’y perdre beaucoup de temps sans atteindre un retour financier intéressant.
1) Michael A. Stelzner, 2013 Social Media Marketing Industry Report, Social Media Examiner, 2013, pp. 8-17.
2) Bob Hoffman, The Devolution Of Social Media Marketing, The Ad Contrarian, 2013.
Par Régis Faubet
Responsable Pôle Digital Grenoble Ecole de Management
Contact : regis.faubet@grenoble-em.com