On ne compte plus les enquêtes stigmatisant les générations Y et Z : individualistes, prêts à quitter leur poste au premier conflit de valeur, plaçant leur bien-être au-dessus des intérêts de l’entreprise… On les dit difficiles à manager, on pense même qu’ils souhaiteraient la disparition du manager. Et si ce n’était pas dû à leur génération ? Et si cette apparente immaturité était en fait une preuve de maturité ?
Pour la science, les générations n’existent pas
Les chercheurs nous apprennent que le concept-même de génération ne serait pas fondé scientifiquement : l’hypothèse d’une évolution parallèle de toutes les cohortes d’âge est plus robuste d’un point de vue statistique que celle d’une segmentation qui correspondrait à des générations. Les générations qui coexistent à un moment donné de l’histoire ont en effet plus de points communs que de différences. En d’autres termes, la quête d’une vie et d’un travail épanouissant, correspondant à ses aspirations et valeurs personnelles, et ayant un impact positif sur le monde au-delà du profit financier, pourrait concerner l’ensemble de la population active, et pas seulement les jeunes.
Un mouvement de transformation commun
Les comportements de nos plus jeunes collaborateurs en entreprise pourraient simplement refléter la modernisation, voire post-modernisation de notre société : une fois la sécurité économique atteinte, les priorités politiques évoluent naturellement vers des valeurs de bienveillance et de confiance, et vers la satisfaction des besoins psychologiques (bien-être, accomplissement intellectuel, social, esthétique…). L’échelle de la liberté mènerait vers la réalisation de soi et l’émancipation, dans un mouvement d’évolution naturel de l’espèce humaine.
Et le management dans tout ça ?
Si on se projette ainsi dans un futur plus ou moins lointain, quel serait le rôle du manager dans ce nouveau stade d’évolution de l’humain et du salarié ? Les modèles d’évolution des organisations, qui sont cohérents avec les théories du développement psychologique et sociologique, suggèrent que l’une des caractéristiques de l’entreprise de demain serait l’autogouvernance : diminution, voire disparition de la hiérarchie, fonctionnement en réseau, dépassement de la recherche de consensus vers un mode autoorganisé favorisant l’adaptation et la résilience. Pas de manager ici, dans le sens gestionnaire et hiérarchique du terme : les choix individuels et collectifs ne sont pas guidés par le management, mais par la raison d’être de l’organisation. La raison d’être est le but d’ordre supérieur de l’entreprise, sa mission, sa finalité, sa contribution au monde. C’est ce qui justifie son existence, au-delà de toute considération extrinsèque : en aucun cas, le profit ne peut être considéré comme une fin en soi ; ce n’est qu’un moyen pour exercer la raison d’être et produire un impact positif sur le monde.
Du manager au leader transformationnel
Si l’organisation de demain n’a plus besoin de manager, elle a en revanche besoin d’individus à tous les niveaux de l’organisation (quels que soient leurs titres, fonctions, qualification), qui portent le sens et les valeurs. C’est ce qu’on appelle des leaders transformationnels. Cette vision du futur, d’une entreprise auto-organisée autour de ses valeurs et de sa raison d’être, dans laquelle les notions de hiérarchie et d’autorité n’ont plus de sens, semble impossible pour nombre d’entre nous. Mais nos jeunes collaborateurs, avec leurs aspirations transformationnelles, sont là pour nous rappeler que l’évolution est en marche.
L’auteur est Stéphanie Buisine, Directrice de Recherche CESI