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Les scientifiques, un atout pour l’économie et la société

François Lureau est le nouveau président d’IESF (Ingénieurs et scientifiques de France), fédération de 180 associations qui représentent plus d’un million de scientifiques. Le rôle des ingénieurs dans l’économie et la société est mieux reconnu. Il s’en félicite et veut aller encore plus loin.

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La France compte un million de scientifiques diplômés bac+5 et plus, quelle est leur place dans l’économie ?
Leur nombre et la qualité de leurs profils en font un atout important pour la croissance, la réindustrialisation et le développement économique du pays. Et de fait, ils sont actifs dans tous les secteurs. Au-delà des métiers de la production, ils innovent et créent de nouveaux produits et services en complémentarité avec ceux qui les vendent et ceux qui gèrent les organisations. Ces dernières années, leur rôle est enfin reconnu. Les discours politiques sur la réindustrialisation et la compétitivité de la France incluent les ingénieurs, leur rôle essentiel dans la croissance. Ce premier pilier est construit, nous souhaitons le développer encore.

 

L’ingénieur au coeur de la société et de ses enjeux

« La prise de conscience de la complexité des choses met en lumière la nécessité d’une perspective globale pour élaborer des solutions. Le pays a
besoin d’ingénieurs et
scientifiques pour gérer
la complexité dans toutes ses dimensions, pas uniquement
techniques. »

Ils ont aussi un rôle à jouer dans la société, lequel ?
L’ingénieur dit « à la française » possède une approche pluridisciplinaire, une vue globale qui lui permet d’englober de multiples techniques et systèmes, de les combiner, de comprendre un problème dans son ensemble pour lui apporter des solutions. Il possède et met en oeuvre des connaissances en économie et management, gère des projets, des équipes et des entreprises ; il est ouvert sur le monde et ses enjeux. Il possède une vision humaniste du métier d’ingénieur, il n’est pas uniquement mu par la vérité scientifique, il prend du recul et use des certitudes avec prudence. C’est une approche précieuse pour la société. La prise de conscience de la complexité des choses met en lumière la nécessité d’une perspective globale pour élaborer des solutions. Le pays a besoin d’ingénieurs et scientifiques pour gérer la complexité dans toutes ses dimensions, pas uniquement techniques.

 

Quels sont vos projets pour IESF pour ancrer et développer ce rôle ?
Cela passe par la bonne connaissance de la population des scientifiques au travers de nos enquêtes annuelles. IESF renforce aussi ses actions de promotion des métiers. C’est le cas avec la Journée Nationale de l’Ingénieur qui se tiendra le 2 avril en 2015. Le haut patronage du Président de la République et la présence de ministres montrent que l’évènement s’établit. Cette année, nous mettrons l’accent sur le rôle de l’ingénieur dans la croissance au travers de son implication dans l’industrie et la recherche mais aussi sa place dans les administrations et la sphère publique. L’Etat gère des questions cruciales qui nécessitent l’analyse de l’ingénieur comme la transition énergétique.

 

Valoriser les formations scientifiques françaises

Comment IESF s’adresse-t-il aux plus jeunes ?
Durant l’année scolaire 2013- 2014 nous avons touché 34 000 collégiens et lycéens via notre programme Promotion des Métiers de l’Ingénieur et du Scientifique (PMIS). En matière de formation initiale, IESF défend le modèle de l’ingénieur « à la française », en France pour dire que les modèles universitaires et grandes écoles ont leur place dans l’enseignement supérieur ; et à l’international pour faire connaître nos formations.

 

La formation continue est un autre de vos sujets d’ambition
Je suis convaincu que la formation tout au long de la vie est essentielle alors que les carrières ne sont plus linéaires et sont plus longues ; et en réponse à l’évolution rapide des techniques et technologies. Notre enjeu est que les formations complémentaires soient efficaces et reconnues dans cette perspective. L’idéal serait un système d’accréditation européen. Nous travaillons sur ce thème avec la CDEFI, la CTI et la FEANI (Fédération européenne d’associations nationales d’ingénieurs). Au niveau européen, j’ajoute que nous réfléchissons à la création d’une carte professionnelle pour les ingénieurs. Notre exigence étant qu’elle concerne les diplômés Bac +5.

 

Comment entendez-vous travailler auprès de votre réseau en tant que fédération ?
Je souhaite une rénovation de la réflexion technico-scientifique de nos comités sectoriels. L’objectif est de plus intégrer les enjeux économiques et de société. IESF va développer des partenariats, notamment avec l’Académie des technologies, pour exprimer une réflexion plus globale. La force de notre réseau est qu’il est partout, au coeur de la France, de la société, chez les élus, les chefs d’entreprise, les innovateurs … L’enjeu est donc de pouvoir identifier les expertises dont il recèle pour les mobiliser et les faire connaître. Un inventaire des compétences du réseau est en cours.

 

817 000 ingénieurs en France

Vous affirmez que la France forme assez d’ingénieurs, ce n’est pas la thèse la plus répandue ?
Je pense qu’en regard de notre population, diplômer plus de 35 000 ingénieurs par an est suffisant. Par rapport à des pays de niveau économique et académique comparable la proportion de jeunes formés à l’ingénierie est importante. Ainsi, entre 25 et 29 ans un homme sur 17 est ingénieur et une femme sur 48. La population générale des ingénieurs a augmenté de 4,9 % entre 2000 et 2013, passant de 720 000 à 817 000. La part des ingénieurs augmente plus vite que celle des emplois ; cela veut dire qu’il y a de plus en plus d’ingénieurs dans la population active. Parallèlement, leur taux de chômage reste stable et faible à environ 4 %. La question est plutôt celle de l’adéquation entre les spécialités de formation et les besoins des entreprises. Il existe ainsi des secteurs en tension comme l’informatique et le numérique. Mais on ne peut pas généraliser cette tension à l’ensemble des secteurs et métiers.
www.iesf.fr

 

spécial PRÉSIDENT(E)S
Quelle place pour les ingénieurs à la tête des entreprises ?
Ils ont toute leur place dans les secteurs où il y a une certaine technicité, mais pas seulement. Et de fait, il y a des ingénieurs à la tête d’entreprises de taille et de secteurs très variés. Ils y réussissent grâce à leur approche globale et rigoureuse. Il est important pour le management de savoir intégrer les divers enjeux de l’entreprise : technique, produit, encadrement d’équipe, commercial et économique….
Quels sont leurs atouts à cette responsabilité ?
Ils ont le sens du temps. Un ingénieur ne raisonne pas à court terme, il considère l’impact de ses décisions, il sait que le progrès fonctionne sur des cycles longs. Et il sait aussi l’importance d’être réactif. Il a le sens de l’économie, sait gérer un budget. Il connait la réalité des aléas, sait quantifier et gérer les risques. Son coeur de compétence – gérer la complexité et apporter des solutions – est évidemment utile à la tête d’une entreprise. Je crois que les ingénieurs possèdent de nombreuses, voire toutes, les qualités nécessaires à un dirigeant ! Ensuite, quelle que soit la formation, l’individu et ses qualités personnelles de leadership, son charisme, importent. Les ingénieurs sont bien formés pour prendre des responsabilités jusqu’au plus haut niveau, mais évidemment ils n’en n’ont pas tous la vocation. En outre, il faut de la diversité de formations, d’expériences et de profils à la tête des entreprises. Un Comex est efficace s’il marie les points de vue et les compétences.

 

A. D-F