Pierre Chandon
Pierre Chandon

Les Profs/2 : La vérité sur le métier d’enseignant-chercheur dans une Business School

Quartier libre A l’INsead

 

A la soirée du 20e anniversaire de ma promo de l’ESSEC, après avoir échangé quelques souvenirs avec d’anciens copains, la conversation prenait souvent cette tournure :
– Et toi, qu’est-ce que tu deviens ?
– AprEs avoir passé pas mal de temps aux US, je suis maintenant prof de marketing a l’INSEAD.
– Ah, sympa. Et en dehors de tes cours, tu fais quoi, du conseil ?
– Pas vraiment. C’est une activité a plein temps tu sais.
– Mais tu enseignes beaucoup ?
– Environ une centaine d’heures.
– Par mois ?
– Non, non, par an.
– … ?!

 

Pierre Chandon
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Le métier d’enseignant-chercheur en management (marketing, stratégie, finance, etc.) est l’un des plus méconnus de ceux qui s’ouvrent aux étudiants des grandes écoles. Pourtant, c’est un métier qui offre à la fois un challenge intellectuel des plus stimulants (c’est le pendant « recherche » de notre métier), une richesse humaine et relationnelle unique (c’est le pendant « enseignement ») et même des opportunités de management (le pendant « administratif »). De plus, l’offre de postes d’enseignantchercheur en management reste bonne et les salaires ne cessent de progresser. Selon la dernière enquête (http://www.docsig.org/ index.php/who-went-were/whowent- where-and-salary-surveys), le salaire moyen d’un professeur de marketing s’élève à 176,000 $ par an dans les meilleures universités privées américaines. Les salaires en Europe sont généralement inférieurs mais commencent à s’aligner dans un marché qui se mondialise. Pour devenir enseignant-chercheur, il faut obligatoirement un doctorat (PhD). Contrairement aux idées reçues, nombre de business schools, comme l’INSEAD, financent entièrement les frais de scolarité et offrent de confortables bourses à tous les doctorants pendant les cinq années que durent les études. Evidemment, ces doctorats sont très sélectifs et exigent énormément de travail, mais parlez-en à vos professeurs, beaucoup vous diront que ce furent les meilleures années de leur vie ! Notre mission consiste avant tout à faire avancer les connaissances dans notre discipline. La recherche est une activité de longue haleine, très codifiée, dans laquelle on est constamment évalué (par le nombre et l’impact des publications) et très concurrentielle. C’est aussi une activité dématérialisée qu’on emporte avec soi et qui, de ce fait, ne s’arrête jamais. Mais une fois que l’on maîtrise les codes et techniques, la recherche est une activité stimulante intellectuellement, qui n’a pas son pareil dans le monde de l’entreprise. Bien sûr, les activités d’enseignement restent primordiales. Là où la recherche nuance, l’enseignement simplifie ; quand l’une requiert du temps et des données empiriques, l’autre exige de la rapidité et de l’intuition ; quand la première sème le doute, la seconde encourage l’action. Là où le chercheur s’inscrit dans la durée et se concentre sur un sujet pointu, l’enseignant doit suivre l’actualité et avoir une opinion sur l’ensemble des sujets de son domaine, sans oublier des conseils pour les étudiants à la recherche d’emploi.
Enfin, et c’est la partie la moins connue, les enseignants-chercheurs des business schools plus avancés dans leur carrière décident des orientations stratégiques de leur école, lancent de nouveaux diplômes, établissent des alliances avec d’autres universités, ou gèrent un centre de recherche. D’ailleurs, les doyens des universités sont presque exclusivement issus du corps professoral. En résumé, le métier d’enseignant chercheur est tellement diversifié que quasiment l’ensemble l’exercent pour la vie (une autre source d’étonnement de mes anciens camarades) car il est facile de mettre l’accent sur l’une ou l’autre de ses trois facettes au fil d’une carrière : recherche, enseignement, et même management. Il existe aujourd’hui de réelles opportunités dans ce domaine pour les étudiants des grandes écoles, qui ont une formation parfaitement adaptée et qui, pourtant, sont bien moins nombreux à tenter leur chance que les étudiants asiatiques par exemple. Allez-y ! Et préparezvous à en étonner plus d’un lors de vos réunion d’anciens !

 

Par Pierre Chandon,
professeur de marketing est le titulaire de la chaire L’Oréal de Marketing à l’INSEAD

 

Contact : www.pierrechandon.com